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Congrès de Régions de France - En matière de sécurité, des régions aussi en première ligne

Régions de France a consacré l’un des ateliers de son congrès à la sécurité, à laquelle plusieurs régions consacrent désormais d’importants moyens. Dans les transports – où les vols et violences repartent à la hausse, selon une étude du SSMSI – et les lycées, face à la cyberdélinquance ou plus largement en aidant les collectivités. "On ne traite pas la délinquance par secteurs", explique-t-on.

"Que vient faire la région sur la politique de sécurité ?", fait mine de s’interroger Renaud Pfeffer, vice-président de la région Auvergne-Rhône-Alpes chargé de la sécurité, en ouverture de l’atelier que Régions de France a consacré à ce thème, le 15 septembre, dans le cadre de son 18e congrès. Pour lui, la réponse est évidente : "Notre pacte social place la sécurité au premier rang des libertés et responsabilités de chacun d’entre nous." Y compris, donc, des régions. "On ne peut profiter de rien si la sécurité n’est pas assurée. C’est un préalable à toutes les activités", renchérit Julien Polat, maire de Voiron, ville de 20.000 habitants proche de Grenoble qui a doublé les effectifs de sa police municipale lors de son précédent mandat.

Pas de transports en commun sans sécurité

L’investissement des régions dans le domaine de la sécurité n’est non seulement plus tabou, mais désormais largement partagé (voir notre article du 24 mars 2021). Il a naturellement débuté avec la sécurisation des transports et des lycées, deux compétences régionales. "On ne peut promouvoir les transports publics sans lutter contre l’insécurité. Sans sécurité, c’est le retour rapide à la voiture individuelle", défend Renaud Pfeffer. Ce que le Covid a en partie démontré, pour des raisons de sécurité sanitaire (voir notre article du 17 avril 2020). Et de compléter : "Quand les parents confient leurs enfants à l’Education nationale, c’est pour qu’ils puissent étudier, s’épanouir, devenir des citoyens dans un lieu sanctuarisé. La région a fait beaucoup d’efforts en la matière. D’abord, tout le monde est tombé sur Laurent Wauquiez. Désormais, ce sont les chefs d’établissement qui font la demande", défend-il. "Le problème est particulièrement aigu dans les transports scolaires, où le chauffeur de bus est en première ligne, et sans aucune prérogative", note Julien Polat. Jean-Pascal Thomasset, maire de Nantua et secrétaire général de France Victimes, acquiesce et met en avant les phénomènes de harcèlement qui y sévissent. Et déplore "l’absence de liens entre parents et enseignants", qui l’a conduit cette année à "supprimer le bus scolaire dans sa commune". La preuve par l’exemple…

La lutte contre la délinquance, nécessairement "globale"

L’investissement s’élargit progressivement, et quasi naturellement. "Les gares, souvent situées dans les cœurs de ville, concentrent les flux et attirent naturellement la délinquance, locale ou itinérante. S’il y a un problème dans une gare, il y a un problème en ville", démontre Julien Polat. Xavier Roche, directeur de la sûreté ferroviaire du groupe SNCF, opine, en insistant sur la nécessité du fameux "continuum de sécurité" : "On ne peut pas travailler la délinquance par secteurs. Si je sécurise un train mais pas la gare, cela n’a pas d’intérêt. Et si je sécurise la gare mais que le parvis ne l’est pas, je ne résous rien." "Les transports sont un prolongement de la voie publique", insiste-t-il, tout en précisant, "un prolongement, mais dans une configuration ramassée, qui facilite les déviances". Ce qu’accrédite une étude que vient de publier le service statistique ministériel de la sécurité intérieure : "En moyenne, depuis 2016, la délinquance dans les transports en commun représente 5% des victimes enregistrées, toutes atteintes confondues". Et s’agissant des vols et violences, sujet de l’étude, "les transports en commun représentent une victime sur dix", enseigne-t-elle. En Île-de-France, qui "concentre 62% des victimes enregistrées dans les transports" (et même "les trois quarts des victimes de vols violents enregistrés", pour 18% de la population nationale), l’étude révèle que "près d’un vol sans violence sur trois y est commis dans les transports en commun". Une étude qui enseigne encore qu’hors Île-de-France, "le réseau de surface est le premier lieu de commission pour l’ensemble des atteintes sauf pour les outrages et violences contre dépositaires de l’autorité publique qui ont lieu principalement sur le réseau ferroviaire".

