CPER 2021-2027 : les mandats de négociation seront transmis avant le congrès des régions
Fer de lance d'une approche "territorialisée et différenciée" de la relance, les contrats de plan Etat-région 2021-2027 seront conduits en deux temps : des accords de relance pour les années 2021 et 2022 seront signés d'ici la fin de l'année avant d’engager des actions plus structurelles pour la période 2023-2027. La signature définitive des contrats n’interviendra pas avant l’automne 2021. Comme de coutume, le volet transports réveille des tensions.
A quelques jours du congrès des régions (le 19 octobre), la transmission des "mandats de négociation" des futurs contrats de plan Etat-région 2021-2027 est "imminente", apprend-on, mardi 13 octobre, auprès de Régions de France. La négociation mise entre parenthèses pendant la crise va pouvoir véritablement démarrer afin de préparer dans chaque région "la maquette financière" de cette nouvelle génération de contrats pour lesquels l’Etat s’est engagé à apporter 20 milliards d’euros. Au total, avec le cofinancement des régions, ils devraient se monter à 40 milliards d’euros, soit dix de plus que pour la génération actuelle 2015-2020, afin de contribuer à l’effort de relance.
Dans une circulaire récemment adressée aux préfets, le Premier ministre fournit le cadre de travail. La signature définitive des contrats devra intervenir "au plus tard à l’automne 2021". Mais comme l’avaient suggéré les régions dès le 6 avril, au plus fort de la crise sanitaire, les deux partenaires ont décidé d’agir en deux temps. Concrétisant un "accord de méthode" de fin juillet (qui avait acté la baisse des impôts de production), l’accord de partenariat conclu le 28 septembre entre Jean Castex et Renaud Muselier, président de Régions de France, prévoit en effet de signer une sorte de "contrat de relance" d’ici la fin de cette année pour mettre en œuvre les actions de relance en 2021 et 2022, avant d’engager des actions plus structurelles entre 2023 et 2027.
Les futurs CPER devront ainsi comporter "un volet spécifique dédié aux opérations du plan de relance sur 2021 et 2022, qui détaillera la liste des projets susceptibles d’exercer un effet de levier sur l’investissement public", précise le Premier ministre, dans ce courrier révélé par l’agence AEF. Les crédits de la relance territorialisée seront présentés "sous la forme d’un volet spécifique intégré dans la maquette du CPER" ou "sous la forme d’un accord de relance signé indépendamment du CPER".
Dès le début de la crise, les régions avaient proposé de financer des actions prêtes à démarrer, notamment celles restées dans les cartons. Le recensement de ces projets "devra cibler prioritairement ceux qui possèdent un effet d’entraînement sur le tissu productif, valorisant le capital humain, et contribuant à la transformation numérique et à la décarbonation de l’économie", souligne l’accord de partenariat. En tant que copilotes, les présidents de régions souhaitent aussi avoir la main sur une partie des 37,4 milliards d'euros de crédits de relance européens.
Cinq nouvelles priorités
L'accord de partenariat fixe par ailleurs les priorités stratégiques auxquelles les CPER et les accords de relance devront répondre. Trois priorités avaient été définies avant la crise :
- les transitions écologiques (décarbonation de l’économie, plan massif de rénovation énergétique, renforcer la souveraineté économique, protéger la biodiversité…),
- la recherche, l’innovation et l’enseignement supérieur (campus durables, transition numérique, santé…),
- et la cohésion sociale et territoriale (réduction des inégalités territoriales, revitalisation des centralités, services publics, coopérations villes-campagnes, mobilités douces, lutte contre l’artificialisation des sols…).
Mais la crise a fait apparaître cinq nouvelles priorités :
- la santé, dans la continuité du Segur (accélération du déploiement des maisons de santé, installation de médecins dans les déserts médicaux, télémédecine…),
- la formation professionnelle et le développement économique (avec une place centrale pour l’agriculture),
- l’inclusion numérique (lutte contre l’illectronisme, développement des tiers-lieux, des Fabriques du territoire…),
- les infrastructures de mobilité (développement des infrastructures de transport, relance de la maintenance, fret ferroviaire, moyens logistiques propres, couverture du territoire en bornes de recharges électriques…),
- la culture et le patrimoine, le tourisme et le sport.
Le volet formation ne semble pas poser de difficultés, Etat et régions ont déjà convenu de réactualiser les Pric (pactes régionaux d’investissement dans les compétences), avec une priorité sur l’accompagnement des reconversions vers les métiers en tension. A l’image du comité économique Etat-région coprésidé par le ministre de l’Economie et le président de Régions de France, un comité Emploi-Formation sera créé, cette fois-ci avec la ministre du Travail.
L’ancrage territorial de la relance est "crucial", souligne l’accord de partenariat qui, sur le plan économique, met l’accent sur le renforcement en fonds propres des entreprises, une montée en gamme de l’industrie, la mobilisation de la commande publique, la baisse des impôts de production prévue dans le projet de loi de finances pour 2021 (20 milliards d’euros sur deux ans), "en veillant à ne pas fragiliser les finances publiques", la simplification des aides à l’innovation, la résilience des chaînes d’approvisionnement…
"On peut s’attendre à de vraies difficultés"
Derrière la photo de famille du 28 septembre, à Matignon, on sent poindre des crispations sur le volet infrastructures de transport de ces contrats. "Bercy ne veut pas s’engager au-delà de 2022 sur les infrastructures de transport, prétextant le côté pluriannuel de la LOM", explique une source proche du dossier. Un sujet très sensible alors que l’Etat n’a pas respecté ses engagements sur les contrats actuels et accuse d’importants retards. "Si l’Etat maintient cette position, on peut s’attendre à de vraies difficultés." A quelques mois des élections régionales, les présidents de régions risquent en effet de se montrer susceptibles. Fin septembre, Renaud Muselier avait salué un "vrai retour à la confiance politique entre le gouvernement et les régions". Alors que l’épisode marseillais a laissé des traces, on verra d’ici quelques jours si la confiance est toujours de mise.