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Départements - Décélération des dépenses sociales des départements : l'Odas constate, mais n'y croit pas vraiment

L'Observatoire de l'action sociale décentralisée (Odas) a présenté le 30 mai les résultats de son étude annuelle sur les dépenses d'action sociale. Effectuée à partir d'un échantillon représentatif d'une quarantaine de départements (plus la métropole de Lyon), celle-ci présente le grand intérêt d'apporter des indications précises sur l'évolution des dépenses sociales, des recettes et de la situation budgétaire des départements plusieurs mois avant les chiffres compilés et exhaustifs publiés par la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) des ministère sociaux (voir notre article ci-dessous du 1er février 2017).

L'effet ciseau change de sens

La présentation des résultats 2016 laisse une impression étrange. Alors que les chiffres 2016 témoignent d'une amélioration indéniable côté recettes comme côté dépenses, la restitution qu'en fait l'Odas est marquée du sceau du pessimisme. Le sous-titre donné à la présentation - "Des résultats en trompe-l'œil" - illustre bien cette dichotomie.
Deux chiffres, pourtant, suffisent à témoigner au moins de l'inversion de l'effet de ciseau. En 2016, les recettes de fonctionnement des départements ont progressé de 2,8%. Une hausse que l'Odas et son partenaire - La Banque postale - expliquent par le dynamisme retrouvé des droits de mutation à titre onéreux et du foncier bâti. Le "dynamisme" sur le foncier bâti tient toutefois, pour une bonne part, au fait que 35 départements ont augmenté en 2016 le taux de taxation correspondant - parfois dans des proportions importantes -, ce qui explique un effet taux moyen de +5,4% et une augmentation du produit de la taxe de l'ordre de 7%.
Sur les droits de mutation, le "dynamisme" était déjà apparu - après deux années de baisse - en 2015, avec une progression du produit de 13,4% sur un an. La hausse est également bien présente en 2016, mais dans des proportions nettement moindres (+7,5%).

Des dépenses nettes d'action sociale en hausse de 1,9%

Du côté des dépenses nettes d'action sociale, qui représentent en moyenne 62% des budgets de fonctionnement, la progression a été de 1,9% en 2016, pour atteindre un total de 36,83 milliards d'euros. Cette hausse marque une nette décélération par rapport aux années antérieures. L'Odas évoque en effet une hausse moyenne de plus de 3% les années précédentes. En 2015 toutefois, la progression des dépenses nettes d'aide sociale des départements n'était que de 2% en euros constants selon les chiffres de la Drees (voir notre article ci-dessous du 1er février 2017)
De façon plus large - portant sur l'ensemble du budget de fonctionnement -, l'analyse financière effectuée par La Banque postale montre que "les départements ont fortement contraint leur budget de fonctionnement : l'évolution moyenne de +0,5% enregistrée sur ces dépenses est la plus faible observée depuis quinze exercices". Outre la décélération des dépenses d'action sociale, ce résultat a été obtenu grâce à une stabilisation des dépenses de personnel (autour de 12 milliards d'euros) et des contributions aux Sdis, et à une "diminution considérable" du poste achats.

Tout pour aller un peu mieux, mais...

Des dépenses 2016 en hausse de 1,9% quand les recettes progressent de 2,8% : les départements auraient tout pour aller - un peu - mieux. Pourtant, pour l'Odas, "cette situation pourrait paraître rassurante si elle n'était le résultat de circonstances particulières". L'étude procède en effet à une analyse des différents postes de dépenses d'action sociale, pour y trouver à chaque fois des motifs de prudence, sinon de pessimisme.
Les dépenses de RSA et d'insertion, par exemple, décélèrent en 2016, même si elles affichent toujours la progression la plus forte des différents postes d'action sociale (+3,4% et 10,17 milliards d'euros, hors personnels). Cette décélération tient à la "baisse inattendue" du nombre de bénéficiaires du RSA observée en 2016 (voir notre article ci-dessous du 11 avril 2017).
Mais, selon l'Odas, "il est peu probable, au regard des prévisions de l'évolution du taux de chômage, que cette baisse soit pérenne". Il est possible toutefois  que ce commentaire a été rédigé avant l'annonce, il y a quelques jours, d'une baisse de 1% du chômage en avril (-36.300 demandeurs d'emploi de catégorie A), qui annule une bonne part de la hausse constatée en mars.
A noter : l'étude met en évidence la poursuite de la diminution des dépenses d'insertion (hors allocation) avec un recul de 50 millions d'euros en 2016 (pour un total de 650 millions), essentiellement dans le champ de l'insertion professionnelle. Cette tendance d'ensemble recouvre toutefois de forts contrastes selon les départements : "dans 40% d'entre eux, la dépense d'insertion est en forte baisse, tandis qu'elle progresse fortement dans 20% d'entre eux, et varie peu dans les 40 % restants".

