Demandeurs d'asile : des propositions pour améliorer l'orientation entre régions

Le bilan de "l'orientation directive des demandeurs d’asile" – autrement dit du dispositif de transferts de primo-demandeurs d'asile de l'Ile-de-France vers d'autres régions – est "favorable" mais souffre de "fragilités", selon un rapport des députés Stella Dupont et Mathieu Lefèvre.

Introduite par la loi immigration de 2018, qui a instauré un schéma national et des schémas régionaux d’accueil des demandeurs d’asile et d’intégration des réfugiés, "l'orientation directive des demandeurs d’asile vise à répartir sur le territoire métropolitain l’accueil des primo-demandeurs d’asile en besoin d’hébergement afin de corriger certains déséquilibres géographiques enregistrés lors du dépôt des demandes d’asile, et notamment une forte concentration en Île-de-France", rappellent les deux élus de la majorité, qui ont présenté leur rapport ce mardi 23 mai devant la commission des finances, à l'occasion de l'évaluation des crédits relatifs à la mission budgétaire "Immigration, asile et intégration". Le tout en présence de Gérald Darmanin. Etant donné la spécificité de l'Ile-de-France, "le desserrement est nécessaire pour les demandeurs d'asile, pour les élus, pour l'intégration et pour le traitement de leur demande", a commenté le ministre de l'Intérieur.

Le bilan de deux années de mise en œuvre de ce dispositif montre que la part des demandeurs franciliens a effectivement diminué, permettant d'augmenter la part de ceux qui sont hébergés. Et que la répartition géographique actuelle est proche des prévisions initiales. "Plus de six demandeurs d'asile sur dix acceptent l'orientation directive qui leur est proposée", constatent les rapporteurs. Le taux de refus au départ de l’Île-de-France est d'environ 25%, les 15% restant correspondant aux cas "non-présentation". La note fait toutefois état de "variations importantes" selon la nationalité et, dans une moindre mesure, selon la zone géographique d’affectation.

Parmi les "tensions" générées, les deux députés mettent en avant un risque d'"instrumentalisation politique pouvant conduire à des actes de violence envers des élus" – une remarque à laquelle ce qui s'est récemment passé à Saint-Brevin donne évidemment un écho tout particulier.

Ils émettent une série de propositions, dont celle, précisément, d'"améliorer l’information, l’accompagnement et la sécurité des maires en s’appuyant notamment sur le nouveau Centre d’analyse de lutte contre les atteintes faites aux élus dont la création a été annoncée en mai 2023" dans la foulée de la démission du maire de Saint-Brevin (voir notre article du 15 mai). Ce centre doit accorder "une attention toute particulière aux élus locaux concernés par l'installation de structures d'accueil des demandeurs d'asile", insiste Mathieu Lefèvre.

Ils estiment par ailleurs qu'il faudrait "associer le ministère de l’Education nationale" dès lors que le déplacement concerne des demandeurs avec enfants. Sur ce point, Gérald Darmanin a indiqué qu'il avait effectivement proposé à ce ministère de participer à un groupe de travail sur le sujet.

Autres recommandations : poursuivre la création de places en Centres d’accueil pour demandeurs d’asile (Cada) et aménager la loi SRU "pour inciter les collectivités territoriales à favoriser l’implantation de lieux d’accueil des demandeurs d'asile". Stella Dupont suggère aussi des incitations financières pour ces mêmes collectivités.

Stella Dupont, qui se situe à l'aile gauche de la majorité, a formulé d'autres souhaits en son nom propre. Dont le fait de "supprimer la possibilité d’une orientation directive sans hébergement" et "d'enrichir l’algorithme utilisé pour déterminer la région d’affectation d’un demandeur d’asile afin que cet outil tienne compte de la présence d'attaches particulières de l’intéressé dans une région". Un point que le président LFI de la commission des finances, Eric Coquerel, a jugé important, évoquant la forte incertitude générée pour "la personne qu'on déplace". "Le déplacement vers les régions devrait être anticipé et mieux préparé" avec les personnes concernées, estime le député de Seine-Saint-Denis. Celui-ci ne remet toutefois par en cause le dispositif dans son ensemble, se disant "persuadé que la question de l'aménagement du territoire, de la répartition des demandeurs d'asile, est l'une des solutions à une bonne politique migratoire". A condition donc d'envisager de vraies évolutions, y compris, comme l'écrivent les deux rapporteurs, de "favoriser l'accès au marché du travail" de certains demandeurs.