Durcissement de la délinquance

C’est dire l’ampleur de la tâche. D’autant que l’étude souligne que "les vols et violences enregistrés repartent à la hausse dans les transports en commun en 2021" (+10% pour le nombre de victimes d’outrages et de violences contre dépositaires de l’autorité publique, +19% pour les coups et blessures volontaires et +32% pour les violences sexuelles, "dans un contexte de libération de la parole et d’amélioration de l’accueil des victimes"). "Elles ne retrouvent pas le niveau d’avant la pandémie", précise l’étude. Relevons toutefois que la France a été confinée pendant un mois en 2021 et que la fréquentation des transports n'avait pas, elle aussi, retrouvé son niveau d’avant-crise l’an passé (2,6 milliards de voyages en 2020, 3,3 milliards en 2021, mais 4,7 milliards en 2019, précise l’étude). Il faudra donc attendre les chiffres de 2022 pour se faire une idée plus précise. Pour Xavier Roche, aucun doute toutefois : "Nous faisons face à tsunami de la délinquance, un durcissement de l’insécurité, que ce soit en volume ou en qualité, avec des individus de plus en plus souvent armés et des phénomènes de bandes en périphérie des grandes agglomérations, comme à Savigny-le-Temple."

Manque de moyens et insécurité juridique

Pour y faire face, l’entreprise investit fortement dans la formation de ses forces, démonstrations à l’appui en gare de Vichy : chiens détecteurs d’explosifs et d’interventions, drones… "Tout cela a un coût", insiste Xavier Roche, déplorant de ne pouvoir le répercuter à la bonne hauteur dans les tarifs. L’aide de la région Aura – 28 millions d’euros – pour déployer la vidéoprotection dans 130 gares – 2.200 caméras et un centre régional de sécurité transports vers lequel remonte les images – est donc plus qu’appréciée. Mais tout ne se résume pas à une question de moyens. Xavier Rocher regrette ainsi le cloisonnement des forces de sécurité, "non parce qu’elles ne se parlent pas – la guerre des polices, c’est fini ! – mais du fait des prérogatives différentes des agents. Mes équipes peuvent être bloquées pendant 3 heures dans l’attente qu’un agent vienne se saisir d’un délinquant que nous avons arrêté…". Il réclame une révision des textes. Il plaide de même pour une évolution du droit à l’égard de la "la vidéo-intelligence, qui permettra aux agents de se concentrer sur les images vraiment pertinentes". Surtout, il s’insurge contre "l’insécurité juridique considérable des forces de l’ordre", évoquant "un risque de désengagement des agents qui préfèrent prendre des coups que de terminer devant les tribunaux", sans parler du risque de "grande démission".

Prime aux mauvais élèves

Julien Polat le rejoint. "Je n’étais pas favorable aux caméras-piétons au départ. J’étais choqué que l’on mette sur le même plan la parole de personnes assermentées et celle des délinquants. Mais j’ai changé d’avis. Ces caméras permettent de replacer des images dans leur contexte, et de contrebalancer des vidéos circulant sur les réseaux sociaux, souvent tronquées." Même avis positif sur la vidéoprotection, qui "permet aussi d’élargir le périmètre des patrouilles". "C’est un outil déterminant dont on ne pourrait plus se passer, mais qui reste inefficace sans homme sur le terrain", souligne-t-il, en louant "le soutien de la région", sans lequel il n’aurait pu "avoir les mêmes ambitions". Revers de la médaille, selon lui : "Quand on engage des moyens pour la sécurité, l’État retire les siens. 80% des renforts de la police nationale vont à Grenoble alors que Voiron n’a reçu aucun agent supplémentaire. C’est la prime aux mauvais élèves", lance-t-il.

Essor de la cyberdélinquance

Des moyens d’autant plus indispensables que de nouveaux fronts ne cessent de s’ouvrir : "Les collectivités restent très vulnérables face à la cyberdélinquance. Tout reste à faire en la matière. On n’est pas au niveau", admet Julien Polat. "La SNCF subit 150 cyberattaques par jour. C’est une guerre qu’on ne gagnera pas. L’objectif est de ne pas la perdre", explique Xavier Roche. Pour y faire face, "les régions, pilotes du développement économique sur les territoires", rappelle Régions de France, ont signé à Vichy une convention de coopération avec la Gendarmerie nationale visant une mise en réseau des acteurs, un développement des formations et des compétences ainsi qu’une "coordination opérationnelle des interventions dans un souci d’articulation efficace entre appui technique et réponse judiciaire". "Ce partenariat doit permettre de renforcer nos moyens d’anticipation et de réaction en région, en lien avec les nouveaux centres de réponse aux incidents cyber en cours de déploiement", explique la présidente de l’association, Carole Delga.