Progression de la PCH : un sujet d'interrogation ?

Le soutien aux personnes handicapées connaît la seconde progression la plus forte, avec +2,7% et un total de 7,32 milliards d'euros, sous l'effet d'une progression soutenue des dépenses de prestation de compensation du handicap (+5,7%), qui s'explique elle-même par la hausse du nombre de bénéficiaires (+4,5%). L'Odas observe au passage que "cette progression continue de la PCH demeure un sujet d'interrogation, plus de dix ans après sa création".
S'il est vrai que l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) s'était, elle, nettement stabilisé dix ans après sa création, on peut toutefois signaler que la PCH connaît une décélération sensible de son nombre de bénéficiaires, qui semble s'être accélérée l'an dernier : +5,7% en 2016, après +8,0% en 2015, +8,7% en 2014, +10,6% en 2013, +11,9% en 2012, sans même parler de la diminution continue du reliquat des bénéficiaires de l'allocation compensatrice pour tierce personne (voir notre article ci-dessous du 5 décembre 2016).

Personnes âgées : en attendant la réforme de la tarification

Avec le soutien aux personnes âgées dépendantes, on arrive à une dépense sociale qui contribue positivement à la moyenne, avec une progression de 1,8% en 2016, pour atteindre un total de 6,89 milliards d'euros. L'Odas signale néanmoins que la dépense d'APA à domicile (3,32 milliards d'euros) progresse plus rapidement (+2,5%), sous l'effet notamment du début de mise en œuvre des mesures de revalorisation prévues par la loi Vieillissement du 28 décembre 2015.
Sur la prise en charge en établissement, 2016 constitue une année intermédiaire, dans l'attente des effets de la réforme de la tarification des Ehpad. Bien que l'Odas ne le mentionne pas, ces effets - et notamment la convergence tarifaire - devraient plutôt tendre vers une décélération, sinon même une contraction de la dépense correspondante. Du moins à en juger par les réactions très hostiles des représentants des établissements.

Enfance : un fait "sans précédent depuis la décentralisation"

Enfin, l'Odas indique que les dépenses de protection de l'enfance ont augmenté seulement de 0,6% en 2016 - un fait "sans précédent depuis la décentralisation" - pour atteindre 7,27 milliards d'euros. Seul l'accueil en établissement, pour les situations les plus lourdes, connaît une progression significative de 2%, pour un total de 4 milliards d'euros de dépenses brutes et 141.400 mineurs accueillis (dont 10% de mineurs non accompagnés).
L'Odas observe que, "malgré les difficultés financières, certains départements ne renoncent pas à innover, même timidement, dans le domaine de la prévention. Cependant, sans un investissement conséquent dans ce champ, les départements ne parviendront pas à limiter les prises en charge coûteuses et trop tardives pour être efficaces".

Le salut par l'innovation... et l'allègement des normes

Au final, l'Odas maintient sa vision sombre sur les dépenses sociales des départements et donc sur les perspectives de leur situation financière. Certes, "dans un contexte social dégradé avec une forte augmentation du chômage, on s'attendait à un accroissement important des dépenses nettes sociales des départements. Or la progression est faible et la situation est d'autant plus inédite qu'elle s'accompagne d'une progression encore plus faible de la charge nette".
Mais "il est peu probable que cette évolution favorable perdure. Car certains éléments qui expliquent cette année de répit sont d'ordre conjoncturel : baisse du nombre de bénéficiaires du RSA, augmentation des concours de la CNSA, embellie des recettes liées à l'immobilier".
En attendant de vérifier dans un an la fiabilité du pronostic, les départements, pour s'en sortir, "ne pourront envisager sereinement l'avenir qu'en construisant des politiques chaque fois plus inventives de prévention pour mieux maîtriser les dépenses et proposer des réponses adaptées aux nouveaux défis sociaux". Avec toutefois un prérequis : celui d'un "allègement conséquent des normes, car la prégnance du principe de précaution empêche souvent le changement".

 

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