Contrats de ville : des propositions pour conforter et "mettre à jour" la politique de la ville
Installée par la précédente ministre déléguée à la Ville Nadia Hai, la Commission nationale chargée de la réflexion sur les prochains contrats de ville a récemment rendu publiques ses propositions. Elle appelle à réaffirmer la "mission républicaine" de la politique de la ville et à conforter globalement le cadre issu de la loi de programmation de 2014. Plusieurs ajustements et nouveautés sont proposés, dont la création d’un volet investissement "Cœur de quartier" dans les contrats de ville et le remplacement des conseils citoyens par des "conseils d’initiative citoyenne". Les membres de la commission relayent par ailleurs les préoccupations des élus sur la nécessité de financements pluriannuels et la vigilance à apporter sur des quartiers situés en dehors de la géographie prioritaire.
La politique de la ville est "le premier kilomètre de la promesse républicaine dans les quartiers", pour les auteurs du rapport de la Commission nationale chargée de la réflexion sur les prochains contrats de ville, récemment rendu public. "S’ils ne constituent pas les seuls territoires de pauvreté, la moitié de la population pauvre en France réside toutefois dans ou à proximité immédiate de ces 1.514 quartiers", rappellent-ils, ajoutant que le taux de pauvreté y est "trois fois plus important qu’ailleurs (44,7% contre 14,6%)". Ainsi "à l’heure où beaucoup d’idées reçues circulent sur les quartiers et jettent le doute sur l’efficacité de cette politique, certains allant même jusqu’à demander sa suppression, la Commission défend, avec ferveur et gravité, la nécessité de reconnaître de nouveau à la politique de la ville – et plus généralement à la politique de cohésion des territoires –, cette mission républicaine". De quoi donner du grain à moudre à Amélie de Montchalin, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, et à l’éventuel futur ministre délégué à la Ville qui pourrait être nommé après les législatives.
La politique de la ville "sur de bonnes bases depuis 2014"
Installée en novembre 2021 par Nadia Hai, ancienne ministre déléguée à la Ville, cette commission composée de 24 membres et co-présidée par Frédéric Vigouroux, maire de Miramas, Hélène Zannier, députée LREM de Moselle, et Claude Sicart, président de l’association Pôle S, appelle à "un Acte II de la politique de la ville" qui ne soit "ni un retour en arrière, ni un trait radical sur ces dernières années". La politique de la ville est "sur de bonnes bases depuis 2014", estiment les membres de cette commission qui recommandent de "conforter, améliorer et mettre à jour" le cadre d’action issu de la loi Lamy de 2014.
Ainsi, la méthode de définition de la géographie prioritaire, mise en place en 2014 et prorogée jusqu’à fin 2023, doit être conservée. La commission appelle à maintenir le critère unique, jugé "égalitaire et lisible", de la concentration de population à bas revenu. "Ce choix a permis de combiner une approche de ‘pauvreté’ à une approche de ‘ségrégation’", peut-on lire dans le rapport. La commission plaide simplement pour une actualisation tous les six ans afin de tenir compte des données les plus récentes. Elle propose également d’aligner le calendrier de ces mises à jour de la carte et des contrats de ville avec celui des mandats locaux.
Vigilance sur les "poches de pauvreté" hors géographie prioritaire
En revanche, dans les outre-mer, l’approche actuelle fondée sur "plusieurs critères du fait de l’absence de statistiques et de l’ampleur des spécificités locales" est jugée "insatisfaisante et inadaptée aux réalités et besoins locaux". La commission appelle donc à revoir les modalités de définition de la géographie prioritaire dans les territoires ultramarins.
Les auteurs attirent par ailleurs l’attention sur les "quartiers de veille active" (article 13 de la loi de programmation de 2014) qui "suscitent aujourd’hui l’inquiétude des acteurs de terrain" mais également sur des quartiers ruraux ou urbains qualifiés de "poches de pauvreté" où "tous les voyants sont au rouge" et pour autant hors géographie prioritaire. La commission estime nécessaire de permettre aux contrats de ville de programmer des actions pour les quartiers de veille active et propose la création d’un "fonds de prévention" qui serait destiné à des quartiers en difficulté hors géographie prioritaire.
