Décentralisation : les échanges avec l'Élysée sont lancés
Sept présidents d'associations d'élus locaux ont été reçus lundi 13 mars à l'Élysée par Emmanuel Macron pour évoquer le volet territorial de la future réforme des institutions. Il y a notamment été question de compétences. Et d'autonomie financière.
Une réunion de 2 heures. Autour de la table, Emmanuel Macron et sept présidents d'associations d'élus locaux. Au programme, le volet territorial de la réforme des institutions qu'entend préparer le chef de l'État. C'était ce lundi 13 mars après-midi à l'Élysée. Ce premier rendez-vous organisé à la demande des associations était "surtout une phase d'écoute", précise Sébastien Martin, le président d'Intercommunalités de France. Emmanuel Macron se serait simplement exprimé cinq à dix minutes en début puis en fin de réunion, le reste du temps ayant permis à chaque élu de s'exprimer, de "donner sa vision" de ce que devrait être cette réforme. Un ordre du jour volontairement large, donc. "Il s’est avant tout agi d’une réunion de méthode", relate Régions de France.
D'autres rencontres sont prévues – "deux à trois fois d'ici cet été", en associant les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat. S'y ajouteront des réunions de travail avec les conseillers. Des propositions devraient ainsi émerger dès l'été. Le calendrier aurait donc été "resserré", rapporte Carole Delga, la présidente de Régions de France. Les principales associations d'élus généralistes étaient présentes… sauf l'Association des maires de France (AMF), suite à un couac de calendrier (David Lisnard était retenu ailleurs par un engagement pris de longue date et l'Élysée n'aurait pas souhaité que l'AMF soit représentée par quiconque d'autre que son président – ce qui n'a pas franchement plu à l'association, qui s'en est émue samedi dans un communiqué).
"Pas une fin en soi"
Les élus présents ont dans leur ensemble fait valoir que la relance de la décentralisation "n'est pas une fin en soi" mais représente une réponse à l'actuelle "crise démocratique", à la nécessité d'une action publique "plus efficace, plus proche, plus lisible", selon les mots de Sébastien Martin interrogé par Localtis. "Ce que nous voulons, c'est travailler à une République des solutions pour la vie des Français" qui "désespèrent de l’incapacité de nos institutions à régler leurs problèmes", a de même expliqué à l'AFP François Sauvadet, le président de Départements de France, évoquant "une volonté partagée" avec Emmanuel Macron de "faire évoluer les choses" même s'il y a "encore beaucoup de travail".
"La décentralisation, c’est d’abord une affaire d’état d’esprit qui ne peut se résumer à un simple mécano institutionnel de transferts de compétences", a pour sa part déclaré Johanna Rolland, la présidente de France urbaine. Gil Avérous, le président de Villes de France, a rappelé que les maires de villes moyennes représentés par son association "n'appelaient pas à un grand boom territorial mais à un partage plus clair des compétences entre collectivités et État". Là-dessus, tout le monde semble à peu près d'accord. Départements de France ne veut pas non plus d'un "big bang territorial". Et surtout pas si celui-ci devait signifier un retour du conseiller territorial, comme cela a pu se murmurer ces derniers temps. À propos des sujets qui fâchent : l'éventualité d'un redécoupage de certaines grandes régions n'aurait pas été abordée au cours la réunion de lundi.
"Avant tout le logement"
Les axes tracés par Emmanuel Macron ? Celui-ci aurait insisté sur trois points, rapporte Sébastien Martin : une meilleure contractualisation entre l'État et les collectivités (ou "territoires") ; des blocs de compétences à décentraliser de façon plus complète ; des financements assis sur une "autonomie financière" garantie par la Constitution et sur une pluriannualité.
Quelles compétences ? "Avant tout le logement". Pas une surprise, sachant que trois ministres ont déjà reçu les associations d'élus locaux à la mi-février pour entamer une concertation sur la décentralisation des politiques du logement (voir notre article). "Qu'Emmanuel Macron reprenne cette idée d'une décentralisation complète des politiques de l'habitat, je dirais… Enfin !", commente Sébastien Martin. La nécessité de "clarifier les choses sur la question des transports" aurait aussi été mentionnée par le chef de l'État.
Sur le terrain du logement, du côté de France urbaine, on appelle en tout cas au "confortement des délégations déjà existantes et reconnues aux intercommunalités cheffes de file des politiques de l'habitat, à la gestion de tout ou partie des crédits MaPrimeRénov’ et du service d’accompagnement pour la rénovation énergétique aux intercommunalités sur le modèle de la délégation des aides à la pierre". Mais aussi à la délégation aux territoires urbains de certains crédits politique de la ville.
Régions de France résume pour sa part en ces termes l'objectif du président de la République : "Plus de clarté dans les compétences exercées, plus de responsabilités données aux collectivités, c’est-à-dire davantage de moyens juridiques et financiers associés aux compétences transférées, plus de proximité dans l’élaboration des solutions." Et ajoute qu'Emmanuel Macron a évoqué, en plus du logement et des mobilités, les champs de l’éducation et de la formation professionnelle. La santé aurait également été "un point crucial d’échange".
Pour une "visibilité financière pluriannuelle"
S'agissant de l'axe financier, le fait que l'Élysée évoque une autonomie financière avec garantie constitutionnelle a de quoi satisfaire une partie des élus. Tout comme l'espoir, tel que l'a exprimé Gil Avérous, de disposer de "plus de lisibilité" et d'une "visibilité financière pluriannuelle". Avec une nuance de taille toutefois. "Le président parle d’autonomie financière. C'est d'une autonomie fiscale dont nous avons besoin", affirme François Sauvadet. Le débat ne date pas d'hier et là-dessus on le sait, les associations d'élus ne sont pas toutes totalement au diapason. "L'autonomie fiscale, c'est bon pour les plus riches", schématise Sébastien Martin, qui estime par exemple que les régions "ne se plaignent pas beaucoup" de se voir affecter une part de TVA.
Le président d'Intercommunalités de France insiste par ailleurs sur le sujet de la contractualisation, appelant à "un véritable contrat État-territoires" conçu "à l'échelle des bassins de vie" : "À l’image des contrats de plan État-région, la Première ministre doit pouvoir adresser à chaque préfet de département des lettres de cadrage précisant les moyens que plusieurs ministères devront déconcentrer auprès du bloc communal et qui permettront ensuite d’accompagner les territoires sur la durée." S'agirait-il de s'appuyer sur les CRTE, les contrats de relance et de transition écologique qui étaient censés représenter une vision très "intégrée" de la logique contractuelle ? Autrement dit d'aboutir à des CRTE "améliorés" ? Oui... à condition qu'on ne vienne pas les court-circuiter. Or selon Sébastien Martin, c'est précisément ce qui s'est passé avec le lancement du fonds vert : "Au lieu de s'appuyer sur ces contrats basés sur des projets de territoire, on a lancé une plateforme internet... On ne pouvait pas faire mieux pour planter le CRTE", s'insurge-t-il.