Congrès des maires – Face à la contrainte budgétaire, les communes lorgnent vers la mutualisation des équipements sportifs
Si les moyens financiers de l'Agence nationale du sport sont globalement maintenus pour 2025, les communes doivent faire preuve d'inventivité pour financer et rénover leurs équipements sportifs. Elles sont de plus en plus nombreuses à penser à la mutualisation, notamment avec les équipements scolaires.
Alors que 1,5 million de Français supplémentaires ont demandé, à la rentrée de septembre, une licence sportive, toutes les collectivités se sont retrouvées avec un problème identique : comment accueillir ces nouveaux pratiquants dans des équipements vieillissants et en nombre insuffisant ? En ouverture du Congrès des maires, mardi 19 novembre, lors d'un débat intitulé "Politique sportive, saisir la balle au bond après les Jeux !", les participants ont tenté de résoudre l'équation.
Dans la salle, seul Mohamed Gnabaly, maire de L'Île-Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), une commune au cœur de l'organisation des Jeux, apparaît serein : "Je suis devenu du jour au lendemain le maire dont la ville a le plus haut taux d'équipements sportifs du département." À ses côtés, Noëlle Chenot, maire de Surzur (Morbihan) et coprésidente de la commission du sport de l'Association des maires de France (AMF), refroidit l'atmosphère : "On n'est pas tous logés à la même enseigne. C'est bien pour les communes qui ont bénéficié des Jeux, mais il ne faut pas oublier les 36.000 autres... C'est là que le problème du financement va être primordial. On a laissé beaucoup de monde sur le carreau et aujourd'hui, on n'a pas de créneau dans nos gymnases." Un constat partagé par l'autre coprésident de la commission du sport de l'AMF et maire de Chambly (Oise), David Lazarus : "Tous les forums de rentrée, dans toutes nos villes, ont fait le même constat d'une augmentation de 20 à 30% des demandes de licences. Malheureusement, il n'y a pas assez d'équipements pour pouvoir y répondre."
Des subventions de l'ANS "accessibles"
Sur la question du financement des équipements, David Lazarus prend sa casquette de président de l'Agence nationale du sport (ANS) par intérim et reconnaît que "l'ANS s'en sort plutôt pas mal, là où, plus globalement, les crédits du sport sont en baisse. On devrait pouvoir faire face cette année à l'ensemble de la seconde phase du Plan 5.000 équipements, qui vise à réaliser des équipements structurants et de proximité." De son côté, Frédéric Sanaur, directeur général de l'ANS, se félicite de la "stabilisation du budget de l'agence autour de 400 millions d'euros, contre 270 millions à son lancement il y a cinq ans".
Noëlle Chenot, peu suspecte de donner dans la langue de bois, y va aussi de son satisfecit : "L'ANS a apporté aux petites communes une grande chose qu'on a peu ailleurs : la possibilité de monter des projets de subvention acceptables par tous, sans avoir derrière une équipe municipale qui soit une bête de concours. Car s'il y a une chose que l'État a bien comprise, c'est que plus il nous complexifie l'affaire moins on est nombreux à remplir des demandes. Si le plan 5.000 équipements a si bien marché, c'est que tout le monde a pu remplir ces dossiers, c'était hyper accessible."
"On n'est pas là pour donner un avis consultatif"
Le débat tournerait-il au consensus mou ? Pas tout à fait. Car Noëlle Chenot est aussi présidente de la conférence des financeurs du sport de Bretagne, une instance censée incarner une nouvelle gouvernance du sport partagée qui s'est révélée un peu trop verticale : "Je me suis fait l'écho de plusieurs présidents de conférence des financeurs pour dire qu'on n'est pas là pour faire bonne figure et donner un avis consultatif face à une préfecture de région qui met ou non un véto et choisit certains projets au détriment d'autres. Notre préfet avait voulu mettre tout l'argent sur un seul projet de piscine, j'ai trouvé ça hallucinant. Ça a dû remonter car on nous a proposé une expérimentation : la conférence des financeurs allait proposer la répartition financière et le préfet ne ferait que valider ce que nous avions décidé. Nous avons départementalisé les enveloppes et chaque département a pu cibler ses besoins."
Être "dans le partage"
Cette bonne volonté ne suffit toutefois pas à garantir des niveaux d'aides à la hauteur des attentes des maires dans un contexte budgétaire contraint. Chaumont (Haute-Marne), commune de 21.000 habitants, possède, en raison de sa forte fonction de centralité, des équipements dignes d'une ville "d'au moins 70.000 habitants", selon sa maire, Christine Guillemy. Mais des d'équipements "en fin de vie, obsolètes et énergivores". En 2023, la commune a adopté un plan d'investissements sur dix ans à hauteur de 25 millions d'euros. Problème : "Lors du vote, nous avions parié sur un taux de subvention de 60%, raconte l'élue. Nous l'avons obtenu pour nos premiers équipements mais il va falloir qu'on revoie notre copie." Et le plan sur dix ans risque de s'étaler sur quelques années supplémentaires...
Face à ces contraintes budgétaires, les maires doivent désormais, selon les termes de David Lazarus, être "dans le partage" et "un peu inventifs". Au Congrès des maires, il a donc beaucoup été question de mutualisation. "C'est forcément une voie, confie Noëlle Chenot, on n'a pas le choix. Déjà avec le ZAN [zéro artificialisation nette], il n'est plus possible [de construire], a fortiori si on dépend de la loi Littoral."
"Dans les lycées publics, c'est compliqué"
Quand on parle de mutualisation des équipements sportifs, les regards se tournent d'abord vers les établissements scolaires. Mais avec l'Éducation nationale, le consensus des acteurs du sport n'est plus tout à fait au rendez-vous. "Pour ceux qui ont un établissement du second degré, c'est une voie, mais une voie à forcer un peu", admet Noëlle Chenot. "Dans les lycées publics, c'est compliqué, renchérit David Lazarus. Les équipements sportifs sont au cœur des établissements et on a souvent des difficultés à trouver un modus vivendi." Heureusement, la diplomatie sportive est actuellement en pleine réussite. À Chaumont, la mairie a investi avec la région dans le gymnase d'un lycée... mais en dehors de l'établissement pour faciliter son utilisation par les clubs.
La mutualisation peut aussi se faire à travers les équipements propriétés des communes. Cette fois, c'est aux fédérations que les maires demandent un effort. "Arrêtez de changer les normes, s'emporte Noëlle Chenot, on en a ras le bol ! La pétanque se met à changer la taille de ses terrains, à un moment, on ne va plus s'en sortir. Certains sports doivent apprendre à travailler ensemble." Finalement, le sport est aussi capable de confrontations... on l'aurait presque oublié.