Fiscalité locale - Commission des finances du Sénat : oui à la révision des valeurs locatives des habitations
La commission des finances du Sénat a souhaité, ce 13 juin, que le chantier de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels se poursuive rapidement, alors que celui-ci est suspendu depuis le début de l'année, dans l'attente de décisions politiques sur la suite à lui donner.
Dans un rapport qu'ils ont présenté ce jour à la commission, les sénateurs François Marc et Pierre Jarlier appellent à une prise en compte des nouvelles valeurs locatives dans les rôles d'imposition de 2015, pour tenir compte du retard observé aujourd'hui. Rappelons que le calendrier initial de la réforme prévoyait une mise en oeuvre à compter de 2014.
Mais avant que les travaux de l'administration fiscale ne reprennent, les sénateurs recommandent l'adoption par le Parlement de plusieurs ajustements à la loi de finances rectificative du 29 décembre 2010 qui a posé les principes de la réforme. Des amendements législatifs sont déjà prêts. L'objectif est de les valider à l'occasion de la discussion, le mois prochain, du second projet de loi de finances rectificative pour 2012. Dans ces amendements, les sénateurs reprennent une partie des conclusions du bilan de l'expérimentation menée l'année dernière par la direction générale des Finances publiques dans cinq départements (lire notre article du 31 janvier 2012). Ils partagent ainsi le constat de la nécessité d'un lissage dans le temps des effets de la réforme sur les cotisations de taxe foncière des entreprises. Pour les sénateurs, ce lissage doit s'appliquer durant cinq ans, donc de 2015 à 2020. Il s'appliquerait à toute entreprise constatant après la réforme un écart – à la hausse ou à la baisse – supérieur à 10%, ou à 200 euros par rapport à la cotisation de taxe foncière payée auparavant. Sur cette base, un peu moins de 50% des locaux seraient concernés par le lissage. Au-delà, les sénateurs entendent rassurer les entreprises, dont les organisations représentatives ont jusque-là montré beaucoup de réserves face à un processus qui doit, selon elles, les conduire à payer beaucoup plus d'impôts. "Si les hausses de cotisations de taxe foncière sont parfois supérieures à 100%, il faut les relativiser si on les considère en valeur absolue", indiquent-ils.
33 millions de locaux d'habitation
D'autres dispositions sont prévues par les amendements pour préserver de hausses trop fortes les locaux professionnels soumis à la taxe d'habitation et pour traiter la question de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, qui porte à la fois sur les locaux professionnels et les locaux d'habitation. Les amendements prévoient également d'exclure de la révision des locaux professionnels les locaux industriels évalués selon la méthode comptable, puisqu'ils sont déjà à leur valeur réelle. En revanche, et contrairement à ses intentions de départ, la commission des finances n'a pas souhaité la mise en place de dispositions particulières pour les établissements sanitaires et sociaux (crèches, maisons de retraite, centres médicosociaux, etc.), bien que les hausses de cotisations soient potentiellement très importantes pour ces établissements. "La plupart du temps, dans ce secteur, les superficies ont été jusqu'à présent très fortement sous-évaluées", a expliqué François Marc.
En plus de ces ajustements, la commission des finances du Sénat entend, à l'occasion de la discussion de la loi de finances rectificative, lancer la discussion sur la révision des valeurs locatives des locaux d'habitation qu'elle appelle de ses voeux. Avec 33 millions de locaux concernés, ce processus revêt des enjeux beaucoup plus importants que celui qui touche aux seules valeurs locatives des 3,3 millions de locaux professionnels. Pour François Marc et Pierre Jarlier, "les opérations doivent débuter le plus vite possible".
"Bonne nouvelle" pour les collectivités
Si le consensus entre le gouvernement et le Parlement s'avérait suffisant, les mécanismes de la réforme seraient précisés dans la loi de finances pour 2013 (qui sera votée à la fin de l'année). La loi reprendrait en grande partie le dispositif déjà mis en place pour les valeurs locatives des locaux professionnels, en prévoyant cependant des ajustements (notamment un temps de lissage plus long). La loi programmerait la réalisation d'une étude relative aux conséquences de la réforme sur les dotations de l'Etat aux collectivités et sur les dispositifs de péréquation. Une expérimentation débuterait en 2013 dans moins de cinq départements, la généralisation étant prévue pour l'année suivante. L'administration fiscale intégrerait en 2016 les nouvelles valeurs locatives dans les rôles d'imposition. L'échéance est jugée comme bien adaptée au calendrier électoral local, puisque placée en début de mandat des maires.
Entre les deux révisions, l'application d'un coefficient de neutralisation à chaque commune permettrait de maintenir l'équilibre actuel entre la part des cotisations payées par les entreprises et celle dont s'acquittent les ménages. La réforme doit avoir lieu à produit fiscal constant pour chaque collectivité. Mais du fait de la prise en compte de certains logements qui jusque-là n'avaient pas été déclarés par leurs propriétaires (des locaux professionnels transformés en habitations), les bases d'imposition locales pourraient progresser de 10%. Les sénateurs ont salué en cela "une bonne nouvelle".
Les collectivités seront étroitement associées à la révision
Conduits à participer aux travaux des commissions chargées de définir localement les limites des secteurs et le contenu des catégories de locaux, les élus locaux vont jouer un rôle de premier plan dans la révision des valeurs locatives des locaux professionnels, se sont félicités les rapporteurs spéciaux. Ils ne veulent pas en rester là. Ils proposent que les collectivités participent, sur une base volontaire, au contrôle de la réalité des bases fiscales. Concrètement, un agent de la collectivité aurait accès aux informations fiscales grâce à une convention signée avec l'administration de l'Etat. Des corrections pourraient ainsi être apportées aux déclarations des propriétaires si cela s'avère nécessaire. Plusieurs communes et intercommunalités, comme Lille métropole et Bayonne, ont déjà mis en place ce dispositif avec succès.