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PLF 2014 - Coup de pouce aux départements, dotations... Le gouvernement précise ses intentions

L'audition de Marylise Lebranchu et Anne-Marie Escoffier le 28 octobre par les commissions des finances et des lois de l'Assemblée a permis un tour d'horizon de l'actualité finances locales. Côté départements, les ministres ont notamment évoqué les modalités liées à la possible hausse des droits de mutation. Côté bloc local, il a entre autres été question de DSR, de baisse des dotations... et du Fpic, sachant que les deux commissions ont adopté le même jour plusieurs amendements modifiant les règles de ce fonds de péréquation.

Les finances départementales ont occupé une place non négligeable dans les échanges qu'ont eus le 28 octobre les ministres en charge de la décentralisation, Marylise Lebranchu et Anne-Marie Escoffier, avec les députés des commissions des finances et des lois sur les crédits de la mission "Relations avec les collectivités territoriales" du projet de budget pour 2014.
La faculté pour les départements d'augmenter pendant deux ans, à partir du 1er mars prochain, la taxation sur les transactions immobilières (droits de mutation à titre onéreux, ou DMTO) dans la limite de 4,5% - au lieu de 3,8% aujourd'hui – a notamment été mise sur la table. Les présidents de conseils généraux avaient salué en juillet dernier cette décision du gouvernement destinée à aider les départements à faire face à leurs dépenses sociales (lire notre article du 16 juillet 2013). Mais lors du congrès de l'Assemblée des départements de France, le 10 octobre à Lille, ils ont été nombreux à s'inquiéter : si la hausse de la taxe n'est pas rendue obligatoire, on peut douter que la mesure génère 1,3 milliard d'euros, comme escompté (lire notre article du 10 octobre 2013). Les élus ont donc appelé à une modification du projet de loi de finances.
Or Marylise Lebranchu n'entend pas donner son feu vert. "Les DMTO pourront être déplafonnés, mais ce ne sera pas imposé : cette décision relèvera de la responsabilité de chaque département", a-t-elle souligné lors de son audition devant les députés. "Nous accordons beaucoup d'importance au principe d'autonomie fiscale des collectivités locales, et nous ne souhaitons pas non plus d'augmentation globale des prélèvements obligatoires sur le territoire", a-t-elle encore fait remarquer. La ministre déléguée Anne-Marie Escoffier a abondé dans ce sens, évoquant "une faculté offerte aux départements qui en ont besoin".
Sur cette question des DMTO, Marylise Lebranchu a aussi appelé à être vigilant quant au niveau des montants prélevés sur les recettes des départements les plus dotés - tels que les Hauts-de-Seine ou Paris - dans le but d'être redistribués aux départements les plus démunis. Les prélèvements "devront être plafonnés, afin que les collectivités contributrices ne soient pas à leur tour en difficulté", a-t-elle indiqué.

DSR pour les bourgs-centres : "pas de révolution" en vue

Anne-Marie Escoffier a donné des signes d'ouverture sur un autre dossier. Il s'agit de l'évolution de la définition du potentiel fiscal des départements demandée par plusieurs d'entre eux. Ceux-ci estiment être pénalisés depuis qu'à la suite de la suppression de la taxe professionnelle, de nouvelles règles ont été instituées dans ce domaine. "Nous nous préoccupons fortement de modifier la définition", a déclaré la ministre déléguée, qui entend sur ce sujet "rapprocher les points de vue des uns et des autres".
S'agissant, enfin, du fonds de péréquation des départements de la région Ile-de-France créé par le projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale en cours d'examen, Anne-Marie Escoffier a annoncé qu'"un amendement va être déposé dans le courant même de cette semaine". Cet amendement, qui a vocation à compléter la seconde partie du projet de loi de finances, précisera les règles de fonctionnement du dispositif.
Comme sur les finances des départements, les ministres ont apporté de petites précisions sur les finances des communes et de leurs groupements, parfois sur des sujets dépassant le strict cadre du projet de loi de finances. Ainsi, interrogée sur l'avenir de la fraction de la dotation de solidarité rurale (DSR) réservée aux bourgs-centres, Marylise Lebranchu a répondu que la question "ne se pose pas pour l'année 2014". Le gouvernement va toutefois "l'examiner de près à brève échéance". Certains élus craignent que les communes qui perdront la qualité de chef-lieu de cantons du fait du redécoupage en cours de la carte cantonale perdent en même temps cette dotation. La ministre a voulu les rassurer : "En tout état de cause, nous ne souhaitons pas révolutionner le dispositif actuel."

