Déchets toxiques de Stocamine, en Alsace : le confinement définitif provisoirement suspendu
Le Tribunal administratif de Strasbourg vient d’écrire une nouvelle page du feuilleton juridique relatif au sort des 42.000 tonnes de déchets dangereux (arsenic, mercure, amiante…) enfouies sur le site de Stocamine, une ancienne mine de potasse du Haut-Rhin. Par une ordonnance du 7 novembre 2023 (n°2307183), le juge des référés - saisi en ce sens par l’association Alsace Nature - a suspendu l’arrêté du 28 septembre 2023 par lequel le préfet du Haut-Rhin a prolongé, pour une durée illimitée, l’autorisation donnée à la société des Mines de Potasse d’Alsace de stockage souterrain en couches géologiques profondes de produits dangereux, non radioactifs, sur le territoire de la commune de Wittelsheim. Une procédure administrative qui avait fait suite à l’arbitrage du ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu (voir notre article du 21 septembre 2023). Jusqu'ici, l'entreposage des déchets n'était autorisé que temporairement, jusqu'en 2027.
Pour le juge des référés, les deux conditions permettant d’obtenir la suspension provisoire d’une décision administrative sont réunies.
Celle de l’urgence tout d’abord. La réversibilité n’est pas démontrée concernant ces travaux, "qui devaient débuter de manière imminente par le remblayage définitif du bloc 15 où sont entreposés des déchets dont la nature est en partie indéterminée, à cinq cents mètres sous la nappe phréatique d’Alsace".
Il y a par ailleurs (seconde condition requise) un doute sérieux sur la légalité de la décision de stockage des déchets pour une durée illimitée, et ce à triple titre aux yeux du juge. A cet égard, l’ordonnance est intéressante puisqu’elle prend appui sur la récente décision du Conseil constitutionnel (n° 2023-1066 QPC du 27 octobre 2023), par laquelle les Sages ont consacré en des termes inédits "le droit des générations futures" à vivre dans un environnement sain et équilibré, qui découle "de l’article 1er de la Charte de l’environnement éclairé par le septième alinéa de son préambule" (voir notre article du 2 novembre 2023). Pour rappel, il s’agissait ici d’examiner la constitutionnalité (confirmée par le Conseil) des dispositions de la loi du 25 juillet 2016 relatives à la réversibilité du stockage géologique en couche profonde de déchets radioactifs (Cigéo).
Après avoir fait sienne la jurisprudence du Conseil constitutionnel, le juge des référés ajoute que la décision préfectorale en litige est également susceptible de méconnaître l’article L.211-1 du code de l’environnement relatif à la gestion équilibrée et durable de la ressource en eau, et qu’il n’est en outre pas justifié de ce que les déchets stockés dans le bloc 15 ne pourraient être déstockés.
Par cette ordonnance, il est de surcroît enjoint au préfet de prendre les mesures nécessaires afin d’assurer la maintenance du site et de l’ensemble des galeries.
Notons que l’ordonnance présente un caractère provisoire jusqu’à ce que le tribunal statue au fond sur le recours en annulation introduit contre l’arrêté préfectoral.
Référence : TA de Strasbourg, ordonnance de référé du 7 novembre 2023, n° 2307183, Association Alsace Nature et autres. |