Service public - Contrat de La Poste : les maires ruraux circonspects
Difficile de mobiliser les troupes en période estivale. Les syndicats venus à Bercy, mardi 22 juillet, défendre le statut de La Poste n'étaient pas en nombre. Une simple banderole barrait la sortie : "Touche pas à La Poste." Mais rendez-vous est pris pour septembre. Le président de La Poste, Jean-Paul Bailly, a en effet expliqué, lors de la signature avec l'Etat du contrat de service public 2008-2012, qu'il présenterait à la rentrée son projet de changement de statut. "Il est bien naturel que La Poste réfléchisse à son avenir dans le cadre d'un marché ouvert. S'il est opportun qu'elle devienne une société anonyme, il faut y réfléchir", a déclaré la ministre de l'Economie, mais à deux conditions : "La Poste demeurera une entreprise publique et les missions de service public sont non négociables." Jean-Paul Bailly a rappelé ces quatre missions : service postal universel, transport et distribution de la presse, accessibilité bancaire et aménagement du territoire. D'ailleurs, le secrétaire d'Etat à l'Aménagement du territoire, Hubert Falco, avait fait le déplacement pour parapher le contrat. "Nous veillerons à ce que l'ensemble des engagements soient tenus sur tout le territoire", a-t-il déclaré. Des engagements qui devraient coûter au total 816 millions d'euros à La Poste après compensation de l'Etat.
Fonds de péréquation
Elaboré avec les suggestions des trois principales associations d'élus (AMF, ADF et ARF), le contrat compile en réalité une série de textes ou contrats signés avec l'Etat ou les collectivités ces dernières années. A commencer par la loi postale du 20 mai 2005 qui donne la garantie pour tout citoyen d'avoir une poste près de chez lui. Le texte prévoit qu'au moins "90% de la population doit avoir accès à un point de contact de La Poste à moins de 5 km et à moins de 20 minutes de trajet automobile de son domicile". "Dans certains départements comme la Sarthe, l'Hérault et l'Isère, on atteint les 98% de la population", s'est félicitée Christine Lagarde. Le contrat prévoit également une diminution du temps d'attente dans les 1.000 plus grands bureaux. En revanche, il ne fait pas référence explicitement au maintien des 17.000 points de contacts (bureaux ou équivalents) déployés sur le territoire, un maintien pourtant mentionné dans le contrat de présence postale signé entre l'Etat, La Poste et l'Association des maires de France (AMF) en novembre dernier. De son côté, l'Etat "s'engage à trouver des solutions garantissant la stabilité du fonds postal de péréquation territoriale" créé en 2005 pour soutenir La Poste dans ses obligations d'aménagement du territoire, soit environ 144 millions d'euros par an. Mais le surcoût de cette mission d'aménagement du territoire est d'environ 399 millions d'euros. Il reste donc un manque à gagner de 255 millions d'euros à la charge de l'opérateur. Seule solution : réduire les coûts en remplaçant les bureaux les moins rentables par des points relais dans les commerces ou des agences postales communales (APC). Ce qui nécessite l'accord des élus, dans le cadre de "diagnostics partagés". Or maires et les commerçants approuvent la formule à 94%, selon un sondage TNS Sofres réalisé en juin 2008. C'est mieux qu'il y a deux ans.
3.731 agences postales communales
Vanik Berberian, le président de l'Association des maires ruraux de France (AMRF), dénonce une argutie. "De nombreux maires voient l'ouverture d'une agence postale communale comme un moindre mal, juge-t-il. Le fonds de péréquation aurait dû servir à maintenir des bureaux de plein exercice et non à financer les agences postales ou les relais postaux." "Lorsqu'on évoque les 17.000 points de contacts, il est intellectuellement un peu douteux de ne jamais faire la distinction entre les trois formules", poursuit le maire de Gargilesse-Dampierre (Indre). Or, la tendance est nette : le nombre de relais postaux et d'agences postales communales ne cesse d'augmenter au détriment des bureaux de plein exercice. Ils sont aujourd'hui respectivement 1.497 et 3.731 et sont passés de 9 à 30% du total en deux ans.
Autre sujet d'inquiétude : le service postal universel, autrement dit, la distribution du courrier. Celle-ci doit être assurée six jours sur sept à un tarif identique pour tous. Or, le contrat de service public intervient à une période charnière puisque, conformément à la directive postale adoptée en début d'année, au 1er janvier 2011, le marché du courrier sera totalement ouvert à la concurrence : le dernier verrou du courrier de moins de 50 grammes sautera. Avec l'arrivée de nouveaux opérateurs, la question du financement du surcoût que représente ce SPU va également se poser. Là encore, l'Etat s'engage à "mettre en place un dispositif permettant d'assurer un financement du service universel, pérenne, économiquement efficace". Ce sera l'enjeu de la transposition de la directive européenne. Rendez-vous au Parlement au printemps 2009.
Michel Tendil