Spectacles - Cinéma public : le Conseil de la concurrence donne ses recommandations aux collectivités

Dans sa séance du 10 juillet 2008, le Conseil de la concurrence a émis une série de recommandations visant à "garantir une concurrence à armes égales" entre salles de cinéma publiques et privées. Le Conseil avait été saisi pour avis le 28 mars dernier par le syndicat professionnel UniCiné qui représente des salles privées. La demande portait sur "les conditions et modalités selon lesquelles les collectivités publiques peuvent intervenir, directement ou indirectement, dans le secteur concurrentiel de l'exploitation de salles de cinéma en France, sans violer le principe d'une concurrence libre et non faussée". Elle faisait suite à la fois au rapport Perrot-Leclerc sur "Cinéma et concurrence" remis à la ministre de la Culture en mars 2008 et à plusieurs contentieux devant la justice administrative concernant des projets de création de salles publiques à Epinal, Montreuil-sous-Bois ou Noisy-le-Grand.
L'intervention des collectivités territoriales en matière économique "doit respecter la liberté du commerce et de l'industrie, ainsi que les règles de concurrence, dès lors que l'activité en cause concerne un marché concurrentiel". Cette obligation s'étend, bien entendu, au cas des salles publiques de cinéma et cela quelle que soit la forme juridique prise par l'intervention de la collectivité. Au-delà de ce rappel du cadre juridique, le Conseil de la concurrence se prononce en faveur d'une clarification des relations entre les collectivités territoriales et les cinémas publics. Ainsi, "une collectivité locale doit veiller à ne pas donner à son opérateur un avantage dont ne bénéficieraient pas ses concurrents présents sur le même marché". De ce fait, "les seuls avantages acceptables sont ceux nécessaires à la réalisation de la mission de service public confiée à cet opérateur et proportionnés à cette réalisation".

 

Recommandations

D'une part, les comptes du service doivent faire l'objet d'un budget annexe au budget général de la collectivité. D'autre part, ce budget annexe doit être équilibré sans apport financier de la collectivité, hormis deux exceptions, qui doivent être justifiées : l'existence de contraintes particulières de fonctionnement imposées par la collectivité ou la réalisation d'importants investissements qui exigerait une augmentation excessive des tarifs payés par les usagers. Le Conseil recommande également que la collectivité qui décide de créer un cinéma municipal (ou départemental) "fixe à celui-ci un véritable cahier des charges, détaillant la mission de service public confiée". Pour déterminer si un cinéma public se situe ou non dans un contexte concurrentiel, il convient de s'appuyer sur la notion de zone de chalandise.
De façon plus large, le Conseil de la concurrence juge "préférable de privilégier les solutions les moins distorsives de concurrence". Il recommande à ce titre de recourir plutôt à des aides directes aux spectateurs, par exemple sous la forme de "chèques cinéma". De même, la recherche d'une programmation plus culturelle peut se faire par le biais d'une convention prévoyant "une rémunération adéquate" des cinémas privés "qui accepteraient de modifier leur programmation dans le sens voulu par la collectivité".


Jean-Noël Escudié / PCA

 

La France compte 388 salles de cinéma publiques (chiffres 2006), contre 3.963 salles privées (et 883 salles associatives). Le poids des salles publiques est toutefois beaucoup moins important si l'on raisonne en termes de fréquentation (6,2 millions de spectateurs contre 165,4 million) ou de chiffre d'affaires (28,7 millions d'euros contre 1,02 milliard).

 

Référence: Conseil de la concurrence, commission permanente, avis 08-A-13 du 10 juillet 2008 relatif à une saisine du syndicat professionnel UniCiné portant sur l'intervention des collectivités locales dans le domaine des salles de cinéma.