Logement - Communes carencées de la loi SRU : le ministre de la Ville fait une descente à Ormesson
A peine François Hollande avait-il annoncé, devant le 76e congrès de l'Union sociale pour l'habitat (USH), de nouvelles mesures coercitives pour les communes qui ne respectent pas les obligations de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) du 13 décembre 2000 (voir notre article ci-contre du 25 septembre 2015), que le gouvernement passait à l'acte, en la personne de Patrice Kanner.
1,8% de logements sociaux
Dans un déplacement médiatique en forme d'avertissement pour les 221 communes carencées, le ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports s'est en effet invité, le 25 septembre, dans la commune d'Ormesson-sur-Marne (Val-de-Marne, 10.000 habitants). S'il ne s'agit pas de la ville la plus riche à être en délicatesse avec la loi SRU, elle met néanmoins un zèle des plus limités à créer des logements sociaux, puisque ceux-ci représentent seulement 1,84% du parc, très loin des 25% prévus par la loi SRU. En outre, le taux de réalisation de l'objectif triennal fixé par la loi SRU pour la période 2011-2013 n'atteignait que 58%. Quitte à verser une contribution financière de 450.000 euros en 2015, sur un budget communal de 12 millions d'euros.
Dans un communiqué publié le jour de son déplacement, Patrick Kanner explique qu'"il faut sortir de l'hypocrisie : s'il existe des ghettos, c'est que d'autres territoires refusent obstinément la mixité sociale. S'il existe des territoires où se concentrent des populations en grande fragilité, c'est que d'autres préfèrent payer 'l'amende de l'entre-soi'". Et de poser la question : "Est-il acceptable que des élus de ces communes, des élus de la République, les premiers magistrats de leur ville, refusent de se mettre en conformité avec la loi ?"
Des terrains pour "500 logements familiaux"
Le 31 octobre 2014, Ormesson-sur-Marne a fait l'objet d'un arrêté préfectoral constatant sa situation de carence pour une période de 3 ans à compter du 1er janvier 2015. Cet arrêté identifie deux secteurs du territoire communal sur lesquels le préfet est compétent pour la délivrance des autorisations de constructions à usage de logements. Ces parcelles appartenant à l'Etat correspondent aux emprises d'un projet de déviation de la RN4, aujourd'hui abandonné. Selon le ministère de la Ville, ces terrains permettraient la construction de "500 logements familiaux, avec au moins 40% de logements sociaux et très sociaux". Par un courrier du 28 janvier 2015, le préfet a proposé un transfert de ces terrains au département du Val-de-Marne, "dont une réponse est toujours attendue".
Un autre obstacle pourrait toutefois surgir : le périmètre de protection du château d'Ormesson et de son parc, demeure du XVIe siècle et propriété de la famille du même nom, qui fut classée monument historique en 1889. Si la protection s'accommode du caractère pavillonnaire de la commune, il est moins sûr qu'elle soit compatible avec la construction de tours supérieures à quelques étages.
Le bâton et un petit bout de carotte
Au-delà du cas volontairement médiatisé de la commune d'Ormesson-sur-Marne, l'enjeu est de mettre la pression sur les communes récalcitrantes. Devant l'USH, François Hollande a ainsi annoncé que le gouvernement publiera, dès le mois prochain, la liste des communes carencées au titre de l'article 55 de la loi SRU. Celle-ci tiendra toutefois compte des contraintes géographiques, urbaines et foncières des communes. a-t-il pris soin de préciser.
Si un certain nombre de mesures coercitives sont d'ores et déjà possibles - comme la délivrance des permis de construire par le préfet -, le chef de l'Etat a également annoncé que le projet de loi Egalité et Citoyenneté, qui doit être soumis au Parlement au début de 2016, prévoit d'accorder aux préfets l'attribution directe du contingent communal des communes carencées.
Après le bâton, Patrice Kanner a toutefois laissé entrevoir un petit bout de carotte. Il a en effet indiqué qu'il se rendra prochainement dans une commune qui fait des efforts pour rattraper son retard. Dans son communiqué, le ministre de la Ville indique d'ailleurs qu'il "n'ignore pas les difficultés objectives auxquelles sont confrontées certaines communes" et que l'Etat les aidera autant que possible à les surmonter.