Décrets d'attribution : Christophe Béchu en première ligne
Les décrets d'attribution des onze ministres de plein exercice nommés le 11 janvier ont été publiés au Journal officiel ce jeudi 25 janvier. Dans les domaines les plus importants pour les collectivités, les changements par rapport aux périmètres des ministres du gouvernement précédent ne sont pas énormes. Avec, toutefois, une sensible extension du "pôle Roquelaure" confié à Christophe Béchu. Mais ce n'est qu'une fois que le gouvernement sera au complet, augmenté de ministres délégués ou secrétaires d'État, que l'on saura vraiment qui fait quoi. Pour l'heure, toujours une grande absence : qui va s'occuper de la fonction publique ? La DGAFP n'est mentionnée nulle part.
Où sont les collectivités ?
Les décrets publiés ce 25 janvier confirment qu'au niveau des périmètres des ministres de plein exercice, il n'y a pas de vraie nouveauté concernant les collectivités locales. C'est toujours le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires qui tient les rênes, entouré au deuxième plan par Beauvau et Bercy. Le tableau ne sera évidemment complet que lorsque Christophe Béchu disposera à nouveau, comme c'est probable, d'un ministre délégué dédié aux collectivités. Pour l'heure, "aucun changement", confirme l'entourage du ministre, lequel reste bien chargé "de la cohésion des territoires, de la lutte contre les inégalités territoriales, notamment dans les quartiers populaires des zones urbaines et les territoires ruraux". Ce qui suppose de veiller "à ce que chaque territoire dispose des moyens de surmonter ses fragilités et de développer son potentiel en fonction de ses spécificités, au service de l'égalité entre les citoyens et entre les territoires".
Les relations avec les collectivités sont spécifiquement mentionnées sous le titre "décentralisation" du décret destiné à Christophe Béchu. C'est là où les passerelles avec les autres ministères interviennent. Ainsi, c'est "conjointement avec le ministre de l'Intérieur" que devra être conduit "le dialogue national avec les collectivités territoriales". Et le locataire de Roquelaure sera même simplement "associé" par le ministre de l'Intérieur "à la préparation et à la mise en œuvre de la politique de renforcement des responsabilités locales, à la proposition de mesures propres à faciliter l'exercice par les collectivités territoriales de leurs compétences et au suivi de leur mise en œuvre, ainsi qu'à la préparation des orientations stratégiques du gouvernement pour le développement des métropoles".
S'agissant des finances locales et de "la politique de solidarité financière entre les collectivités", c'est naturellement avec Bruno Le Maire ou son futur ministre délégué aux comptes publics que devra se faire le travail conjoint.
En matière d'aménagement du territoire et de services publics, la coordination des "initiatives favorisant l'accès du public aux services" est prévue directement avec le Premier ministre. "Espaces ruraux et de montagne" et littoraux sont aussi du ressort de Christophe Béchu, en lien avec l'Agriculture et avec Bercy. La "région capitale" et "la tutelle de la Société des grands projets" (ex-Société du Grand Paris) sont aussi dans son giron.
Le rural… et les quartiers politique de la ville, territoires sur lesquels le ministre Béchu est désigné comme chef d'orchestre, pouvant d'ailleurs à ce titre "présider, par délégation du Premier ministre, le comité interministériel des villes". Le ministre de l'Intérieur y est "associé". On sait que l'ancienne secrétaire d'Etat à la Ville, Sabrina Agresti-Roubache, était rattachée aux deux ministres à la fois. En revanche, on relèvera un cas particulier : pour le plan "Marseille en grand"… c'est l'Intérieur qui sera aux commandes !
Que devient, enfin, la direction générale des collectivités locales (DGCL) ? Ça ne bouge pas. Cotutelle des deux ministres.
Et la fonction publique ?
Lors de l'annonce de la composition du gouvernement le 11 janvier (voir notre article), une absence avait été remarquée : pas de ministre en charge de la fonction publique. On se demandait alors à quel ministre serait rattaché le futur ministre délégué ou secrétaire d'État. Bercy ? Travail ? Depuis, il s'est beaucoup dit que l'ancien ministre Stanislas Guerini souhaiterait retrouver son portefeuille. En épluchant les décrets ce 25 janvier, on cherchait donc qui aura autorité sur la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP). Eh bien pour le moment on ne la trouve nulle part. Un signe qui plaiderait en faveur de l'hypothèse d'un futur ministère de plein exercice, comme le demande Stanislas Guerini ? Possible. Autre option : un futur ministre délégué placé auprès du Premier ministre ? Un indice pourrait le laisser penser : le décret sur les attributions de Gérald Darmanin indique que celui-ci "participe à l'élaboration et à la mise en œuvre de la politique conduite par le Premier ministre en matière de fonction publique, s'agissant de la fonction publique territoriale, notamment en tant que sont concernées les polices municipales". La mention de Matignon dans ce champ étant inédite.
