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Coronavirus : visites suspendues en Ehpad, vigilance des associations sur les publics fragiles

Le gouvernement a décidé de suspendre l'intégralité des visites de personnes extérieures dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes. L'Uniopss fait part des "inquiétudes" des structures associatives, la Fédération des acteurs de la solidarité demande que les places d'hébergement hivernales pour sans-abri soient maintenues. 

Le gouvernement a décidé de suspendre l'intégralité des visites de personnes extérieures dans les établissements d'hébergement des personnes âgées, particulièrement vulnérables au coronavirus, a-t-il annoncé ce mercredi 11 mars.
"Au regard des dernières données épidémiologiques à jour, afin de ralentir la propagation de l'épidémie et de protéger les personnes les plus vulnérables, le gouvernement a décidé de renforcer les restrictions de visite dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées", indique-t-il dans un communiqué.
A compter de ce mercredi, "l'intégralité des visites de personnes extérieures à l'établissement est suspendue dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et les unités de soins de longue durée (USLD)", situées dans les hôpitaux. Dans les résidences autonomie, les visites sont fortement déconseillées.
Toutefois, des exceptions pourront être décidées pour des cas déterminés par le directeur d'établissement, en lien avec l'agence régionale de santé et la préfecture, est-il précisé. Cette mesure, "exceptionnelle, sera levée dès que la situation le permettra", a ajouté le gouvernement, qui avait déjà réduit ces dernières semaines "au strict nécessaire" les visites aux personnes âgées.
"En les protégeant, on évite des formes graves, ce qui va être important pour que le système de santé ne soit pas trop embouteillé" a justifié mercredi matin le professeur Jean-François Delfraissy, président du comité national d'éthique, qui relève que "la mortalité globale de 1% est nettement supérieure, autour de 12%, pour les personnes âgées de 80 ou 90 ans". Mais le professeur Gilles Deray, chef du service néphrologie à la Pitié-Salpêtrière, se dit pour sa part surtout "inquiet pour nos anciens, déjà seuls, qu'il ne faut plus ni voir ni toucher de peur de les tuer: ils mourront plus vite mais de solitude".

"Le plus dur est devant nous"

Le dernier bilan officiel de l'épidémie de coronavirus en France fait état de 33 décès sur les 1.784 cas confirmés, parmi lesquels 86 malades en réanimation. Toutes les personnes décédées sont des adultes et pour 23 d'entre elles étaient âgées de plus de 75 ans.
Face à cette crise, qu'il a qualifiée "d'exceptionnelle", Emmanuel Macron fera une déclaration télévisée jeudi soir à 20h, à trois jours du premier tour des municipales.
"Le plus dur est devant nous", a prévenu Jean-François Delfraissy. Pour ce spécialiste des maladies infectieuses, "la question essentielle pour les semaines qui viennent (sera) le pourcentage et le nombre de formes graves" nécessitant une prise en charge notamment en réanimation.
Pour les municipales, le ministre de la Santé Olivier Véran a rappelé que du gel hydroalcoolique serait mis à disposition "à l'entrée et à la sortie" des bureaux de vote et que "les électeurs pourront apporter "leur propre stylo" pour émarger. Certaines communes ont déjà "décidé de procéder à un grand nettoyage des bureaux de vote avant l'élection". "Nous ferons en sorte que ce soit aussi le cas après, partout où c'est nécessaire", a assuré le ministre, en visite dans une école francilienne.
Les autorités font appel aux volontaires de la réserve sanitaire, pour renforcer les personnels de santé, "y compris des étudiants en médecine". L'Ordre des médecins et celui des infirmiers a convié ses adhérents à la mobilisation, notamment les professionnels en retraite depuis moins de cinq ans.

Les associations s'inquiètent de la prise en charge des personnes fragiles ou sans abri

L'Uniopss (Union nationale interfédérale des oeuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux) – qui regroupe 25.000 établissements, 750.000 salariés et un million de bénévoles – vient d'adresser, le 9 mars, un courrier à Édouard Philippe pour lui faire part des "inquiétudes" des structures associatives face à la mise en œuvre des mesures pour enrayer la progression du Covid 19.
Dans son courrier, l'Uniopss explique que "les associations – des secteurs de la lutte contre l'exclusion, des personnes âgées et handicapées, de l'aide et du soin à domicile, des addictions, de la santé, de la petite enfance et de la protection de l'enfance – sont pleinement mobilisées et attentives aux consignes du gouvernement, et en premier lieu celles du ministère des Solidarités et de la Santé". Mais, si toutes les structures "s'appliquent à mettre en œuvre les règles édictées", elles font aussi remonter la difficulté à les déployer, "bien souvent faute de matériel et d'équipements (masques, gel hydro-alcoolique) ou faute de personnel suffisant". L'approvisionnement en équipements constitue ainsi "une préoccupation majeure" pour la mise en œuvre des mesures de prévention et des gestes barrières. Faute de stocks, certains établissements craignent même des ruptures d'approvisionnement.
S'ajoutent à cette crainte les difficultés que pourrait engendrer une multiplication des mesures de confinement des enfants (fermetures d'écoles et d'établissements scolaires). Ces mesures ont en effet pour conséquence l'absence des salariés concernés, "qui ne permettrait pas d'assurer une continuité de l'activité". Selon l'Uniopss, ces difficultés semblent déjà se concrétiser dans les structures situées dans les zones à risques.
Au-delà de ces inquiétudes de portée générale, l'Uniopss exprime également des craintes particulières sur le sort des publics fragiles : personnes âgées, malades chroniques, personnes à la rue... Celles-ci sont en effet "particulièrement vulnérables en cas d'extension probable de l'épidémie". Confrontées à la saturation des sources officielles (numéros verts ou boîtes mail des cellules de crise), "elles se tournent vers les fédérations et les têtes de réseaux".
L'Uniopss salue toutefois "le rendez-vous hebdomadaire fixé au ministère des Solidarités et de la Santé et qui devrait, à notre sens, concerner tous les secteurs, y compris l'accueil hébergement insertion".

D'autres associations de lutte ont demandé pour leur part demandé au gouvernement que les sans-abri hébergés pendant l'hiver ne soient pas remis à la rue au 31 mars. "Il serait inconcevable que l'Etat ferme des places d'hébergement dans ce contexte de crise sanitaire", a expliqué à l'AFP Florent Gueguen, directeur général de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS), qui regroupe 800 associations. Avec d'autres organisations d'aide aux plus démunis dont la Fondation Abbé Pierre, Emmaüs ou encore l'Armée du Salut, la fédération a adressé lundi une lettre au ministre du Logement Julien Denormandie, demandant que les plus de 11.000 places d'hébergement hivernales soient maintenues et qu'aucun sans-abri ne soit remis à la rue sans solution d'hébergement après le 31 mars. En sachant que le 31 mars signe la fin de l'interdiction des expulsions locatives, mais aussi la fermeture des places supplémentaires dans les centres d'hébergement d'urgence pendant les périodes de froid. "Le problème est que le public SDF fait partie des plus à risque face aux virus, car souvent atteint de maladies chroniques et parfois vieillissant", explique Florent Gueguen.
Des instructions ont été données aux centres d'hébergement par la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS), mais selon les associations, elles sont "très difficiles à mettre en oeuvre" sur le terrain. Quasiment aucune structure ne dispose par exemple de chambre individuelle pour appliquer des mesures de confinement en cas de personnes infectées. "Et il n'y a pas ou peu de point d'eau accessible pour l'hygiène des personnes à la rue ou en campement", souligne Florent Gueguen.

Jean-Noël Escudié / P2C

 

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