Lopmi : le "partenariat" avec les polices municipales reste à écrire
La nouvelle version du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'Intérieur (Lopmi) a été présentée en conseil des ministres le 7 septembre. Resserré autour de 16 articles, le texte s'appuie sur 15 milliards d'euros supplémentaires jusqu'à la fin du quinquennat. De quoi créer 8.500 postes de policiers et gendarmes et investir massivement dans le numérique. Rien n'est prévu pour les polices municipales, le gouvernement s'en tenant à des généralités sur le partenariat.
C’est donc bien une nouvelle version du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'Intérieur (Lopmi) qui a été présentée par le ministre de l’Intérieur en conseil des ministres, ce mercredi 7 septembre. La précédente version du mois de mars a été "retirée pour la mettre en conformité avec les engagements du président de la République pendant sa campagne", a précisé le porte-parole du gouvernement Olivier Véran, à l’issue du conseil des ministres. En réalité, le projet de loi a été resserré puisqu’il ne comporte plus que 16 articles sur les 32 initiaux (voir notre article du 2 septembre 2022). En revanche, les crédits promis seront bien là : 15 milliards d’euros supplémentaires entre 2023 et 2027, soit une augmentation de 900 millions d’euros chaque année "qui vont permettre de renforcer la sécurité de nos concitoyens", a souligné Olivier Véran. Il s’agira de "remettre du bleu" sur la voie publique, selon l’expression d’Emmanuel Macron. Mardi, lors de l’inauguration d’un commissariat parisien avec Gérald Darmanin, la Première ministre Elisabeth Borne a d’ores et déjà annoncé que cette enveloppe permettrait de recruter 8.500 policiers et gendarmes d’ici la fin du quinquennat, dont 3.000 dès l’an prochain. Un "record", a insisté Olivier Véran, mercredi.
Doubler la présence policière d'ici à 2030
Par ailleurs, 200 brigades de gendarmerie seront créées (une concertation entre préfets et élus doit avoir lieu ce mois-ci pour déterminer les lieux d’implantation). Sans doute un souvenir de la crise des gilets jaunes : onze unités de forces mobiles "spécialisées dans l’intervention rapide" seront créées "pour mettre fin à des affrontements violents", précise le dossier de presse du ministère de l'Intérieur. Il s’agira aussi de sécuriser les grands événements à venir comme la Coupe du monde de Rugby et les Jeux Olympiques et Paralympiques. Là, en revanche, les lieux d’implantation sont déjà connus : quatre compagnies de CRS composées de 200 policiers chacune seront installées à Marseille (Bouches-du-Rhône), Chassieu (Rhône), Nantes (Loire-Atlantique) et Montauban (Tarn-et-Garonne), a précisé le ministère de l’Intérieur, mercredi. Sept escadrons de gendarmerie mobile seront créés à Melun (Seine-et-Marne), Hyères (Var), Joué-lès-Tours (Indre-et-Loire), Villeneuve d’Ascq (Nord), Dijon (Côte d’Or), Thionville (Moselle) et Lodève (Hérault).
L’exécutif affirme ainsi vouloir doubler la présence policière sur la voie publique d’ici à 2030. "Le temps sur la voie publique sera la règle et le temps au commissariat ou à la brigade l’exception", assure le compte-rendu du conseil des ministres. Le projet de loi viendra "réarmer juridiquement, matériellement, budgétairement, humainement, des forces de l'ordre abîmées par des années de choix stratégiques", a appuyé le porte-parole.
7,5 milliards d'euros pour le numérique
Au-delà de ces moyens humains supplémentaires, le texte traduit également dans le marbre certaines des conclusions du "Beauvau de la sécurité" de 2021 : renforcer la fonction d’investigation, simplifier la procédure pénale, développer le cyber, améliorer le pilotage de gestion de crise. 7,5 milliards d’euros de crédits seront consacrés au "tournant révolutionnaire du numérique" : démarches dématérialisées, outils de travail en mobilité, moyens d’investigation modernisés, mais aussi meilleure prise en compte des nouvelle formes de menaces sur internet. 1.500 cyberpatrouilleurs seront déployés. Une Agence du numérique des forces de sécurité sera instituée… Le gouvernement veut permettre l'indemnisation des rançons de cyberattaques.
Le projet de loi, qui sera examiné au mois d’octobre par le Sénat, prévoit par ailleurs la création de la fonction d’assistant d’enquête "pour appuyer les enquêteurs et permettre à ces derniers de se concentrer sur les tâches d’investigation les plus complexes", précise le ministère, dans son dossier de presse. Il prévoit aussi de "généraliser les amendes forfaitaires délictuelles (AFD) à tous les délits punis d’un an d’emprisonnement au plus". Cette verbalisation "immédiate et automatique" permettra de "désengorger la justice", assure Olivier Véran. Par ailleurs, l’amende pour outrage sexiste créée en 2018 va devenir un délit en cas de faits aggravés (commis en réunion, dans les transports en commun ou en cas de récidive) et son montant sera triplé… D'importants moyens seront consacrés à la poursuite de la lutte contre les violences intrafamiliales (un fichier de prévention des violences intrafamiliales sera créé) pour éviter la récidive.
Nouvelle direction des partenariats
Du côté des collectivités, le gouvernement s'en tient à des lettres d'intention qui figure dans un rapport annexe au projet de loi. Rien ne figure en effet dans la Lopmi en tant que telle. Le renforcement du "continuum de sécurité", fil rouge du précédent quinquennat, sans grandes avancées, se traduira par la création d’une nouvelle direction des partenariats. Il est question de poursuivre les travaux "avec le secteur de la sécurité privée et les polices municipales" et de "tripler les crédits consacrés à l’aide aux communes pour s’équiper en vidéo-protection". De même en matière de sécurité civile, le gouvernement propose de "financer, avec les collectivités territoriales, des matériels mutualisés entre services d’incendie et de secours". Rien de plus pour le moment. Au mois de janvier, dans la cour du futur hôtel de police de Nice, Emmanuel Macron avait interpellé l’Association des maires de France (AMF) pour savoir jusqu’où elle était "prête à aller en matière de partenariat". Ce qui avait fait réagir l’intéressée, indiquant n’avoir en rien été consultée (voir notre article du 11 janvier 2022)… Le rapport annexe poursuit enfin l’objectif de rapprocher l’administration des citoyens : réapparition de sous-préfectures qui avaient fermé, poursuite de la labellisation de certaines sous-préfectures en maison France services, poursuite de relocalisations de services administratifs dans les villes moyennes et les territoires ruraux.