Efficacité énergétique, sûreté nucléaire, mer : Christophe Béchu élargit son portefeuille
"Il n'y a aucune attribution en moins, il y a des attributions en plus", avec "un portefeuille qui s'agrandit vers la biodiversité via les océans, l'efficacité énergétique et le climat pour continuer de donner de la cohérence", a affirmé l'entourage du ministre de la Transition écologique ce 25 janvier en présentant à la presse le décret d'attributions de Christophe Béchu paru ce même jour au Journal officiel.
Outre celles dont il disposait déjà - développement durable, cohésion des territoires, lutte contre les inégalités territoriales, notamment dans les quartiers populaires des zones urbaines et les territoires ruraux, environnement, protection de la nature et de la biodiversité, prévention des risques naturels et technologiques, sécurité industrielle, transports et infrastructures, équipement, logement, urbanisme, ville, aménagement et lutte contre l'étalement urbain -, le ministre est désormais chargé de "la lutte contre le changement climatique".
À ce titre, et "en lien avec les ministres intéressés", précise le décret, il prépare et met en œuvre la politique du gouvernement en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, d'efficacité énergétique, notamment la rénovation et la performance énergétiques des bâtiments, de décarbonation et d'adaptation au changement climatique", reprenant ainsi des prérogatives de l'ancien ministère de la Transition énergétique, aujourd'hui disparu. "Il définit et met en œuvre, en y associant le ministre de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, la politique en matière de développement de la chaleur renouvelable ainsi que la politique en matière de décarbonation et d'électrification du secteur des transports routiers, en particulier, de conversion du parc automobile et de développement des infrastructures de recharge des véhicules électriques, précise le décret. Il est associé par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique à l'élaboration de la politique de l'énergie, en particulier à la politique de certificats d'économie d'énergie et en matière de marchés carbone, afin, notamment, d'assurer la lutte contre le changement climatique et de promouvoir la transition énergétique."
Si Bercy s'occupe pour l'essentiel de l'énergie, Christophe Béchu récupère également - en y associant le ministère de l'Économie - "la politique en matière de sûreté et de sécurité nucléaires", alors qu'un un projet de loi contesté de fusion entre l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et l'Institut de radioprotection et sûreté nucléaire (IRSN) a été présenté en conseil des ministres le 20 décembre dernier et doit être examiné à partir du 7 février au Sénat.
Il exerce également son autorité sur la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC), administration clef, dans la limite de ses attributions, conjointement avec le ministre de l'Économie, précise le JO.
"Au titre des relations internationales sur la biodiversité terrestre et marine, l'environnement et l'économie circulaire, il représente le Premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique, dans les négociations européennes et internationales", dit encore le texte.
Christophe Béchu s'occupe aussi désormais également de la mer, du fait de la disparition du secrétaire d'État dédié à ce sujet, qui était rattaché à Matignon. "Ça crée des vraies passerelles entre la biodiversité et la mer, la protection des océans évidemment, avec la perspective aussi de la lutte contre les plastiques", souligne son entourage. Au titre de ces nouvelles attributions, il est notamment chargé de préparer la planification de l'espace en mer, de définir et mettre en œuvre une stratégie géographique d'influence de la France sur les océans, de conduire la politique relative à la gestion durable des ressources maritimes, à la protection de l'environnement et des milieux marins, à la gestion intégrée des zones côtières et au domaine public maritime. Il devra également conduire, en associant le ministre de l'Agriculture, la politique en matière de pêches maritimes, notamment en ce qui concerne la réglementation et le contrôle de ces activités ainsi que le financement des entreprises de la pêche.
La politique de l'énergie à Bercy
Après la disparition du ministère de la Transition énergétique, le ministre de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique dispose désormais d'une compétence générale en matière de transition énergétique et d'énergie, indique le décret d'attributions de Bruno Le Maire paru ce 25 janvier. Il représente aussi le Premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique, dans les négociations européennes et internationales sur l'énergie, en concertation avec le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, et veille à l'application des accords conclus.
Le ministre de l'Économie est compétent pour élaborer et mettre en œuvre la politique de l'énergie – en particulier en matière de programmation pluriannuelle de l'énergie, d'évolution des réseaux de transport d'énergie, d'exploitation et de développement des filières énergétiques, de tarifs de l'énergie, de lutte contre la précarité énergétique et de politique de certificats d'économie d'énergie, "à laquelle il associe le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires". Il l'est aussi pour les actions de politique industrielle, de recherche et d'innovation concernant le secteur de l'énergie, y compris les marchés carbone, à laquelle il associe le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, et la décarbonation de l'industrie. Il est associé par le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires à l'élaboration et à la mise en œuvre des politiques en matière de développement de la chaleur renouvelable, de décarbonation des transports et des bâtiments, de promotion de l'efficacité énergétique, de sûreté et de sécurité nucléaires et de transition vers une économie circulaire, précise encore le décret.