Enfin, Stella Dupont estime qu'il faudrait "favoriser l’hébergement citoyen". Gérard Darmanin juge la perspective intéressante. L'hébergement citoyen ayant "bien fonctionné pour les Ukrainiens", il pourrait être "mis en place pour les autres", à condition d'être "encadré". Le ministre préconise que la chose soit d'abord expérimentée sur "deux ou trois départements pilotes".

  • Le transfert de sans-abri suscite des inquiétudes

A l'approche des Jeux Olympiques, le gouvernement entend inciter des milliers de sans-abri, principalement des migrants, à quitter la région parisienne pour d'autres régions, arguant de la baisse du nombre d'hôtels prêts à les héberger, mais ce dispositif suscite inquiétudes et interrogations.

De nombreux hôteliers ne souhaitent en effet plus accueillir ces publics précaires car ils attendent un afflux de clientèle lors de la Coupe du monde de rugby à l'automne prochain, et des JO en 2024, observait début mai à l'Assemblée nationale le ministre du Logement, Olivier Klein. Près de 5.000 chambres ont ainsi été perdues pour l'hébergement d'urgence, précisait de son côté la députée (Modem) Maud Gatel. Depuis la mi-mars, l'exécutif a donc demandé aux préfets de créer des "sas d'accueil temporaires régionaux" dans toutes les régions, à l'exception des Hauts-de-France et de la Corse, afin de "désengorger les centres d'hébergement" d'Ile-de-France. Les personnes invitées à partir sont censées être prises en charge pendant trois semaines dans ces "sas" avant d'être "orientées", dans leur nouvelle région, "vers le type d'hébergement correspondant à leur situation". Le dispositif concerne surtout des migrants mais ne les vise pas spécifiquement, en vertu du "principe de l'accueil inconditionnel", a précisé à l'AFP le cabinet du ministre du Logement.

Désignée par le gouvernement pour accueillir un tel centre d'accueil, la ville de Bruz, (18.000 habitants, près de Rennes), a fait part mardi de son mécontentement. "Nous ne sommes pas favorables à l'installation d'un tel sas sur notre commune, dans ces conditions que nous jugeons indignes", a fait savoir le maire Philippe Salmon (DVG). La mairie bretonne critique le choix du terrain, jouxtant une voie ferrée et "pollué par des hydrocarbures et des métaux lourds", et affirme que les futurs occupants du centre d'accueil ne viendraient pas "par choix".

Pour le président de la Fédération des acteurs de la solidarité, Pascal Brice, "accueillir des gens dans de bonnes conditions un peu partout en France plutôt qu'à la rue en Ile-de-France, sur le principe c'est positif, mais est-ce qu'on s'en donne les moyens ?" Le problème, souligne ce responsable associatif, est qu'"il manque des places d'hébergement d'urgence" dans les régions d'accueil, ainsi qu'une "impulsion politique du ministère de l'Intérieur pour un vrai travail d'accompagnement". Car "s'il s'agit de mettre des gens dans les bus" et de ne plus s'en occuper ensuite, "c'est de la dispersion, pas de l'accueil", selon lui.

"Avec 205.000 places, le parc d’hébergement d’urgence n’a jamais été aussi développé. Cependant, près de la moitié de cet hébergement se fait aujourd’hui en Ile-de-France et cela peut mettre à mal l’accompagnement social indispensable pour aider les plus démunis", a fait valoir le ministère en charge du logement ce 24 mai en fin de journée, expliquant que c'est par conséquent "pour mieux accompagner les sans-abri que des centres temporaires d’hébergement ont été mis en place depuis avril en région".
 
Ces places temporaires doivent permettre ensuite une "orientation dans des lieux d’hébergement pérennes adaptés" à la situation de chaque sans-abri, indique le ministère dans son communiqué, assurant que "la mise en place de ce dispositif s’est faite en concertation avec les associations et acteurs des solidarités". A ce jour, environ 170 personnes auraient rejoint ces centres d’hébergement temporaire.


Avec AFP