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Finances publiques - Cour des comptes : la moitié de la réduction du déficit public provient des collectivités

Dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques présenté ce 29 juin, la Cour des comptes met en garde contre un dérapage de la dépense publique en 2017. Son bilan 2015 met notamment en avant les efforts des collectivités... et la baisse de l'investissement local. Les choses pourraient se stabiliser cette année au niveau local... pour repartir à la hausse en 2017 ?

La Cour des comptes craint un dérapage du déficit budgétaire en 2017 qui pourrait ne pas atteindre l'objectif de 2,7% du PIB, après les dépenses nouvelles annoncées par le gouvernement depuis le début de l'année. "L'atteinte de l'objectif 2017 est très incertaine et le respect de la trajectoire 2017-2019 des finances publiques peu réaliste", a affirmé sans détour ce 29 juin le premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud, lors de la présentation à la presse du rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques.
"Les annonces successives de nouvelles dépenses publiques, qui ne sont, en l'état de nos connaissances aujourd'hui, ni financées ni gagées par des économies pérennes, font peser un risque sur les finances publiques en 2016, mais plus encore sur les années suivantes", a-t-il insisté. La Cour des comptes pointe en particulier la hausse de la masse salariale, après l'annonce par le gouvernement du dégel du point de l'indice des fonctionnaires, ainsi que la hausse programmée des dépenses militaires et les aides annoncées pour les jeunes, les agriculteurs ou l'emploi. "Tout semble se passer comme si le dynamisme espéré des recettes conduisait le gouvernement à étaler encore plus les efforts nécessaires au respect des objectifs de redressement des finances publiques", a-t-il regretté.
La Cour des comptes s'attend à ce que l'Etat parvienne à atteindre cette année son objectif de 3,3% de déficit contre 3,6% en 2015, une réduction qu'elle juge "modeste" et qui "ne permettra toujours pas de faire diminuer le poids de la dette dans le PIB". Pour l'an dernier, la Cour des comptes constate que le déficit public s'est réduit de 0,4%, mais souligne qu'il reste "élevé" et que "la situation des finances publiques en France est plus dégradée que celle de nombreux pays européens". Sur les 18 milliards d'économies prévus l'an dernier, Didier Migaud estime que ces dernières se sont élevées "plutôt à 12 milliards".

Les dépenses d'investissement des communes en baisse de 22% en 2015

Voilà pour le verdict général. Pour ce qui est des seules collectivités, le tableau est plus nuancé. Et ces mêmes collectivités échappent globalement aux critiques auxquelles la Cour les avait habituées ces dernières années.
"Pour la première fois depuis 2003, les collectivités locales ont dégagé en 2015 une capacité de financement au sens de la comptabilité nationale. Ce solde positif repose sur le ralentissement des dépenses de fonctionnement mais surtout sur la diminution marquée des dépenses d'investissement pour la seconde année consécutive. Si la baisse des dotations a exercé, pour la deuxième année, une réelle contrainte sur les finances locales, celle-ci a été en partie compensée par le dynamisme de leurs ressources fiscales. L'année 2015 marque ainsi un infléchissement dans l'évolution de la situation financière des collectivités, le dynamisme des recettes fiscales s'étant accompagné d'efforts de gestion engagés par les collectivités locales. Cette évolution favorable a permis à l'épargne brute de repartir globalement à la hausse, même si la situation est très différente selon les catégories de collectivités."
C'est en ces termes que la Cour résume les choses dans la conclusion de son chapitre consacré au bilan 2015. Résultat : la moitié de la réduction du déficit public enregistrée en 2015 provient des collectivités !
Quelques chiffres. Les dépenses des administrations publiques locales (Apul, champ plus large que les collectivités stricto sensu, s'y ajoutant notamment les EPCI et les établissements publics locaux tels que les CCAS, les Sdis, les collèges et lycées…) ont diminué de 1,3% en 2015.
Les dépenses d'investissement ont reculé de 9,7%. Parmi elles, les dépenses d'équipement (identifiées sur la base de la formation brute de capital fixe) connaissent une baisse de 10%. Dans les communes, cette baisse a été de 22,7% ! (tandis qu'elle a été de 10,9% dans les départements et que les régions ont affiché une petite hausse de + 0,6%). La Cour estime que le cycle électoral a contribué pour moitié à cette diminution "sans précédent depuis plus de 30 ans". Resterait "une part inexpliquée"… la Cour ne mentionnant la baisse des dotations "et leur anticipation pour les prochaines années" qu'au titre des hypothèses "probables".
S'agissant des dépenses de fonctionnement, le rapport parle de décélération : "+2,5% pour le bloc communal, après +4,4% ; +0,6%, après +2,6% pour les départements ; +2,8% pour les régions, après +4,3%". Les communes, surtout, "ont fait un effort de gestion important", reconnaît la Cour.
Les recettes des Apul ont progressé de 0,8% (contre 1,7% en 2014). Une évolution qui repose essentiellement sur les prélèvements obligatoires (+4,3%), qu'il s'agisse "de la fiscalité transférée ou de leur fiscalité propre".
Les collectivités ont dégagé une capacité de financement de 1,5 milliard. "L'évolution de l'épargne brute est variable selon les catégories de collectivités. Si l'épargne brute s'améliore pour le bloc communal, elle continue de se dégrader pour les départements et les régions", précise toutefois le rapport.

