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Fonds européens - Dépenses rurales et régionales : des erreurs de paiement une fois sur deux

Un rapport de la Cour des comptes européenne passe en revue les dépenses européennes entachées d'erreurs. Quelque 4,5 milliards d'euros déboursés en 2010 sont concernés.

Du pain béni pour les eurosceptiques. Dans son rapport annuel sur l'exécution du budget, la Cour des comptes européenne relève une augmentation du nombre d'erreurs dans les dépenses communautaires en 2010. "Encore une année, encore un audit désastreux", résument les eurodéputés du parti conservateur et réformiste, refuge des Tories britanniques depuis 2009. La somme porte sur 4,5 milliards d'euros, soit 3,7% des 122 milliards dépensés en 2010, contre 3,3% des dépenses en 2009.
Il ne faut cependant pas s'attendre à un tableau de chasse des plus grands détournements d'argent public, qui restent le pré carré de l'Office européen de lutte anti-fraude. Dans ses travaux, la Cour s'est concentrée sur la gestion courante des dossiers. Et la politique régionale remporte la palme des maladresses. Sur 243 opérations passées au crible par le gendarme luxembourgeois, 49% posent problème. Sur les 40,9 milliards d'euros dépensés en 2010 pour la politique de cohésion, 3 milliards (soit 7,7%) seraient donc affectés. Un chiffre en progression par rapport à 2009, époque où la Cour rapportait un taux d'erreur supérieur à 5%, sans plus de précisions.

Contrôles "inefficaces"

Parmi les cas de mauvaise gestion pointés du doigt figurent des infractions aux règles des marchés publics (absence d'appel d'offres par exemple), des demandes irrégulières (financement élevé accordé à un organisme de formation identifié à tort comme une PME), projets inéligibles, etc.
Les dépenses agricoles ne sont pas en reste, avec une fréquence d'erreur de 37% sur les paiements épluchés par la Cour des comptes européenne. Pour les dépenses liées au développement rural (Feader), des irrégularités ont été notées dans la moitié des 151 cas examinés. Dans son analyse, la Cour pointe la faiblesse des contrôles administratifs nationaux visant à vérifier "la vraisemblance des dépenses déclarées". La France écope d'un bilan sévère : son système de contrôle des aides rurales est jugé "inefficace". Des problèmes ont été relevés dans les règles de calcul retenues par le pays et les contrôles de terrain seraient insuffisants et trop peu fréquents.

Des pâturages ou des forêts ?

Pour les aides aux agriculteurs (Feaga), 27% des paiements étudiés sont erronés. Dans de nombreux cas, les terres déclarées éligibles ne le sont pas. En Roumanie et en République tchèque, près de la moitié des surfaces "se sont avérées inexactes", souligne la Cour. L'Espagne et la Grèce, ont de leur côté perçu des aides au titre de terres enregistrées comme pâturages, alors qu'elles étaient en grande partie recouvertes de forêts denses. Autant d'expériences qui révèlent les failles du "système d'identification des parcelles agricoles", base de données informatique dont la Cour des comptes réclame une mise à jour plus régulière.
La France est quant à elle citée dans une affaire relative à une usine à sucre. En échange du démantèlement de ses installations, un producteur avait obtenu un soutien financier de l'UE. Mais le montant des aides avait été calculé sur une base erronée de 93.500 tonnes par an, alors que l'unité ne dépassait pas 60.000 tonnes. "Cette augmentation de la capacité a été créée artificiellement afin de bénéficier d'un taux d'aide plus élevé, rapporte la cour. En outre, 10% de cette aide ont été versés à des cultivateurs qui n'avaient jamais livré de betteraves sucrières à l'usine démantelée", ajoute-telle.
Ces conclusions, qui peuvent paraître alarmantes, font pourtant état d'une nette amélioration des performances européennes depuis 2006, où le taux de dépenses irrégulières (supérieur à 7%) était deux fois plus élevé qu'aujourd'hui. Si le temps des primes à la vache corse est révolu, la diète qu'infligent les gouvernements aux citoyens européens donne à l'inventaire de la Cour des comptes une résonance particulière…