Des financements pluriannuels et davantage de "sens" dans les contrats de ville
En matière de gouvernance, la commission recommande de "conforter et renforcer le trio préfet-EPCI-communes" et de confirmer le pilotage intercommunal du contrat de ville ainsi que la possibilité d’un contrat de ville communal dans les outre-mer. Elle propose toutefois de "prévoir la possibilité de confier par délégation de gestion le pilotage du contrat de ville à l’échelle communale dans le cas où seule une commune serait concernée". Pour "renforcer les synergies entre contrats de ville et projets de renouvellement urbain", il est proposé d’intégrer les organismes HLM aux signataires obligatoires du contrat de ville.
Relayant une préoccupation constante des élus et des associations, la commission appelle à prévoir des financements pluriannuels, ce qui conduirait à un "recours exceptionnel aux appels à projets nationaux" qui ne concerneraient plus que les "démarches expérimentales et/ou urgentes". Autre évolution jugée souhaitable : "l’intégration des dispositifs ‘Cités’ [éducatives, de l’emploi, de la jeunesse… voir notre article, ndlr] dans les contrats de ville après avoir fait l’objet d’une évaluation et d’une négociation locale". Les collectivités seraient à leur tour tenues d’offrir de la lisibilité aux associations et aux bailleurs, avec notamment une approche pluriannuelle des programmations liées à l’abattement de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB).
Les auteurs du rapport insistent aussi sur la nécessité de remettre du sens dans des contrats de ville qui se seraient "technocratisés", en prévoyant pour chaque quartier prioritaire un projet de développement fixant les objectifs à atteindre en six ans et les moyens pour y parvenir. Pour cela, les territoires doivent avoir accès à davantage d’ingénierie, selon la commission qui liste plusieurs pistes – renforcement des dispositifs de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) ou encore de la Caisse des Dépôts, mécénat de compétences, développement des volontariats territoriaux en administration, désignation d’un référent administratif dans chaque France services en QPV pour soutenir les associations, etc.
Refléter la diversité des formes de mobilisation citoyenne
Il est par ailleurs demandé de "reconnaître et faire confiance aux forces vives des territoires", ce qui passerait notamment par un assouplissement du cadre de la participation citoyenne en remplaçant les conseils citoyens par des "conseils d’initiative citoyenne" représentatifs d’une diversité d’initiatives émanant du territoire (conseils citoyens, mais aussi tables de quartier, conseils de quartier, etc.). D’autres idées sont mises en avant pour renforcer la participation citoyenne, dont la mise en place d’un "fonds d’initiative citoyenne adossé aux contrats de ville". Plusieurs pistes ont également trait au soutien aux associations et aux synergies à nouer avec les entreprises et les fondations.
La commission formule en outre la proposition de doter les contrats de ville d’un volet investissement "Cœur de quartier" pour donner des marges de manœuvre aux collectivités en matière d’aménagement, d’équipements publics et de développement économique.
Enfin, pour "réhabiliter l’image de la politique de la ville", la commission appelle à "objectiver la réalité des quartiers pour mieux les connaître et les comprendre", par la production accrue de données quantitatives et qualitatives. Un suivi plus précis de la mobilisation des crédits de droit commun est également demandé, ainsi que la relance et la déclinaison territoriale des conventions d’objectifs interministérielles afin d’"identifier pour chaque politique publique les quartiers prioritaires les plus carencés". Pour la commission, il importe aussi de mieux évaluer la politique de la ville, à partir d’un référentiel commun "national et départemental, coconstruit avec les partenaires du contrat de ville".
Plus de crèches, de maisons de santé et de policiers, plafond de logements sociaux... dans un rapport publié le 2 juin intitulé "L'avenir se joue dans les quartiers pauvres, 24h dans la vie d'un habitant", l'Institut Montaigne égrène 31 propositions pour améliorer les conditions de vie dans les quartiers populaires. Les co-auteurs, Hakim El Karoui, contributeur régulier de cet institut à tendance libérale, et Olivier Klein, président de l'Agence nationale de rénovation urbaine (Anru), maire de Clichy-sous-Bois et soutien d'Emmanuel Macron, chiffrent le coût de leurs propositions à 2 milliards d'euros annuels, plus 300 millions d'investissement ponctuel. |