Crise et finances locales : Jean-René Cazeneuve dévoile sa méthode et son calendrier
Chargé par le Premier ministre d'évaluer l'impact de la crise sur les finances locales, le député LaREM, Jean-René Cazeneuve remettra une première série de propositions d'ici fin mai. Objectif : aider rapidement les collectivités les plus malmenées. Ses propositions sur la place des collectivités dans le plan de relance seront connues d'ici septembre.
L'Etat sera "aux côtés" des collectivités territoriales pour les aider financièrement, pendant et après la crise. C'est Jean-René Cazeneuve, qui, rappelant les engagements pris par l'exécutif dans ce sens, l'a affirmé, ce mardi 28 avril, lors d'un point presse en visioconférence. Chargé récemment par le Premier ministre d'une mission d'évaluation de l'impact de la crise sur les finances des collectivités locales (voir notre article du 22 avril 2020), le président (LaREM) de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation au sein de l'Assemblée nationale compte dévoiler, d'ici fin mai, un premier volet de son rapport consacré à l'urgence. Un certain nombre de collectivités, comme celles qui dépendent beaucoup de l'activité touristique, celles qui sont situées en outre-mer, ou encore certains départements (notamment ceux pour qui les droits de mutation à titre onéreux représentent une part importante des recettes) seront fragilisés plus rapidement, estime-t-il. Sa contribution pourrait servir à la préparation d'une troisième loi de finances rectificative, qui serait présentée "avant l'été" et contiendrait des mesures pour soutenir les collectivités territoriales en difficulté, comme l'a déjà annoncé le ministre de l'Action et des Comptes publics. Celui qui est aussi un des deux rapporteurs à l'Assemblée nationale de la mission du budget consacré aux "relations avec les collectivités territoriales" remettra son rapport complet d'ici septembre. Il pourra ainsi contribuer à la rédaction des mesures d'un plan de relance impliquant les collectivités territoriales, qui figurerait dans le projet de loi de finances pour 2021 (qui sera présenté fin septembre).
"Prendre en compte les plus et les moins"
La crise frappe des collectivités territoriales dont la situation, globalement, s'améliorait depuis quelques années, a constaté Jean-René Cazeneuve. Reste que "les moyennes peuvent cacher des disparités très fortes", a-t-il souligné. En disant vouloir "avoir la vision la plus exhaustive possible de la situation des finances locales". Une méthode qui le conduira à prendre en compte non seulement les pertes de recettes des collectivités, mais aussi les éventuelles économies qu'elles feraient depuis le début de la crise. Prônant dans le même temps une approche globale, il a exclu de proposer des mesures uniquement à la lumière de l'évolution d'un impôt (par exemple les DMTO). C'est la situation d'une collectivité dans son ensemble qu'il faudra observer, a-t-il souligné. Cela pourrait amener M. Cazeneuve à réaliser "une typologie" des finances locales en 2020. Au total, le député veut travailler à "une vision objective" et partagée de "l'impact chiffré" de la crise sur les ressources des collectivités locales, se disant "surpris" que l'Etat et les élus locaux n'y soient pas encore parvenus.
Parmi les mesures à prendre pour aider les structures locales en difficulté, le député du Gers a d'ores et déjà exclu certaines pistes. Comme l'idée formulée de longue date par l'Association des maires de France, qui consisterait à prévoir un rattrapage de dotation globale de fonctionnement (DGF) au profit des communes qui essuient des baisses importantes de celle-ci. Il n'existerait "pas de corrélation" entre les communes qui, en 2020, perdent de la DGF et celles qui souffrent le plus, a-t-il dit, en donnant l'exemple des communes d'outre-mer, qui ont gagné de la DGF et qui, pourtant, auront besoin d'un soutien.
"La TVA repartira à la hausse"
Il n'existe pas non plus de "lien direct" entre la crise et la réforme de la fiscalité locale, a fait remarquer M. Cazeneuve. Aux élus qui réclament le report, voire la remise en cause de la réforme qui doit entrer en vigueur l'an prochain, il répond aussi que les collectivités "disposeront d'une compensation à l'euro près". En direction de ceux qui pointent la baisse historique que connaîtra la TVA en 2020, il affirme – en reconnaissant volontiers le caractère provocateur de ses arguments – que la TVA "va repartir à la hausse l'an prochain" et, donc, que "la dynamique de cet impôt sera très supérieure à celle de la taxe foncière dans les prochaines années". "C'est une opportunité", a-t-il conclu. Relire la réforme de la fiscalité locale à la lumière de la crise n'est de toute façon "pas notre sujet", a indiqué l'élu. De même, le report de l'allègement (prévu à partir de 2021), puis de la suppression (à compter de 2023) de la taxe d'habitation pour les 20% de Français ayant les plus hauts revenus, une question qu'il a lui-même soulevée la semaine dernière – lors d'une réunion de travail avec des collègues députés –, "dépasse clairement" le champ de sa mission, a-t-il précisé. Et rappelant les déclarations de certains des membres du gouvernement en défaveur de hausses d'impôts, il a affirmé qu'il n'était "pas certain que ce soit une bonne idée".
Mais, alors qu'avant la crise, le souhait de baisser les "impôts de production" (en particulier la CVAE) exprimé par le patronat, semblait trouver un écho auprès d'une partie de l'exécutif, Jean-René Cazeneuve a dit clairement ne pas partager cette demande et, au contraire, vouloir avec ses collègues de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, la sanctuarisation de ces impôts.
Projet de loi 3 D : tirer les enseignements de la crise
Pour aider les collectivités en difficulté, "une recette unique ne marchera pas", a aussi jugé le député. Au contraire, il faudra "faire appel à un nombre de leviers très différents", notamment pour tenir compte de la diversité des territoires, a-t-il déclaré. Dans le même temps, constatant que les élus locaux ont beaucoup d'imagination pour inventer des réponses, il a appelé à "ne pas multiplier des dispositifs qui pourraient finir par se contredire, et donc à "faire des choix". Le député a également qualifié de "bonne idée" la proposition de certains élus locaux consistant à créer un budget annexe pour flécher toutes les dépenses locales liées au covid-19. Il reste qu'"on aura un problème de définition des contours" de ce budget annexe, a-t-il pointé. Par ailleurs, à moyen et long terme, il a estimé nécessaire une plus grande solidarité financière entre les collectivités territoriales les plus riches et celles qui sont défavorisées.
Interrogé, enfin, sur le projet de loi "3 D" que le gouvernement envisageait initialement de présenter à la fin du premier semestre 2020 - pour approfondir la décentralisation et la déconcentration et permettre une plus grande différenciation territoriale -, le député a jugé "sage" de repousser la réforme à "l'année prochaine". Selon lui, il faudra réexaminer les politiques publiques à l'aune de la crise. Constatant que "des questions se posent sur l'organisation des agences régionales de santé" (ARS), il a aussi souligné "le travail remarquable" réalisé par les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte), des administrations qui mettent en œuvre pourtant "une politique très centralisée". Par ailleurs, il a jugé que, tout autant que le tandem "préfet-maire", le binôme préfet-président de département "a été essentiel dans beaucoup de départements".