Dotations : une baisse en 2016 n'est pas écartée

La ministre s'est par ailleurs engagée à "faire travailler" ses services sur la question des lourdes charges d'état civil qu'ont à supporter certaines petites villes de plus de 3.500 habitants qui accueillent un hôpital.
Saint-Priest-en-Jarez (6.000 habitants), est par exemple le lieu d'implantation du CHU de Saint-Etienne. L'établissement et la copie des actes de naissance et de décès pour les patients du CHU coûtent 300.000 euros à la commune. "Nous devons étudier comment mieux répartir la charge de l'état civil sans alourdir le budget de l'Etat", a déclaré Marylise Lebranchu, en proposant la piste d'une solution via l'intercommunalité. Régis Juanico, député socialiste de la Loire, avait auparavant dit à la ministre qu'il déposerait avec plusieurs collègues un amendement lors de l'examen, en 2014, du deuxième texte relatif à la décentralisation (sur ce sujet, lire aussi notre article du 23 mai 2011).
Interrogée aussi sur les moyens de la "mission de préfiguration" du Grand Paris qui devra, d'ici le 31 décembre 2014, préciser les modalités juridiques et financières de la création de la métropole, la ministre a indiqué qu'elle espérait pouvoir présenter des propositions "soit lors de l'examen [du projet de loi de finances] par le Sénat, soit pour la discussion du projet de loi de finances rectificative [qui aura lieu en décembre]". "On fera sans doute le tour de table des financeurs pour voir qui peut y participer et surtout voir quel est le bon périmètre pour la première année", a-t-elle indiqué. Elle a assuré cependant que les services de l'Etat fourniraient toutes les données et simulations utiles.
On retiendra, enfin, que le gouvernement n'exclut pas, à ce jour, la poursuite après 2015 de la réduction des dotations de l'Etat aux collectivités territoriales. En réponse à une question du socialiste Olivier Dussopt demandant si, comme l'avait laissé entendre le gouvernement, "la ponction" sur les collectivités serait "suspendue" après 2015 en cas de retour de la croissance économique et de réduction du déficit public, Anne-Marie Escoffier a déclaré : "Aujourd'hui, dire que l'Etat s'y engage ne serait pas très raisonnable."

Thomas Beurey / Projets publics

 

En commission, les députés font évoluer le FPIC

Les députés de la commission des lois d'une part et leurs collègues de la commission des finances d'autre part ont adopté le même jour, le 28 octobre, plusieurs amendements au projet de loi de finances qui pourraient, s'ils sont gravés dans le marbre de la loi, modifier assez sensiblement les règles du fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales (Fpic) , qui sera doté en 2014 de 570 millions d'euros.

Les prélèvements au titre du fonds pèseraient davantage sur les ensembles intercommunaux les plus favorisés, puisque seuls les territoires dont le potentiel financier agrégé (un indicateur mesurant la richesse d'un ensemble intercommunal) est supérieur à 100% du potentiel financier agrégé moyen seraient sollicités (alors qu'aujourd'hui la barre est fixée à 90%). De plus, les communes situées dans des ensembles intercommunaux contribuant au Fpic seraient exonérées de prélèvement dès lors que leur potentiel financier par habitant est inférieur à 90% du potentiel financier communal moyen par habitant. Si la disposition est votée en séance, a priori plus aucune commune pauvre ne contribuerait au Fpic, alors qu'aujourd'hui, certaines subissent une ponction. Ce défaut du dispositif avait été identifié dès 2012.
Par ailleurs, il pourrait être mis fin au problème via un autre amendement adopté en commission par les députés. Il s'agit d'assouplir les conditions de l'adoption par les conseils élus d'une répartition des prélèvements et des reversements du Fpic selon des règles définies localement. Aujourd'hui, la condition d'un vote unanime du conseil communautaire peut constituer un obstacle. Demain, il suffirait d'un vote favorable du conseil communautaire (à la majorité des deux tiers) et des communes (à la majorité qualifiée, c'est-à-dire les conseils municipaux des communes membres représentant la moitié de la population totale de celles-ci ou la moitié des conseils municipaux des communes membres représentant les deux tiers de la population totale).
Les conditions pour bénéficier du Fpic seraient par ailleurs rendues plus strictes. Alors que le projet de loi prévoit de faire passer le minimum de l'effort fiscal de 0,75 à 0,85, les députés ont porté celui-ci à 0,9. Autrement dit, ils appellent les territoires où les taux de fiscalité sont bas à recourir d'abord au levier fiscal avant de bénéficier de la solidarité nationale. Avec le seuil qui a les faveurs des députés, 167 ensembles intercommunaux et communes isolées ayant perçu le Fpicen 2013, seraient mis sur la touche en 2014, soit 10% des bénéficiaires. Le seuil de 0,85 ferait 71 "perdants" de moins.
Lors de son audition le 28 octobre par les députés des commissions des lois et des finances, la ministre en charge de la Décentralisation, Marylise Lebranchu s'est dite d'accord sur le fond avec les députés. Mais au final, son avis est défavorable. L'amendement "serait en effet difficilement acceptable à quelques semaines de la nouvelle année fiscale et de l'achèvement de la nouvelle carte intercommunale", a-t-elle estimé. En concluant qu'"il conviendrait que les communes soient prévenues avant le vote de leur budget".
Les députés ont débuté le 29 octobre l'examen en séance publique de la seconde partie du projet de budget pour 2014, qui doit durer jusqu'au 15 novembre prochain.

T.B.