Congrès des maires – Violences contre les élus : "Il ne faut rien céder"
Alors que les atteintes aux élus devraient connaître une nouvelle augmentation de 15% en 2023, que certains sont gagnés par l'envie de démissionner, l'Association des maires de France serre les rangs et appelle ses membres à ne rien céder. Elle les encourage aussi à porter systématiquement plainte.
"Je n'ai jamais connu ce climat de violence à l'égard des élus." Intervenant jeudi 23 novembre, lors du 105e Congrès des maires intitulé "Communes attaquées, République menacée", le sénateur du Rhône François-Noël Buffet, président de la commission des Lois, a souligné la gravité de la situation. "Il n'y a plus beaucoup de limites", a-t-il dit, rappelant l'épisode de Saint-Brevin-les-Pins (Loire-Atlantique) où "la violence est allée très loin", conduisant à la démission du maire en mai dernier. En 2014 et 2020, certaines villes ont eu "énormément de difficultés à trouver des candidats". Et depuis 2020, "4% des maires, soit 1.300, ont rendu leur mandat", a alerté l'auteur de la proposition de loi renforçant la sécurité des élus locaux et la protection des maires, votée à l'unanimité par le Sénat le 10 octobre (voir notre article du 11 octobre).
Un tiers des maires a fait l'objet de menaces ou d'injures, selon l'enquête annuelle AMF-Cevipof présentée en ouverture de ce congrès (voir notre article du 20 novembre). Signe des temps, pour la première fois, la traditionnelle séquence "sécurité" de ce congrès n'était pas consacrée à l'insécurité des habitants mais à celle des élus, sur le thème : "Violences faites aux élus, au-delà des mots, l'urgence d'une réponse efficace". Mais le message de l'Association des maires de France est de "ne rien céder". "Il faut tenir droit", a clamé haut et fort Laurent Laroche, maire de Bélâbre, une commune de 950 habitants, dans l'Indre, dont l'histoire, ressemble à celle de Saint-Brevin. Lui aussi est victime de menaces et d'intimidations depuis la décision du conseil municipal en février dernier de créer un centre d'accueil pour demandeurs d'asile dans une ancienne chemiserie. "Il y a un déferlement", a-t-il témoigné : appels téléphoniques, SMS, tracts, emails… "J'ai eu du mal à tenir", a-t-il confié, expliquant avoir eu recours au soutien psychologique de l'association France victime qui, à partir de lundi lance un nouveau numéro pour les maires ouvert sept jours sur sept (01 80 52 33 84). "Il faut en parler." "Même si j'ai pensé démissionner au creux de la vague, j'ai dit non, c'est céder." Même volonté chez Joséphine Kollmannsberger, maire de Plaisir (32.000 habitants), dans les Yvelines qui, elle, a eu maille à partir avec les dealers d'un quartier politique de la ville. L'opération de rénovation urbaine de ce quartier n'a pas plu à tout le monde : le jour de la délibération, "une trentaine de personnes cagoulées se sont agglutinées derrière les vitres pour nous faire arrêter". Leur tentative d'intimidation a duré trois quarts d'heure. "C'est une violence très forte. Il est hors de question qu'on lâche devant ça."
Nouvelle augmentation de 15% en 2023
Dans le contexte de crises sociales à répétition, ces exemples deviennent monnaie courante. L'an dernier les atteintes aux élus avaient bondi de 32%, avec 2.265 faits recensés (voir notre article du 16 mars). Un niveau déjà dépassé, avec 2.387 atteintes recensées au 12 novembre, selon les statistiques dévoilées par Dominique Faure, ministre délégué chargée des collectivités territoriales et de la ruralité, dans le Journal du dimanche, le 19 novembre. "La tendance est à +15% par rapport à 2022", a indiqué Hélène Debiève, sous-préfète en charge de la cellule d'analyse et de lutte contre les atteintes aux élus (Calaé). Six victimes sur dix sont des maires et huit sur dix des élus municipaux. La majorité de ces faits concerne des menaces, outrages ou insultes. Les violences physiques restent minoritaires et plutôt stables. "Un des sujets pour 2024 que nous allons renforcer, ce sont les atteintes cyber", a expliqué la sous-préfète.
Le gouvernement n'est pas resté les bras croisés. Depuis la mort du maire de Signes (Var) en 2019, on ne compte plus les circulaires envoyées par le Garde des Sceaux aux parquets, jusqu'au plan national lancé le 17 mai et complété le 17 juillet, à la suite des émeutes du début de l'été. Plan qui s'est traduit par la création du Calaé (dont le premier but est de compiler toutes les données pour les analyser mais aussi d'agir en lien avec les préfets et d'accompagner les élus sur le long terme) et d'un "pack sécurité" (déploiement de 3.400 référents "atteintes aux élus" dans les gendarmeries et commissariats, dispositif "alarme élu"….). L'un des enjeux aujourd'hui est d'inciter les élus à porter plainte, alors qu'ils sont encore une minorité à le faire, a témoigné Thierry Dran, procureur de la République de Béthune (Pas-de-Calais).
"Il faut toujours un dépôt de plainte", a aussi insisté Jean-Paul Jeandon, maire de Cergy (Val-d'Oise) et co-président de la commission sécurité de l'AMF. "On essaie de libérer la parole", a abondé Murielle Fabre, secrétaire générale de l'AMF qui, dès 2019, avait créé son propre observatoire. Mais certains maires "se sentent démunis" et "ne se sentent pas entendus", a-t-elle regretté, appelant le gouvernement à "homogénéiser l'ensemble des mesures" sur le territoire et à "accompagner nos élus de manière systématique". "Il y a encore 10% de maires qui ne se sentent pas en sécurité dans ce pays, on doit aller chercher ce sentiment d'insécurité", a affirmé Dominique Faure appelant les maires à faire en sorte que leurs plaintes soient bien "caractérisées". C'est-à-dire assorties du "plus d'éléments possibles". Elle a aussi déclaré vouloir l'adoption au plus vite de la proposition de loi de François-Noël Buffet à l'Assemblée, d'ici décembre ou janvier.