Economie sociale et solidaire - Contrats à impact social : les deux premiers ont été signés, d'autres suivront
Les deux premiers contrats à impact social ont été signés le 24 novembre 2016 à Bercy par François Hollande, président de la République, Michel Sapin, ministre de l'Economie et des Finances, et Martine Pinville, secrétaire d'Etat chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire.
Les contrats à impact social sont la déclinaison française des "social impact bonds" développés dans plusieurs pays européens comme la Belgique, l'Angleterre ou les Pays-Bas. Ils consistent à faire financer des programmes sociaux innovants dans des secteurs tels que l'exclusion ou la dépendance, par des investisseurs privés qui sont remboursés par la puissance publique uniquement en cas de succès. "Ces contrats ne se substituent pas aux services publics mais ils répondent à des besoins sociaux aujourd'hui non couverts, a insisté Martine Pinville. C'est un outil qui permet la prise de risque et offre à l'Etat un rôle nouveau, de catalyseur de l'innovation sociale." Pour développer ces projets, le gouvernement avait lancé le 15 mars 2016 un appel à projets.
Le fonctionnement de ces contrats est simple : un opérateur social se présente avec un besoin identifié auprès de la population et non couvert. Il propose une action, avec des indicateurs d'évaluation de son impact social, trouve un investisseur privé pour financer cette action et propose sa candidature dans le cadre de l'appel à projets. Quand l'Etat sélectionne le projet, un expert externe et indépendant évalue l'action réalisée. Et si les objectifs ont été remplis, l'investisseur est remboursé par l'Etat. Il peut aussi recevoir une prime. "Les partenaires financiers s'engagent à financer l'action, ils supportent le risque, et les pouvoirs publics rémunèrent le service rendu et accordent une prime si le résultat est atteint", a expliqué François Hollande.
L'Adie et Impact Partenaires signent les premiers contrats
L'un des deux premiers contrats à impact social signés le 24 novembre concerne le projet "Regain" de l'Association pour le droit à l'initiative économique (Adie), mené avec la fondation Avril*. Il consiste à réinsérer durablement 320 personnes par l'activité économique en zone rurale et sera lancé en janvier 2017 dans l'Ariège, l'Allier, la Saône-et-Loire, la Nièvre, les Hautes-Alpes et les Alpes-de-Haute-Provence. Le coût maximal du contrat pour l'Etat est estimé à 1,5 million d'euros, incluant 195.000 euros de prime de succès en cas de dépassement des objectifs. Un évaluateur externe, KPMG, sera chargé de contrôler les résultats, six ans et demi après le début du programme.
L'autre contrat est porté par Impact Partenaires, un fonds d'investissement social dédié au financement de la création de commerces franchisés dans les quartiers de la politique de la ville. Le projet vise à créer sur cinq ans 1.500 emplois dans les quartiers, à travers le commerce franchisé, avec l'objectif de générer avec ces commerces un chiffre d'affaires global de 200 millions d'euros par an pour 200 entreprises. Il offre aux primo-entrepreneurs dans les quartiers défavorisés une formation gratuite et certifiante, la structuration juridique pour la création et l'exploitation de commerces franchisés et un accompagnement au recrutement local.
Le projet sera lancé en janvier 2017 dans les quartiers de la politique de la ville métropolitains. L'action sera évaluée au 31 décembre 2021. Le coût pour l'Etat pourra aller jusqu'à un million d'euros si les conditions sont remplies à savoir : le nombre d'entreprises créées (au minimum 200), le nombre d'emplois créés (au minimum 1.000) et le nombre de candidats ayant suivi le cycle complet de la formation (au minimum 350). "L'important, c'est que l'Etat mette de l'argent de manière significative sur ces projets, signale Mathieu Cornieti, président d'Impact Partenaires. En cas de réussite, il n'est pas prisonnier d'un contrat, et peut utiliser d'autres dispositifs pour développer le projet."
Expérimenter en limitant le risque financier
Pour l'Etat, il s'agit aussi d'expérimenter tout en limitant le risque financier. L'argent public n'est pas déboursé en amont et si les objectifs ne sont pas remplis, l'Etat ne rémunère pas l'investisseur privé. "Ce sont les partenaires financiers qui en subissent les conséquences", a insisté François Hollande.
Les opérateurs sociaux y trouvent quant à eux un nouveau moyen de financer leurs activités. "Les associations sont très largement financées par les pouvoirs publics et subissent des difficultés économiques liées à la baisse des subventions, a expliqué Christophe Itier, directeur général de La Sauvegarde du Nord. Soit on prend acte de ces difficultés et on répond moins aux besoins, soit on se saisit de toutes les expérimentations. Le contrat à impact social est un nouveau levier de financement de notre activité."
D'autres contrats à impact social devraient être signés, l'appel à projets se poursuivant jusqu'au 30 janvier 2017. "Cette technique de financement va être maintenant généralisée", a assuré le président de la République. Parmi les opérateurs ayant transmis leur candidature, trois autres ont été sélectionnés, dont les projets pourraient aboutir en 2017 : La Sauvegarde du Nord, afin d'intensifier l'action éducative en milieu ouvert pour réduire le nombre de placements d'enfants, Passeport Avenir, qui propose une méthode d'accompagnement innovante reposant sur du mentorat individualisé de professionnels du monde de l'entreprise pour faire émerger les talents issus de milieux populaires, et les Apprentis d'Auteuil, pour un programme qui vise à accompagner par de nouvelles formules des familles rencontrant des difficultés dans l'éducation de leurs enfants et faisant face à des conditions de vie précaires.
Emilie Zapalski
* La fondation Avril a pour mission de soutenir et faciliter l'entrepreneuriat et la création d'emplois générateurs de solidarités en milieu rural.