Bruno Le Maire a une autorité générale sur la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC). Cette autorité s'exerce toutefois conjointement avec Christophe Béchu pour l'exercice des compétences relatives à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, à l'adaptation au changement climatique, à la qualité de l'air et à la réglementation technique des véhicules.
Un ministère de l'Économie boulimique
En poste à Bercy depuis 2017, Bruno Le Maire devient le plus capé des ministres d'Emmanuel Macron. Avec l'équivalent d'un septennat, il atteint un record de longévité à ce ministère clé, coiffé uniquement par un certain Valéry Giscard d'Estaing, resté neuf ans dans ce qui était encore la rue de Rivoli. Chaque remaniement a été pour Bruno Le Maire l'occasion d'étoffer un peu plus son portefeuille. Et son décret d'attributions du 24 janvier n'échappe pas à la règle avec pas moins de 15 articles ! Le titre reste identique à celui de 2022 -"ministre de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique" – mais avec de nouvelles attributions. Il englobe donc la politique de l'énergie (comme indiqué ci-dessus), conserve la "relance" en queue de comète de la crise sanitaire, l'ESS (au moment où la loi Hamon fête ses dix ans), le tourisme, (jusque-là dévolu à Olivia Grégoire, ministre déléguée chargées des PME, du commerce, de l'artisanat et du tourisme). Mais le cœur de ses attributions tourne autour de la promesse de "réindustrialisation" avec le "renforcement des chaînes de valeur et d'approvisionnements critiques", la politique des matières premières et des mines (à l'exception des mines de mer), à laquelle il est associé à Christophe Béchu ou encore la "souveraineté numérique". Cette souveraineté industrielle et numérique va de pair avec la souveraineté alimentaire toujours portée par Marc Fesneau. Le ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire reprend les mêmes attributions au moment où la colère des agriculteurs bat son plein.
Trois portefeuilles en un pour Catherine Vautrin
On avait tout de suite noté que Catherine Vautrin se voyait confier un triptyque inédit en tant que ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités. Son décret d'attribution ne fait que confirmer l'étendu du périmètre. La voici en charge "du travail, de l'emploi, de l'insertion professionnelle et économique, de l'apprentissage, de la formation professionnelle, du dialogue social et de la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles, de la santé publique et de l'organisation du système de santé, de la solidarité, de la cohésion sociale, de la famille, de la parentalité et de l'enfance, notamment de l'accueil de la petite enfance et de la protection de l'enfance, de l'autonomie et du handicap". Le détail des domaines que la ministre devra conduire côté social est classique mais souligne encore l'ampleur du portefeuille : enfance, petite enfance, personnes âgées, handicap, proches aidants, lutte contre la pauvreté, minima sociaux, insertion et innovation sociale… Une bonne poignée de ministres délégués ne seront clairement pas de trop.
Éducation et Sport : deux nouveautés
Amélie Oudéa-Castéra a hérité d'un ministère élargi, qui embrasse à la fois l'Éducation nationale et la Jeunesse mais également les Sports et des Jeux olympiques et paralympiques, soit un périmètre correspondant à celui confié à Jean-Michel Blanquer durant la période 2020-2022 (lire notre article du 10 juillet 2020).
Sur le volet éducation, le décret d'attributions comporte deux nouveautés. Tout d'abord, il fixe trois objectifs précis à la politique du gouvernement en matière d'éducation : élever le niveau de formation de tous les élèves, améliorer la formation des professeurs et permettre l'épanouissement de tous les élèves.
Ensuite, il prend acte de la mise en place effective du service national universel (SNU) pour confier à la ministre la mise en œuvre de celui-ci, quand le précédent décret demandait simplement à son prédécesseur de "préparer sa mise en œuvre". On retiendra encore que le SNU doit être mis en œuvre avec le ministre des Armées, précision qui ne figurait pas dans le texte de 2022.
Parmi les autres attributions inchangées, on note le développement de l'éducation artistique, culturelle et sportive des enfants et des jeunes adultes, les politiques en faveur de la jeunesse et du développement de la vie associative, mais aussi en matière d'égalité des chances et de lutte contre les discriminations et en faveur du développement et de la diffusion des usages du numérique dans la société et l'économie.
Les attributions d'Amélie Oudéa-Castéra demeurent également identiques sur le volet sport. Elle assure notamment la promotion, l'organisation et l'accès à la pratique des activités physiques et sportives, ainsi que la mobilisation de la société autour des Jeux olympiques de Paris 2024.