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Fonction publique - A la rencontre d'agents territoriaux, Annick Girardin justifie l'effort demandé aux collectivités

Au lendemain de l'annonce du dégel du point d'indice des fonctionnaires, la ministre Annick Girardin s'est rendue le 18 mars dans une mairie, celle d'Alfortville (94), pour échanger avec des agents municipaux. Il s'agissait de redire que cette revalorisation - cette "reconnaissance" de leur travail - s'imposait. Et ce, même si cela représente un nouvel "effort" de 683 millions d'euros pour les employeurs locaux. La ministre prévoit qu'il en sera question dans le cadre des discussions sur la baisse des dotations. L'AMF et l'ADCF demandent effectivement que la nouvelle mesure salariale décidée par l'Etat soit compensée par une moindre baisse des dotations.

C'était la première "visite de terrain" d'Annick Girardin depuis sa nomination au gouvernement. La veille, le 17 mars, la ministre de la Fonction publique avait été sous les feux de la rampe avec l'annonce du relèvement de 1,2% du point d'indice des fonctionnaires, gelé depuis près de six ans. Une revalorisation qui interviendra en deux temps : +0,6% au 1er juillet et +0,6% au 1er février 2017 (lire notre article ci-contre).
"Je tenais à être sur le terrain, au lendemain de l'annonce de ce coup de pouce, je voulais venir à la rencontre de fonctionnaires, voir avec eux quelles sont leurs réactions", a-t-elle d'emblée justifié. Et pour ce premier déplacement, Annick Girardin avait choisi non pas une administration centrale ou une préfecture par exemple, mais une mairie. Une façon de témoigner de son intérêt pour "les trois versants de la fonction publique". Certes, ce vendredi 18 mars, on n'était pas si loin du ministère. A une station de RER de Paris, à la mairie d'Alfortville, dans le Val-de-Marne.
Accueillie par le sénateur-maire Luc Carvounas, Annick Girardin est effectivement venue échanger de façon informelle avec des agents municipaux, en l'occurrence ceux du service Affaires générales - ceux avec lesquels les usagers sont sans doute le plus souvent en contact lorsqu'ils franchissent le seuil de l'Hôtel de ville, que ce soit pour une carte d'identité, un passeport, une attestation d'accueil ou une demande de logement social.
La ministre fait le tour des postes de travail de ce service qui reçoit "plus de 13.000 visiteurs par an", interrogeant aimablement chacun des fonctionnaires sur son quotidien. Savoir "depuis quand" il ou elle est en poste ici, quelle est sa situation familiale, ce qui lui plaît, où il était avant de rejoindre la mairie d'Alfortville... Oui, car "la mobilité" est bien un sujet sur lequel Annick Girardin "compte travailler davantage avec les organisations syndicales". La mobilité au sein de la fonction publique ou, tout simplement, au sein d'une même collectivité, en mettant l'accent sur "les possibilités d'évoluer". Elle parle aussi volontiers de "bien-être au travail".

"Ca fait quand même pas beaucoup"

Avec Sylvain, elle aborde la question du jour. S'assurer que la revalorisation annoncée la veille est une bonne nouvelle pour lui. L'agent de catégorie C répond franchement. "0,6% en deux fois, ça fait quand même pas beaucoup. Pour moi, ça fera 15 à 20 euros par mois. C'est pas assez pour consommer, pour relancer la machine." La ministre tient toutefois à lui rappeler que d'autres dispositions ont récemment été prises pour les fonctionnaires : "PPCR, est-ce que ça vous parle ?" A vrai dire, le protocole "Parcours professionnels, carrières, rémunérations" censé offrir "une meilleures gestion des carrières", Sylvain n'a pas "eu le temps" de s'y intéresser. "Donc on a sans doute mal communiqué là-dessus", en déduit Annick Girardin, qui tient aussi à mettre l'accent sur les mesures spécifiques aux catégories C prises en 2014 et 2015. Car pas question d'oublier, souligne-t-elle, que "dans la fonction publique, il y a aussi des travailleurs pauvres".
Ce sera ensuite un détour par le nouveau "Pôle relation usagers" que la mairie a mis en place depuis peu et prévoit de faire monter en puissance. Soit un guichet unique pour l'heure dédié aux démarches familiales (crèche, cantine, accueil de loisirs...), matérialisé à la fois par un nouvel espace d'accueil et par une plateforme web, "Mon Alfortville", permettant à l'usager de tout gérer en ligne à partir d'un compte utilisateur. Une porte d'entrée unique et une seule facture.
La ministre, là encore, pose des questions, y compris sur les formations suivies par les agents dans le cadre de ce projet (formation au nouveau logiciel, à l'accueil), s'intéresse à l'aménagement du lieu, y compris pour son petit espace jeux destiné aux jeunes enfants attendant que les parents effectuent leurs démarches... Tout cela montre "que la fonction publique se modernise", est un exemple de "ce que l'on devrait faire" un peu partout en France en termes de services au public, estime celle qui a commencé sa vie professionnelle comme fonctionnaire territoriale à Saint-Pierre-et-Miquelon, en tant qu'animatrice socioculturelle, avant d'entamer son parcours d'élue de l'archipel.

