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Conseil constitutionnel - Loppsi 2 : deux mesures sur les policiers municipaux passent à la trappe

Campements illicites, squats, responsabilité parentale, contrôles d'identité par les policiers municipaux, visionnage de la vidéoprotection par des opérateurs privés : le Conseil constitutionnel censure pas moins de 13 mesures de la Loppsi 2.

Le Conseil constitutionnel a censuré, le 10 mars, plusieurs des mesures symboliques de la loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (Loppsi 2) votée par le Parlement le 8 février 2011. Même si le gouvernement se félicite que "les grandes orientations proposées par le président de la République dans son discours de Grenoble du 30 juillet 2010" aient été validées, le coup est dur. Treize dispositions n'ont pas pu passer le tamis du Conseil. Parmi elles, plusieurs concernent directement les communes.

Contrôles d'identité

Le Conseil a ainsi écarté l'article 91 qui accordait la qualité d'agent de policier judiciaire à certains policiers municipaux, au motif qu'ils n'étaient pas dans le même temps "mis à la disposition" des officiers de police judiciaire. Pour la même raison, il a invalidé la possibilité pour les policiers municipaux de procéder à des contrôles d'identité prévue à l'article 92. Cette disposition est contraire à "l'article 66 de la Constitution qui impose que la police judiciaire soit placée sous la direction et le contrôle de l'autorité judiciaire", indique le Conseil, dans un communiqué. Pour que ces mesures soient valables, il aurait donc fallu que les policiers municipaux, qui relèvent des autorités communales, soient mis à la disposition des officiers de police judiciaire, eux-mêmes placés sous le contrôle de l'autorité judiciaire.
Les Sages ont par ailleurs jugé non-conforme à la Constitution une partie de l'article 18 relatif à la vidéoprotection, qui permettait de déléguer à des opérateurs privés l'exploitation et le visionnage de la vidéoprotection sur la voie publique. Ils ont considéré que cet article permettait de "confier à des personnes privées la surveillance générale de la voie publique et ainsi de leur déléguer des compétences de police administrative générale inhérentes à l'exercice de la force publique".

Campements illicites

Le Conseil a par également censuré les nouvelles mesures sur l'évacuation forcée des campements illicites et des squats (article 90), deux amendements déposés par le gouvernement lors des discussions. Avec les campements illicites, le gouvernement voulait étendre aux habitations en dur ou fixes les mesures qui s'appliquent déjà aux stationnements illégaux de caravanes depuis 2000. Le texte prévoyait l'évacuation des sites comportant de "graves risques pour la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques". Mais le Conseil parle de déséquilibre "entre la nécessité de sauvegarder l'ordre public et les autres droits et libertés". Ces dispositions auraient permis, selon lui, de "procéder dans l'urgence, à toute époque de l'année, à l'évacuation, sans considération de la situation personnelle ou familiale, de personnes défavorisées et ne disposant pas d'un logement décent". "Cela pose une question, parce que si les bidonvilles sont autorisés en France, c'est une évolution du droit constitutionnel qui me paraît surprenante", a réagi Jean-Christophe Lagarde, député Nouveau Centre de Seine-Saint-Denis, sur RMC. Concernant les nouvelles mesure sur les squats, le Conseil a estimé qu'elles avaient été adoptées en méconnaissance de la "règle de l'entonnoir" qui vise à limiter les amendements gouvernementaux au seul objet initial du texte.

Justice des mineurs

Enfin, le Conseil a censuré plusieurs mesures concernant la justice des mineurs. Ainsi la possibilité d'étendre aux mineurs les peines planchers, jusqu'ici réservées aux seuls récidivistes, a-t-elle été jugée "contraire aux exigences constitutionnelles en matière de justice pénale des mineurs".
Les Sages ont validé la possibilité de prendre un couvre-feu collectif (pour le préfet) ou individuel (pour le juge des enfants). En revanche, ils ont écarté la pénalisation des parents dont les enfants n'auraient pas respecté cette mesure car elle revenait à punir le parent pour une infraction commise par son enfant. Ils ont en outre rejeté la possibilité pour un procureur de convoquer directement un mineur devant le tribunal des enfants sans passer par le juge des enfants. Selon Eric Ciotti, député UMP des Alpes-Maritimes et rapporteur du texte, la question de la justice des mineurs est un "problème majeur" qui devra être traité "dans un prochain texte car les dispositions législatives actuelles sont manifestement inadaptées".
Du côté de l'opposition, qui parle de "désaveu" du gouvernement, la décision du Conseil constitutionnel a été accueillie avec satisfaction. "La censure concernant la vidéosurveillance par des opérateurs privés, ou les contrôles d'identité qui auraient été confiés aux polices municipales, condamne ainsi une logique de désengagement de l'Etat et de privatisation rampante de la sécurité des Français", estime ainsi Delphine Batho, députée PS, dans un communiqué.
 

 

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