Déconfinement : les crèches toujours dans l'incertitude
Dans ses documents publiés ces derniers jours, le conseil scientifique n'évoque que très brièvement les structures de la petite enfance, qui doivent pourtant elles aussi ouvrir le 11 mai. Le Haut conseil de la santé publique annonce pour sa part un avis spécifique pour plus tard. Le collectif "pas de bébés à la consigne" se dit favorable à la réouverture des crèches, certes "avec des modes d’accueil en toute sécurité", mettant entre autres en avant la lutte contre les inégalités sociales.
Alors qu'Édouard Philippe doit annoncer ce mardi les grandes lignes du plan de déconfinement qui entrera en vigueur le 11 mai – et sera finalisé d'ici là avec les collectivités territoriales –, les établissements d'accueil du jeune enfant (Eaje) sont dans une complète incertitude. Contrairement à la réouverture des établissements scolaires, qui donne lieu à de multiples débats et prises de positions, la réouverture des crèches semble presque demeurer, pour l'instant, un non sujet. Pourtant, dans son allocution télévisée du 13 avril, Emmanuel Macron a été très clair : "A partir du 11 mai, nous rouvrirons progressivement les crèches, les écoles, les collèges et les lycées".
Une parole scientifique peu présente sur les crèches
Cette incertitude est renforcée – involontairement – par les instances scientifiques. Dans son avis du 20 avril "Sortie progressive de confinement : prérequis et mesures phares" (voir notre article de ce jour), le conseil scientifique covid-19 "propose de maintenir les crèches, les écoles, les collèges, les lycées et les universités fermés jusqu'au mois de septembre", mais "prend acte de la décision politique prenant en compte les enjeux sanitaires mais aussi sociétaux et économiques, de réouverture progressive et prudente des crèches, écoles, collèges et lycées". Dans cet avis très fouillé (42 pages), l'instance consultative n'évoque que très brièvement le cas des crèches. Elle se contente d'appeler, pour toutes ces structures accueillant des mineurs, à la mise en place impérative des "conditions nécessaires à leur réouverture : mise en conformité des sanitaires dans les écoles, mise à disposition de solutions hydro-alcooliques, agencement des salles permettant le respect des distances interindividuelles...", ainsi qu'à la poursuite des mesures barrières "de façon raisonnable et individualisée au domicile des enfants pour éviter le risque de contagion dans le cadre du foyer familial".
Dans une seconde note du 24 avril intitulée "Enfants, écoles et environnement familial dans le contexte de la crise covid-19", le conseil scientifique revient spécifiquement sur l'accueil des enfants, mais n'évoque toujours pas les crèches.
Pour sa part, le Haut conseil de la santé publique (HCSP) dans ses préconisations détaillées du 24 avril "relatives à l’adaptation des mesures barrières et de distanciation sociale à mettre en œuvre en population générale, hors champs sanitaire et médicosocial, pour la maîtrise de la diffusion du SARS-CoV-2" (voir notre même article) ne dit rien des crèches (comme le titre de son avis le laisse entendre), mais annonce que "les crèches feront ultérieurement l’objet d’un avis spécifique".
Enfin, dans un communiqué du 23 avril, l'Académie de médecine, qui surfe sur la pandémie pour se faire entendre face aux agences et instances sanitaires, propose une liste de "mesures sanitaires pour la réouverture des écoles, collèges, lycées et crèches". Au-delà du rappel des mesures de gestes barrières et de distanciation sociale désormais bien connues, cinq mesures concernent plus particulièrement les crèches : un seul parent dans le sas d'entrée pour prendre la température du nourrisson, renvoi au domicile en cas de fièvre (ce qui est déjà la règle) et prise d'un avis médical, port impératif d'un masque et d'une surblouse changée chaque jour pour prodiguer les soins et donner les biberons, hygiène rigoureuse avec lavage des mains répété entre chaque nourrisson lors des soins et avant la préparation des biberons, prise en considération de la possibilité d'une élimination fécale du Sars-CoV-2 lors de la manipulation et de l'élimination des couches.
"Pas de bébés à la consigne" favorable à la réouverture
Dans ce contexte de grande incertitude, la réouverture des crèches le 11 mai ne semble pourtant pas susciter les mêmes réticences que du côté des établissements scolaires. Dans une lettre ouverte au président de la République et au gouvernement en date du 23 avril, intitulée "Déconfiner les tout petits oui, mais avec des modes d'accueil en toute sécurité et qualité pour les enfants et les adultes", le collectif "Pas de bébés à la consigne" se prononce ainsi en faveur de la réouverture des crèches.
Le collectif, qu'on a connu moins en phase avec les décisions des gouvernements successifs, rappelle que "plus que jamais en cette période, l'accueil de la petite enfance apparaît comme remplissant une mission d'intérêt public de premier ordre" et avance plusieurs raisons pour expliquer sa position : épanouissement et socialisation des enfants, lutte contre les inégalités sociales, prévention des "fragilités de tous ordres pouvant affecter les familles"...
Le collectif demande néanmoins un certain nombre de mesures pour rouvrir les crèches en toute sécurité. Bien sûr la mise à disposition de masques et de gel hydro-alcoolique en quantité suffisante, mais aussi le nettoyage adapté des locaux, l'accueil progressif des enfants "en prenant en compte la lutte contre les inégalités sociales et les situations de fragilité familiale", l'accueil par groupes inférieurs à 10 enfants et l'adaptation du taux d'encadrement, l'organisation des arrivées et des départs des enfants pour éviter les regroupements, ou encore le recours organisé et facilité à un référent médical.
A noter : dans ce contexte de forte incertitude, l'AMF (Association des maires de France) a, pour sa part, fait des propositions détaillées sur la réouverture des écoles et des crèches dans son document "Contribution de l'AMF à la préparation du déconfinement" (voir notre article ci-dessous du 21 avril 2020).