Une question dans le cadre des "débats sur la baisse des dotations"

Mais Annick Girardin est bien là, encore une fois, pour insister sur l'importance du geste salarial consenti par le gouvernement. Et sur le sens qu'elle entend lui donner : "Apporter une reconnaissance au travail des fonctionnaires, de ceux qui font vivre le service public", sachant que "les Français sont attachés à leurs services publics". "C'était de la responsabilité de l'Etat." "Certes, ce n'est jamais assez", mais il s'agissait aussi de "tenir la trajectoire budgétaire".
"Tout le monde était d'accord pour dire qu'il fallait ce dégel", insiste-t-elle. Tout le monde, y compris "les représentants des employeurs locaux – des villes, des départements, des régions", assure la ministre, précisant que l'AMF, l'ADF et l'ARF ont été associées aux discussions. "Nous avons évoqué avec eux cet effort auquel les collectivités vont participer."
La part de cet effort retombant sur les collectivités employeurs est chiffrée. Sur les 2,4 milliards que représente le coût de la hausse de 1,2%, la part de l'Etat s'élève à 49%, celle des collectivités à 27% et celle de la sécurité sociale à 23%. Soit 1,19 milliard brut pour la fonction publique d'Etat, 683 millions pour la territoriale et 566 millions pour l'hospitalière, précise le cabinet d'Annick Girardin.
Celle-ci se dit consciente des "difficultés financières des collectivités" et, interrogée sur ce point, fait d'elle-même le lien avec la baisse de leurs ressources, prévoyant que la question de la prise en compte de ce nouvel effort sera abordée dans le cadre des "débats sur la baisse des dotations". "Au cas par cas, nous pourrons décider ensemble" de mesures de soutien, glisse-t-elle aussi sans plus de précisions.

"La grogne des associations d'élus"

Le maire d'Alfortville a fait ses calculs. La hausse de 1,2% représentera, sur les 26 millions de masse salariale de cette ville comptant 694 agents (dont 536 catégories C), une hausse de 180.000 euros en année pleine. "Venir nous expliquer qu'une collectivité comme Alfortville n'est pas capable d'assumer cette hausse très raisonnable, qui était attendue depuis longtemps par les fonctionnaires territoriaux, ce serait de l'hypocrisie", estime Luc Carvounas en écho aux premières réactions qui s'étaient fait entendre dès la veille du côté des collectivités (Assemblée des départements de France, France urbaine, Philippe Laurent en tant que président du CSFPT… voir notre article). "Il faut relativiser la grogne des associations d'élus", tranche l'élu PS.
A l'heure où Luc Carvounas et Annick Girardin s'exprimaient, on n'avait pas encore connaissance des communiqués de deux autres associations d'élus, en l'occurrence ceux de l'Association des maires de France et de l'Assemblée des communautés de France. Toutes deux mettent précisément en miroir la revalorisation et la baisse des dotations. L'AMF rappelle que déjà, le coût de PPCR "varie entre 371 millions d'euros, selon l'Etat, et 1,5 milliard d'euros, selon la Cour des comptes" et demande donc au Premier ministre "l'ouverture très rapidement d'une négociation globale afin de compenser l'impact financier de ces mesures sur les budgets locaux".
L'ADCF rappelle pour sa part que la baisse de 11 milliard des dotations sur la période 2015-2017 "était assortie d'un engagement à ne plus imposer de charges supplémentaires [aux collectivités] et même à réduire les dépenses contraintes". Or aujourd'hui, estime l'association présidée par Charles-Eric Lemaignen, "les incidences mécaniques des revalorisations (...) annulent d'un coup les décisions prises récemment pour relancer l'investissement public". "Une concertation beaucoup plus approfondie avec les employeurs publics locaux devrait être assurée en amont de telles décisions. La consultation, très tardive, du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale ne peut être jugée satisfaisante", ajoute l'ADCF, qui demande elle aussi à ce que "le programme de réduction des dotations" tienne compte de "cette nouvelle décision".

 

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