Elections - Découpage cantonal : où en est-on ?
Un pan du voile a été levé sur le degré d'avancement du redécoupage des cantons, qui fait suite à la loi du 17 mai 2013 créant le conseiller départemental. "Trente et un projets ont été transmis aux conseils généraux, pour que les assemblées départementales donnent leur avis", a révélé le ministre de l'Intérieur le 15 octobre devant les députés. Les conseils généraux disposent de six semaines pour délibérer. Résultat : "Quatorze votes ont déjà eu lieu, dont onze positifs et trois négatifs, et huit projets ont été transmis au Conseil d'Etat." Si la juridiction rend un avis positif, le décret est alors publié. Les autres projets de carte sont attendus pour bientôt, car le chantier doit être bouclé avant les élections municipales de mars 2014.
Le ministère ne manie pas les ciseaux de manière arbitraire, mais selon des critères objectifs fixés par la jurisprudence constitutionnelle, expliquait en substance, le même jour au Sénat et au nom de son collègue de la place Beauvau, le ministre délégué chargé des Affaires européennes, Thierry Repentin. Cela signifie, a-t-il précisé, que "le gouvernement procède au remodelage cantonal en fixant comme premier principe le respect des critères démographiques". Il ne s'en écarte "que de manière limitée, et seulement pour tenir compte de spécificités géographiques impératives". Le respect du tracé des arrondissements est en revanche accessoire : les limites des nouveaux cantons peuvent s'en "affranchir". La carte des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) a davantage d'importance. "Le remodelage s'appuie autant que faire se peut sur [cette] carte (…) dans les départements qui disposent d'un schéma départemental de coopération intercommunale (…) lorsque la configuration de celui-ci le permet". "Quand tel n'est pas le cas, a précisé le ministre, le travail s'appuie prioritairement sur la carte cantonale existante, ainsi que sur la carte des bassins de vie établie par l'Insee pour l'année 2012".
Colère à droite
Utiles, ces précisions ne suffiront sans doute pas à contrer le discours des élus, notamment ceux de droite, qui dénoncent une vaste opération de "charcutage" menée en fonction de considérations électorales. Citant plusieurs projets de cartes déjà déposés, Dominique Bussereau et François Sauvadet, présidents respectifs des conseils généraux de Charente-Maritime et de Côte d'Or, observent que des cantons ruraux détenus actuellement par la droite compteraient demain davantage d'habitants que la moyenne départementale. A l'inverse, des cantons urbains où l'on vote majoritairement à gauche, auraient, à l'avenir, une population inférieure à la moyenne.
Nombreux sont les élus de droite accusant par ailleurs le gouvernement d'affaiblir le monde rural. Pour eux, les menaces sont claires. D'une part, les campagnes seront moins bien représentées politiquement et, d'autre part, la disparition de la moitié des chefs-lieux de cantons s'accompagnera de la disparition des services publics de proximité qu'ils abritent. Tels sont en particulier les arguments avancés par François Sauvadet dans une pétition, aujourd'hui signée par 118 députés, sénateurs et présidents de conseils généraux.
Le sénateur Jean-Louis Masson (sans étiquette) est plus nuancé. "Ce qui est fait actuellement pour les cantons n'est probablement pas parfait, mais ce n'est pas pire que le redécoupage des circonscriptions législatives intervenu en 2009", a-t-il déclaré le 15 octobre.
"N'ayez pas peur du changement (…). N'ayez pas peur de la parité", a lancé Manuel Valls à l'Assemblée nationale. Le redécoupage "est une tâche lourde : on n'avait pas découpé les départements depuis 1801", a-t-il rappelé.
Thomas Beurey / Projets publics
Références : Sénat, séance des questions orales du 15 octobre 2013, question de Jean-Louis Masson ; Assemblée nationale, séance des questions au gouvernement du 15 octobre 2013, question de Dominique Bussereau.