Gouvernement Attal : ce qui change... et ce qui manque encore

Que retenir de la composition du gouvernement de Gabriel Attal dévoilée ce jeudi 11 janvier ? Que ça n'est qu'un début, puisque l'on devra patienter encore un peu pour connaître la liste des ministres délégués ou secrétaires d'Etat. Que Christophe Béchu conserve le portefeuille de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires. Que Travail, Santé et Solidarités devront faire cause commune autour de Catherine Vautrin, tout comme Education et Sports devront faire bon ménage. Mais aussi par exemple qu'on ne sait pas encore officiellement qui sera en charge de la Fonction publique.

Un gouvernement de "sobriété". C'est ainsi que le fraîchement nommé Gabriel Attal a qualifié ce jeudi 11 janvier, lors de sa première interview en tant que Premier ministre au journal de 20 heures de TF1, l'équipe dont les noms venaient d'être égrenés quelques instants plus tôt par le secrétaire général de l'Elysée, Alexis Kholer. Onze ministres de plein exercice. Contre seize dans le dernier gouvernement Borne. Ça n'est toutefois que le début de l'organigramme, puisque outre les trois ministres délégués placés auprès du Premier ministre dont les noms ont été donnés dès ce jeudi, d'autres ministres délégués ou secrétaires d'Etat seront nommés dans les jours qui viennent. Une deuxième vague qui sera particulièrement attendue dans toute une série de secteurs, tant les interrogations restent nombreuses à cette heure.

Quels ministres délégués à la Cohésion des territoires ?

Du point de vue des collectivités, on joue à première vue la carte de la continuité puisque Christophe Béchu conserve son titre de ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires. Reste évidemment à savoir s'il aura bien toujours droit à un ministre délégué ou secrétaire d'Etat en charge spécifiquement des collectivités. Et, accessoirement, si Dominique Faure conservera ce rôle l'ayant amenée à être très régulièrement présente sur le terrain et lors de nombreux événements dédiés aux collectivités, dont les congrès d'élus locaux.

On peut en tout cas présupposer que Christophe Béchu aura bien deux autres acolytes, l'un pour le logement, l'autre pour les transports. L'absence de nomination d'un ministre du Logement de plein exercice a d'ailleurs tout de suite suscité de nombreuses réactions. Depuis le début du premier quinquennat Macron, le logement n'a donné lieu qu'à des ministres délégués, dont le dernier, Patrice Vergriete, avait succédé à Olivier Klein en juillet dernier. "Je déplore l'absence d'un ministre du Logement de plein exercice, doté des moyens nécessaires pour lutter contre la crise dure qui pèse sur nos concitoyens et menace l'emploi", a ainsi tweeté Emmanuelle Cosse, présidente de l'Union sociale pour l'habitat (USH). Même réaction du côté de l'association Ville & Banlieue. "Qu'ils n'annoncent pas de nomination du ministre du Logement alors qu'il y a une crise du logement, ça dépasse l'entendement", a déclaré son président, Gilles Leproust (en sachant que pour Ville & Banlieue se pose une question supplémentaire : aura-t-on de nouveau un secrétariat dédié à la politique de la ville ?). Pour Manuel Domergue, directeur des études à la Fondation Abbé Pierre, "ça confirme que le logement n'est pas un grand sujet pour ce gouvernement, et qu'il ne mérite pas un ministère". On rappellera également que Patrice Vergriete avait récemment lancé les concertations en vue d'un important projet de loi centré sur la décentralisation des politiques de l'habitat, annoncé pour le printemps.

Tous les ministères sociaux pour Catherine Vautrin

Nouvelle entrante au gouvernement, et pas par la plus petite porte : Catherine Vautrin. Elle devient "ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités". Donc tout le périmètre du secrétariat général des ministères chargés des affaires sociales (SGMAS), dit secrétariat général des "ministères sociaux". Si santé et solidarités ont dans le passé très souvent été associés (sous le premier quinquennat Macron, sous Hollande avec Marisol Touraine, lors des gouvernements Raffarin…) et si on a parfois vu santé et travail être rapprochés (Eric Woerth puis Xavier Bertrand sous Sarkozy), tout comme l'ont été travail et solidarité (de Martine Aubry à Xavier Bertrand…), le cumul des trois semble inédit. Là encore, déjà des réactions de la part d'acteurs craignant la dilution de leurs sujets dans un périmètre trop vaste. Notamment de la part des syndicats, que ce soit côté emploi ou côté santé.

Catherine Vautrin, LR, a occupé plusieurs postes gouvernementaux sous la présidence de Jacques Chirac : secrétaire d'Etat à l'Intégration (2004), aux Personnes âgées (2004-2005), puis ministre déléguée à la Cohésion sociale (2005-2007). Présidente de la communauté urbaine du Grand Reims depuis 2020, elle est membre de France urbaine et d'Intercommunalités de France. Et préside L'Agence nationale de la rénovation urbaine (Anru) depuis 2022. Les enjeux chers aux collectivités lui sont donc particulièrement familiers.

Quid de la fonction publique ?