Moindre hausse du produit fiscal en 2016

Que prévoit la Cour pour 2016 ? En termes de recettes des collectivités, elle redonne quelques éléments sur les recettes fiscales, dont la hausse devrait être moins forte qu'en 2015 : +2,6%. La hausse des taux serait peu importante. La Cour met en effet surtout en avant les hausses "spontanées" du produit : revalorisation de 1% des valeurs locatives votée dans la dernière loi de finances (qui devrait générer un produit supplémentaire de 460 millions d'euros), accélération de la CVAE… On notera que la Cour prévoit en revanche une stabilisation des DMTO cette année, après une forte hausse l'an dernier.
Sur le volet dépenses, on saura que "la baisse des transferts de l'Etat devrait certes continuer de peser sur les dépenses d'investissement des collectivités locales, mais plusieurs facteurs laissent attendre une baisse moins forte, voire une stabilisation". A cela, plusieurs raisons : la fin de l'effet cycle électoral, la reconstitution d'une capacité de financement qui peut être mobilisée cette année, les "conditions de financement favorables" (taux bas et offre abondante), mesures de soutien mises en place par le gouvernement…
Ceci vaudra toutefois plutôt pour le bloc local. Car les régions seraient davantage occupées cette année "à la mise en place des nouvelles gouvernances issues des fusions" tandis que les départements verraient leur situation continuer de se dégrader et seraient de surcroît "dans l'attente des modalités concrètes des transferts de compétences" vers d'autres échelons territoriaux.
S'agissant des dépenses de fonctionnement, le rapport évoque un "ralentissement modéré", notamment pour les dépenses "de personnel, d'achats de biens et services et de subventions versées". Pour les dépenses de personnel, la Cour relève toutefois que l'impact des mesures salariales décidées par le gouvernement sur les rémunérations des agents territoriaux "rendra plus difficile la maîtrise de la masse salariale des collectivités".
Traçant, enfin, des "perspectives" pour la période 2017-2018, la Cour rappelle naturellement que la donne a légèrement changé depuis que François Hollande a annoncé le 2 juin la diminution de 1 milliard de la réduction des dotations versées au bloc local. La réduction totale des dotations aux collectivités sera donc de 2,7 et non plus de 3,7 milliards. Elle dit craindre de ce fait que cela ne conduise les collectivités à réduire d'autant "leurs efforts de modération des dépenses".

 

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