Accès aux soins - CMU : l'interdiction des dépassements d'honoraires est "largement méconnue"
Confronté à des fuites dans la presse, le ministre de la Santé et des Solidarités s'est décidé à rendre public le rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) sur les dépassements d'honoraires médicaux. Au-delà de ses enseignements d'ordre général, ce rapport montre que ces dépassements n'épargnent pas les bénéficiaires de la couverture maladie universelle (CMU) qui, à travers la CMU complémentaire (CMU-C), sont aujourd'hui plus de quatre millions.
Le phénomène reste toutefois relativement modeste sur un plan général. Ainsi, parmi l'ensemble des consultations facturées en France métropolitaine à des bénéficiaires de la CMU complémentaire par des praticiens à honoraires libres ou en secteur 1, seules 1,6% ont donné lieu à un dépassement d'honoraires. Mais la situation est très différente dans certaines spécialités : la proportion des dépassements d'honoraires pratiqués dans le cas de patients bénéficiaires de la CMU est de 13% pour les consultations en chirurgie générale ou urologique, et d'environ 8% pour les consultations d'anesthésie, dermatologie, gynécologie et chirurgie orthopédique. Les écarts sont également géographiques, avec une forte concentration des dépassements vis-à-vis de bénéficiaires de la CMU dans certains départements d'Ile-de-France, de Rhône-Alpes et de Provence-Alpes-Côte d'Azur. Par exemple, un tiers des bénéficiaires de la CMU complémentaire ayant consulté en chirurgie générale et urologique à Paris sur la période étudiée par l'Igas ont acquitté un dépassement d'honoraires. Pour la moitié d'entre eux, son montant était d'au moins 20 euros et, dans 10% des cas, il atteignait au moins 67 euros, une somme plus que conséquente pour des personnes dont certaines doivent se contenter du RMI.
Or la CMU ne prend pas en charge les dépassements d'honoraires. Les textes interdisent en effet aux professionnels de pratiquer des dépassements d'honoraires vis-à-vis des bénéficiaires de cette prestation, sauf dans deux cas très particuliers et très limités : les dépassements pour exigence particulière du patient (DE) et les dépassements autorisés en cas de soins non coordonnés au sens de la convention médicale (DA). N'étant pas "en mesure de déterminer si les praticiens qui ont facturé ces dépassements ont contrevenu à la loi, sciemment", les auteurs du rapport se contentent de conclure que "la loi est largement méconnue dans certaines spécialités et zones géographiques". L'Igas propose par conséquent un certain nombre de mesures - qui dépassent le seul cadre de la CMU -, comme l'amélioration de l'information des assurés, le renforcement des contrôles sur les montants réellement payés et une clarification des mécanismes de sanction des pratiques abusives.
Jean-Noël Escudié / PCA