Reste une interrogation. Liée à une absence notable dans la liste et les intitulés de l'équipe gouvernementale : il n'est nulle part fait mention du portefeuille de la Fonction publique, jusqu'ici ministère de plein exercice confié à Stanislas Guerini. Alors, qui sera en charge des fonctionnaires, au moment où un projet de loi était en préparation ? Là encore, on a dans le passé connu diverses configurations : associé aux comptes publics et donc à Bercy (Gérald Darmanin), à la décentralisation (Marylise Lebranchu), à la réforme de l'Etat et l'aménagement du territoire (Jean-Paul Delevoye)… Dans la configuration actuelle, la fonction publique sera-t-elle de nouveau rattachée à Bercy et donc à Bruno Le Maire ou sera-t-elle rapprochée du travail et donc de Catherine Vautrin ? Selon nos confrères d'Acteurs publics, c'est la deuxième option qui serait prévue. De quoi renforcer encore l'ampleur inédite de ce ministère de l'avenue de Ségur.

Côté Bercy, Bruno Le Maire reste en tout cas aux commandes de son grand ministère de l'Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et Numérique. On verra si les quatre ministères délégués (comptes publics, industrie, numérique, PME / tourisme) sont conservés. Mais avec une nouveauté : bien que cela ne soit pas précisé dans l'énoncé fourni par l'Elysée, le ministère de l'Économie va récupérer l'énergie, champ jusqu'à présent porté par une ministre de plein exercice, Agnès Pannier-Runacher. "Avoir la responsabilité de l'énergie, c'est se donner les meilleures chances d'accélérer la réindustrialisation du pays et la réalisation du programme nucléaire français", s'est félicité dans Le Figaro Bruno Le Maire. "C'est casser une organisation qui datait de 2007 où la transition écologique était le fil conducteur entre l'énergie, les transports, le logement" et "un très mauvais signal", a aussitôt regretté auprès de l'AFP Anne Bringault, directrice des programmes au Réseau Action Climat (RAC), rejointe en cela par d'autres acteurs associatifs tels que WWF.

Des réactions, aussi, à l'annonce de la nomination d'Amélie Oudéa-Castéra au poste de ministre de l'Education nationale, de la Jeunesse, des Sports et des Jeux olympiques. Là encore, d'aucuns estiment que cela fait beaucoup. Notamment les syndicats d'enseignants. "Plus que de la surprise, c'est de la colère de voir comment l'Education nationale est traitée alors qu'elle traverse une crise sans précédent", a estimé auprès de l'AFP Sophie Vénétitay, secrétaire générale du Snes-FSU, premier syndicat du second degré. Les syndicats pointent l'échéance des Jeux olympiques dans six mois et demi. "On va avoir une ministre qui ne pourra pas traiter les questions liées à l'éducation à temps plein, c'est regrettable", a-t-elle jugé. "Le signal renvoyé avec une ministre des Sports et des JO à laquelle on ajoute l'Education nationale est tellement à l'opposé de l'affirmation d'une priorité absolue à l'éducation que ça ne fait pas sens", a de même déclaré Catherine Nave-Bekhti, secrétaire générale du Sgen-CFDT. Mardi lors de la passation de pouvoir avec Elisabeth Borne, l'ancien occupant de la rue de Grenelle devenu Premier ministre avait déclaré que l'école constituait l'"une de [ses] priorités absolues". "J'emmène l'école avec moi, l'école est la mère de nos batailles", avait-il ajouté.

Ceux qui arrivent, ceux qui restent

Pour le reste, les périmètres ministériels resteront inchangés, et sont marqués par deux nouveaux arrivants, dont la très remarquée et commentée nomination de Rachida Dati à la Culture… Mais aussi celle de Stéphane Séjourné aux Affaires étrangères, sachant que le patron du parti Renaissance et président du groupe au Parlement européen était jusqu'ici pressenti pour être la tête de liste de la majorité aux élections européennes.

Les ministres reconduits : Gérald Darmanin en tant que ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, Marc Fesneau à l'Agriculture et la Souveraineté alimentaire, Sébastien Lecornu aux Armées, Éric Dupond-Moretti en tant que garde des Sceaux et ministre de la Justice et Sylvie Retailleau à l'Enseignement supérieur et la Recherche.

Enfin, trois ministres délégués auprès du Premier ministre, donc, ont été nommés. Secrétaire d'Etat à la Jeunesse depuis juillet, Prisca Thevenot, que l'on a surtout entendue sur le SNU, prend du galon en devenant porte-parole du gouvernement à la place d'Olivier Véran. La députée Marie Lebec devient ministre déléguée chargée des Relations avec le Parlement. Et Aurore Bergé doit renoncer au ministère des Solidarités et des Familles auquel elle avait accédé en juillet dernier pour le plus modeste ministère délégué "chargé de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations".

Un premier conseil des ministres doit se tenir ce vendredi 12 janvier à 11 heures autour d'Emmanuel Macron et de Gabriel Attal dont le titre, comme c'était le cas pour Elisabeth Borne, est celui de "Premier ministre chargé de la Planification écologique et énergétique".

 

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