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Sécurité - Claude Guéant renvoie les maires et leurs policiers dos à dos

Là où les syndicats attendaient des annonces fortes, le ministre de l'Intérieur s'est montré prudent. Invité des premières Rencontres de la police municipale, le 16 juin à Nice, Claude Guéant a préféré renvoyer les questions sociales et l'armement à une commission consultative. Les syndicats se disent "déçus", malgré l'engagement de subventionner à hauteur de 50% quelque 10.000 gilets pare-balles.

Un lendemain difficile. "Déçus." "Très déçus." Le ton était assez monocorde chez les syndicats de policiers municipaux, un jour après les premières Rencontres nationales de la police municipale, le 16 juin à Nice. Organisées par le maire UMP de Nice, Christian Estrosi, cette journée devait être l'occasion d'un grand déballage : armement, statut, indemnités, retraites... Des sujets en suspens depuis le rapport Ambroggiani de mars 2009 et rendus plus impérieux encore après la mort en service d'Aurélie Fouquet, le 20 mai 2010. "Il est temps d'ouvrir une réflexion approfondie sur la place, le rôle et le statut de la police municipale", avait alors déclaré le président de la République.
Ces premières rencontres s'ouvraient pourtant sous des auspices favorables avec le discours d'ouverture de Christian Estrosi : "A formation et à risque égal, les policiers municipaux ne bénéficient pas de la reconnaissance, de la protection et des compensations matérielles que reçoivent d'autres corps acteurs de la sécurité publique", soulignait l'élu.  Mais contrairement à ce qu'attendaient les syndicats (voir ci-contre notre article du 18 mai 2011), le ministre n'a fait aucune annonce sur le volet social. "Je souhaite vous préciser d'emblée que les réponses à vos préoccupations ne dépendent pas que de l'Etat. Vous êtes des polices municipales et c'est bien sûr en discutant avec les maires que vous trouverez des réponses à certaines de vos propositions", a-t-il déclaré, renvoyant les discussions à la commission nationale consultative qui sera réactivée pour l'occasion. Cette instance tripartite représentant l'Etat, l'Association des maires de France (AMF) et les syndicats ne s'est pas réunie depuis les dernières élections municipales. "Nous veillerons à ce que tous les sujets sur lesquels des avancées sont encore possibles – l'armement, le statut, les retraites – fasse l'objet d'un dialogue constructif", a déclaré le ministre, là où les syndicats attendaient des mesures fortes sur l'indemnité spécifique de fonction (ISF), la fameuse "prime de police". Alors que selon un sondage de l'AMF, près de 98% des policiers municipaux perçoivent l'ISF à un taux compris entre 18 et 20%", les syndicats demandent qu'elle soit rendue obligatoire pour tous les policiers municipaux au taux maximum et intégrée dans le calcul de le retraite.

Conventions de coordination

Autre attente forte des syndicats : la définition d'une "doctrine d'emploi", une sorte de socle recensant les principes et missions de la police municipale aujourd'hui éparpillés dans pas moins de 16 codes. Tant il est vrai que les 3.500 polices municipales sont très diverses (40% sont armées). Quant à leurs interventions, elles vont du constat de simples infractions à des interventions de plus en plus dangereuses. Là encore, la question a été renvoyée dans les mains des maires. A la suite du rapport de l'Inspection générale des finances remis en décembre 2010, le ministre a simplement annoncé qu'un décret en Conseil d'Etat allait fixer le cadre des conventions de coordination de nouvelle génération. "C'est dans le cadre des discussions sur les conventions de coordination que la problématique des types d'armement des polices municipales pourra être abordée. Tout simplement parce qu'aucune ville ne ressemble à une autre", a-t-il déclaré, quand la plupart des syndicats revendiquent un armement de quatrième catégorie. Ces conventions pourront également prévoir la mise à disposition des polices municipales de moyens radios leur permettant une liaison en temps réel avec la police nationale. Claude Guéant s'est également engagé à ce que l'Etat subventionne "à hauteur de 50% les 10.000 gilets encore nécessaires pour équiper les policiers municipaux qui sont dotés d'une arme". "J'ai d'ores et déjà demandé la sanctuarisation d'une enveloppe d'un montant d'environ 2 millions d'euros", a-t-il précisé. "C'est une grande rigolade, c'est du bricolage", s'insurge Frédéric Foncel, le président du Syndicat national de la police municipale (SNPM, affilié à la CFTC). "D'abord parce qu'il n'y a pas 10.000 policiers municipaux armés, et pourquoi s'arrêter à ceux qui sont armés, les autres ne courent-ils pas les mêmes risques ?", s'interroge le syndicaliste. 

"La cinquième roue du carrosse"

Pour le reste, le ministre a relancé l'idée de la "médaille d'honneur" qui figurait dans la Loppsi 2, avant d'être retirée par les sénateurs. Le ministre a aussi appelé à poursuivre la professionnalisation des polices municipales en renforçant les formations, notamment avec la signature d'un protocole avec le CNFPT. Trois axes seront proposés par ailleurs : étendre l'obligation de formation continue aux directeurs de police municipale, créer une formation restreinte pour les anciens gendarmes ou policiers nationaux qui souhaitent rejoindre les rangs de la police municipale, développer des formations spécialisées pour les brigades équestres et cynophiles. Enfin, les mesures de la Loppsi 2 sur le contrôle d'identité, censurées par le Conseil constitutionnel le 10 mars dernier, seront remises sur le métier en tenant compte des recommandations des Sages.
Alors reconnaissance ou prudence ? Pour les syndicats, cela ne fait pas de doute. "La déception est grande, le ministre n'a pas eu l'audace nécessaire. On veut nous balader jusqu'en 2012", estime Frédéric Foncel, dont le syndicat réclame trois décrets d'urgence : un concernant l'armement de quantrième catégorie, un rendant les gilets pare-balles obligatoires "pour tout fonctionnaire de police revêtu de son uniforme et insignes apparentes", et un décret sur l'ISF.
Du côté de la FA-FPT, on se dit "sceptique" sur les négociations à venir avec l'AMF. "L'AMF propose un régime spécifique, avec la prime de fonctions et de résultats, qui ne répond pas à notre spécificité", indique Patrick Carballo, adjoint au responsable du pôle "Police municipale" de la FA-FPT. "On peut toujours rêver, mais pour l'heure, nous n'avons pas le sentiment que l'AMF ait une réelle volonté de rouvrir le dossier", poursuit-il.
En ouvrant ces rencontres, Christian Estrosi avait rendu hommage à la police municipale et ses 20.000 agents. "Elle remplit de nombreuses missions aux cotés de la gendarmerie et de la police nationales et constitue désormais la troisième force de sécurité publique", avait-il déclaré. "Je ne sais pas si on est la troisième force de sécurité mais on est bel et bien la cinquièmee roue du carrosse", lui répond Patrick Carballo.