Congrès des maires – La lutte contre les violences faites aux femmes doit "remobiliser" les acteurs

Quelques initiatives "de terrain" visant à renforcer l'efficacité des politiques de lutte contre les violences faites aux femmes ont été présentées le 21 novembre au Congrès des maires. Dans un contexte où les violences faites aux femmes continuent de croître, Salima Saa, secrétaire d'État chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, a fait savoir ce jour-là que le gouvernement dévoilerait de nouvelles mesures ce lundi 25 novembre - ce qui a effectivement été le cas. Des annonces déterminantes quand on sait que les chiffres de 2023 montrent une augmentation de 10% des victimes de violences conjugales sur un an.

L'Association des maires de France (AMF) a désigné la prévention et la lutte contre les violences faites aux femmes comme la grande cause du mandat municipal 2020-2026. Le sujet n'a toutefois manifestement pas été vraiment prioritaire durant ce Congrès des maires 2024 : il lui a consacré une petite heure, jeudi 21 novembre au carrefour des grands auditoriums, pour présenter les initiatives du Conseil départemental de l'Essonne, de France Victimes, de l'Union nationale des familles de féminicide ainsi qu'un certain nombre de témoignages. 
Si la parole s'est libérée, le fléau n'est pas encore endigué, loin de là. "Les maires sont toujours confrontés à ces violences", a rappelé Édith Gueugneau qui co-préside le groupe de travail "Égalité femme/homme" au sein de l'AMF, aux côtés de Cécile Gallien. 
Chaque jour en France, plus de trois femmes sont victimes de féminicide ou tentative de féminicide conjugal, selon les données portant sur l’année 2023 de la mission interministérielle pour la protection des femmes (Miprof), publiées mardi 19 novembre. En 2023, 93 femmes ont été victimes de féminicide, 319 victimes de tentatives de féminicide et 773 victimes de harcèlement par conjoint ou ex-conjoint ayant conduit au suicide ou à sa tentative, soit 1.185 femmes victimes au total, selon ce rapport annuel. On le voit donc, la tendance n'est pas à la baisse. Côté services de sécurité, la dernière note du SSMSI, le service statistique du ministère de l'Intérieur, enregistre 271.000 victimes de violences conjugales en 2023, soit une augmentation de 10% sur un an. Depuis 2016, ce nombre a doublé "dans un contexte de libération de la parole et d'amélioration des conditions d'accueil des victimes", souligne le service (notre article du 8 novembre 2024).

Des annonces gouvernementales le 25 novembre

Avant les échanges, Salima Saa a prononcé un discours appelant à une mobilisation collective accrue. "Dès ma nomination, j'ai déclaré que je serai une secrétaire d'Etat de combat notamment contre toutes les violences faites aux femmes", a déclaré la secrétaire d'État chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes, faisant référence à mots couverts au procès des viols de Mazan dont chacun a pu entendre l'appel insistant de Gisèle Pélicot : "Il est temps qu'on change le regard sur le viol". Salima Saa l'avait fait savoir dès ce jeudi : "des annonces seront faites ce 25 novembre prochain (Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes), avec le ministre Paul Christophe sur les premières mesures qui vont être prises pour consolider et remobiliser l'ensemble des acteurs" (voir notre article de ce jour). Cette ancienne préfète de la Corrèze dit savoir que "les meilleures initiatives peuvent naitre du terrain" avec "des solutions concrètes et adaptées". 

"Mémo de vie"

Parmi ces solutions, l'outil numérique "Mémo de vie", présenté par la fédération France Victimes (130 antennes sur tout le territoire) vise à aider les victimes de violences répétées à documenter leurs expériences et à conserver des informations sensibles en toute sécurité. Disponible gratuitement en ligne, il propose un journal sécurisé, une bibliothèque de contacts utiles et une plateforme pour sauvegarder des documents personnels. Les collectivités peuvent s'impliquer en relayant cette initiative via des brochures et des affiches.

Déconstruire des a priori chez les collégiens 

De son côté, le conseil départemental de L'Essonne, en partenariat avec la gendarmerie départementale, vise les collégiens et intervient "sur les premières relations amoureuses pour déconstruire des a priori et des lieux communs" qui auraient tendance à se transmettre d'une génération à l'autre. Sa campagne de sensibilisation sur des violences dans les relations amoureuses chez les jeunes dans les collèges et structures départementales se fait à l'aide de 7 cartes et d'interventions présentant les situations-types de violences vécues par les collégiens. Par exemple le recto d'une carte affirme "Si elle/il me quitte, je ne suis plus rien" et le verso rectifie "Non quand je suis en couple, je reste moi avec mes idées, mon caractère, mes intérêts". Coût de l'opération de la publication des cartes pour la collectivité : 7.916 euros. 

"Un message unique par une porte d'entrée unique"

Cependant, l'action sur le terrain reste parfois entravée par une organisation en silo. Alice Carpentier, déléguée départementale aux droits des femmes en Essonne, plaide pour une approche intégrée. En poste depuis deux ans, elle invite les élus départementaux et communaux à se rapprocher de la délégation départementale aux droits des femmes et à l'égalité (DDFE). "On avait une confusion entre ceux qui détectent les victimes et ceux qui les accompagnent". Des actions ont été menées pour corriger : "un message unique par une porte d'entrée unique". Concrètement cela s'est traduit par un affichage dans tous les abris-bus de l'Essonne pour orienter les victimes.  

Savoir identifier une femme victime de violence

Christine Launois de l'Union nationale des familles de féminicides a insisté quant à elle sur la nécessité pour les élus locaux de détecter les signaux faibles de violence : violence psychologique, administrative, économique ou cyberviolence. "Les violences faites aux femmes commencent toujours par de la violence psychologique". Pour cela il faut nommer un élu référent en matière de VIF (Violences IntraFamiliales). Elle recommande aussi de mettre aussi à disposition un casier sécurisé sur le territoire de la commune dans lequel la victime va pouvoir mettre à l'abri des documents confidentiels. Elle préconise également de prévoir un/des hébergement(s) d'urgence et de se mettre en contact avec les hôteliers locaux pour en trouver. Les élus ont également pu entendre une représentante du Centre Hubertine Auclert, centre francilien pour l'égalité femmes-hommes qui rassemble à ce jour un réseau composé de 300 membres dont 151 associations et 129 collectivités locales. Elle a rappelé que le Centre pouvait intervenir auprès de toute collectivité volontaire (même au-delà de l'Ile-de-France) pour mettre en place une politique d'égalité femmes/hommes grâce à son pôle d'appui d'expertise aux collectivités.