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Habitat - Décrets d'application Boutin, suite : des aides modestes pour les mobilités contraintes

La fin du "droit au maintien dans les lieux" a constitué, l'hiver dernier, l'une des mesures les plus discutées de la loi de mobilisation pour le logement et de lutte contre l'exclusion (Molle).
Un décret, publié au Journal officiel du 24 septembre, précise les aides à la mobilité que les bailleurs sociaux - y compris les sociétés d'économie mixte - doivent fournir aux locataires qui effectuent une mobilité contrainte dans ce cadre.

 

L'objectif : reloger les petites familles habitant de grands logements 

La fin du droit au maintien dans les lieux, inscrite à l'article 61 de la loi, concerne en fait deux publics distincts : premièrement, les personnes dont les ressources sont deux fois supérieures, deux années de suite, aux plafonds de ressources d'accès aux logements sociaux. Pour ces locataires, les organismes HLM n'ont par définition aucune obligation de relogement, l'objectif étant de faire sortir ces familles du parc social.
Deuxièmement, les personnes qui ont un logement trop grand pour la taille de leur famille (situation de sous-occupation définie à l'article L.621-2 du CCH), ou qui occupent un logement adapté aux personnes handicapées alors que plus aucune personne présentant un handicap ne vit dans le logement. Le décret du 22 septembre concerne uniquement ces locataires.
En vertu de l'article 61 de la loi Boutin, les bailleurs sociaux doivent proposer à ces locataires "un nouveau logement, correspondant à (leurs) besoins", dont le loyer est inférieur à celui du logement d'origine. Le locataire refusant trois offres de relogement ne bénéficie plus du droit au maintien dans les lieux. Sont exclus de cette disposition, les locataires de plus de 65 ans, ceux présentant un handicap ou une perte d'autonomie physique ou psychique et ceux habitants en zone urbaine sensible.

 

Des aides à la mobilité modestes, en attendant des définitions jurisprudentielles

Pour les locataires ayant accepté une offre de relogement, le décret prévoit plusieurs aides.
Tout d'abord, le bailleur doit proposer au locataire de prendre en charge le déménagement, par l'entreprise de son choix, pour un montant maximal de 1.000 euros. Si le locataire veut choisir une autre entreprise ou réaliser le déménagement lui-même, un forfait de 400 euros lui est versé. La Confédération nationale du logement regrette que "ces montants, modiques, ne soient ni proportionnels à la taille du ménage, ni à celle du logement". Dans la plupart des cas, "ils ne devraient pas couvrir l'intégralité des frais de déménagement".
Deuxième aide prévue : la prise en charge, "sur justificatifs", donc cette fois sans plafond, des "frais d'ouverture ou de fermeture ou de transfert d'abonnements aux réseaux de distribution d'eau, d'électricité, de gaz et de téléphonie".
Troisième aide, si le locataire a fait des travaux dans son ancien logement "en ce qui concerne notamment les revêtements de sol, les revêtements muraux, les équipements sanitaires et ceux relatifs à la sécurité", il peut demander au bailleur d'effectuer, avant l'emménagement  "des travaux de remise à niveau dans la limite d'un montant de 1.500 euros, majorés de 500 euros par personne à charge". Sur ce point, tout dépendra de la définition adoptée de la "remise à niveau", des "équipements de sécurité", et de la nature des travaux qui pourront être couverts par l'enveloppe allouée. Aucune révision de ces montants n'est prévue.
Le dépôt de garantie du nouveau logement ne devra pas excéder celui de l'ancien. Quant aux réparations locatives, elles seront dues, au même titre que s'il s'agissait d'un départ classique.
Enfin, "un accompagnement social est mis en place par le bailleur en cas de nécessité". Sur ce point également, le décret laisse clairement la porte ouverte à toutes les interprétations.
 

Peu d'incitation pour les bailleurs

Cependant, ces mesures devraient concerner un nombre relativement réduit de locataires. Les logements adaptés aux handicapés sont peu nombreux, ceux occupés par des ménages sans personnes handicapées encore moins. Pour les sous-occupations, contrairement à d'autres mesures de la loi Boutin, aucune sanction financière n'a été prévue en cas de non-application par les bailleurs sociaux.
De plus, outre la difficulté pour les organismes HLM de suivre précisément et de manière actualisée le nombre d'occupants de chacun de leurs logements, seront concernés essentiellement des personnes ayant divorcé ou des couples de moins de 65 ans dont les enfants ont quitté le foyer. Un public qui cherchera donc, a priori, des F1 ou des F2. Or quand on sait que le parc social manque de petits logements pour répondre à la demande, il est peu probable que les organismes se précipitent sur ce dossier. D'autant que les risques de conflits - voire de procès - en ce domaine sont loin d'être négligeables.

 

Hélène Lemesle

 

Références : décret n°2009-1141 du 22 septembre 2009 pris pour l'application des articles L.442-3-1, L.442-3-2, L.482-2 du Code de la construction et de l'habitation et relatif à l'aide à la mobilité dans le parc social.