Fonction publique - Déontologie, temps de travail, pénibilité : Annick Girardin maintient son cap
Après avoir présenté son agenda 2016 aux syndicats le 29 mars (voir notre article du 30 mars ci-contre), la ministre de la Fonction publique, Annick Girardin, est revenue, dans un entretien à l'agence AEF paru le 11 avril, sur ses priorités de travail pour les mois à venir.
Elle a tout d'abord salué l'adoption définitive par le Parlement du projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires le 7 avril, après accord en commission mixte paritaire le 29 mars (voir ci-contre notre article du 31 mars). En plein scandale des "Panama papers", la ministre a rappelé le travail accompli par le gouvernement dans le domaine de la transparence, soulignant que le projet de loi "fait de chaque fonctionnaire, et de son chef de service, le premier rempart de la prévention des conflits d’intérêts", et que chaque fonctionnaire potentiellement exposé à des conflits d’intérêts devrait désormais remplir une "déclaration exhaustive d’intérêts" préalable à sa nomination.
En matière de sanctions disciplinaires, elle s'est réjouie de la suppression de l’article qui prévoyait l’extension à l'ensemble de la fonction publique de la mesure d’exclusion de trois jours (1). Concernant le maintien du recours à l’intérim dans les fonctions publiques territoriale et de l'Etat, que les députés voulaient supprimer, elle s'est dite "sensible aux arguments des collectivités territoriales sur ce sujet" et soucieuse de "tenir compte des réalités du terrain". La ministre a enfin annoncé que le gouvernement s'engageait à publier l'ensemble des décrets d'application de la loi "avant la fin de l’année 2016".
Le projet de loi prévoit également la mise en place d'une commission spéciale pour la laïcité dans la fonction publique, dont la composition sera annoncée dans les prochaines semaines. L’objectif de cette commission sera de "faire des propositions aux employeurs et aux agents publics confrontés à des difficultés d’application", a précisé Annick Girardin. "Nous devons sur ces questions tenir compte des remontées du terrain, de la part des agents ou des employeurs, en particulier des petites collectivités locales qui ont des difficultés à accompagner leurs propres agents. Je souhaite que l’on sorte de l’injonction et que l’on parle terrain et réponses adaptées", a-t-elle insisté.
La revalorisation de 1,2% de la valeur du point d’indice sur 2016-2017, laisse les organisations syndicales sur leur faim (voir ci-contre notre article du 18 mars). Sur ce sujet, la ministre a rappelé que cette mesure "s'inscrit dans une politique cohérente" et vient s'ajouter aux mesures de revalorisation de la catégorie C et aux revalorisations des grilles indiciaires prévues pour l'ensemble de la fonction publique par le protocole "PPCR", entre 2016 et 2020. Un nouveau rendez-vous salarial aura lieu "après l’élection présidentielle de mai 2017".
La ministre avait par ailleurs annoncé, lors du CCFP du 29 mars, deux grands axes de discussions, le premier sur "les suites à donner à la concertation santé et sécurité au travail", de mai à septembre, et la concertation relative au recrutement, à la formation, au développement des compétences et à l’accompagnement des parcours, qui sera menée du 12 avril à juillet. Sur ce dernier thème, Annick Girardin réserve la primeur de ses annonces aux organisations syndicales.
Le Compte personnel d'activité (CPA) et la pénibilité ne figurent pas à l'agenda social. Concernant le CPA, la ministre a confirmé qu'elle aurait un échange avec les organisations, afin de réfléchir "aux modalités spécifiques qui permettront de l’adapter à la fonction publique". Ne souhaitant pas se focaliser sur la pénibilité, "un sujet sur lequel les organisations syndicales sont prudentes" - il poserait notamment la question de la pertinence du maintien de la distinction entre catégories "active" et "sédentaire" de fonctionnaires, pour le cas où d'éventuelles majorations d'ancienneté pour pénibilité viendraient à être accordées -, elle a indiqué des pistes d'avancement possibles, dans les domaines des "conditions de vie au travail, santé, formation professionnelle, développement des compétences".
Le temps de travail des fonctionnaires est l'objet d'un rapport fort attendu, préparé par Philippe Laurent, président du CSFPT et secrétaire général de l’AMF, qui devrait être remis au Premier ministre "au printemps". Sur ce sujet, ô combien sensible, Annick Girardin a affirmé, n'avoir "aucun état d’âme", soulignant qu'"il n’est pas acceptable aujourd’hui que la durée minimale légale du travail (1.607 heures annuelles) ne soit pas respectée par les trois versants de la fonction publique : État, territoriale et hospitalière". Souhaitant "la transparence sur cette question qui entretient énormément de fantasmes", elle s'est déclarée prête à faire "bouger les lignes, là où il y a des abus, dans le respect du dialogue social".
Les articles 39 et 40 du projet de loi "Egalité et Citoyenneté" portant respectivement sur l’extension du troisième concours aux apprentis et l’ouverture du dispositif "Pacte" aux catégories B (voir ci-contre notre article du 18 mars) ont été très contestés par les syndicats, qui ont voté contre au CCFP du 29 mars. La ministre a indiqué avoir retiré l'article 40 du projet de loi (voir ci-contre notre article du 7 avril) "car les objections étaient réelles et sérieuses", tout en rappelant que "la fonction publique doit être à l’image de la société, et à ce titre être ouverte à la diversité sans pour autant remettre en cause la qualité des missions et des compétences". Quant à l’article 39 [qui devient l’article 36 dans la version issue du Conseil d’Etat], il pourrait connaître quelques modifications sur la forme mais "restera identique sur le fond".
Laurent Terrade
(1) Le Parlement a supprimé l’article 13 qui prévoyait l’extension de la mesure d’exclusion de trois jours, qui n’existe actuellement que dans la fonction publique territoriale aux trois fonctions publiques, et son inscription dans les sanctions du premier groupe (qui ne nécessitent pas la consultation du conseil de discipline), au lieu du second groupe (avec obligation de consulter le conseil de discipline).