Christophe Castaner annonce 17 nouveaux quartiers de reconquête républicaine
Alors que la gestion du maintien de l'ordre depuis novembre a mis la "police de sécurité du quotidien" au second plan, Christophe Castaner veut lui donner un nouveau souffle. Un an jour pour jour après son lancement par son prédécesseur, le ministre de l'Intérieur a annoncé, vendredi 8 février à Dreux, le lancement de 17 quartiers de reconquête républicaine (QRR) supplémentaires cette année. Sur le terrain, les effets tardent à venir.
Trois mois d’une gestion du maintien de l’ordre très controversée et la mobilisation d’une grande partie des policiers et gendarmes ont mis à mal la promesse d’une police de sécurité du quotidien (PSQ) "plus proche" des habitants. Un an jour pour jour après le lancement en grande pompe par Gérard Collomb, le 8 février 2018, de cette "nouvelle méthode" de travail entre les forces de sécurité, les changements se font attendre. Il y a quelques jours, l’Association nationale des cadre territoriaux de la sécurité lançait un "avis de recherche". "Avez-vous vu la PSQ ?", interrogeait-elle malicieusement. Déjouant les critiques, le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, veut reprendre la main pour ce premier anniversaire en annonçant la création, en 2019, de 17 quartiers de reconquête républicaine (QRR) supplémentaires*. Ils s’ajouteront aux 15 quartiers déjà planifiés cette année, sachant que 15 premiers QRR avaient été créés en 2018. "J’ai décidé d’accélérer ce mouvement. 17 quartiers de reconquête républicaine verront le jour cette année. Au final, ce sont 32 quartiers de reconquête républicaine qui seront mis en place en 2019", a ainsi annoncé Christophe Castaner, lors d'un déplacement à Dreux (28), à l'occasion de ce premier anniversaire, . Deux critères ont présidé au choix de ces nouveaux quartiers : "Le premier, c’est la réalité de la délinquance. Les quartiers de reconquête républicaine ont été répartis là où elle est la plus forte (...). Le second principe, c’est la volonté des acteurs (...) Quand il y avait une volonté puissante de se battre ensemble, nous avons tranché et décidé de mettre en place des quartiers de reconquête républicaine", a-t-il précisé. Treize de ces futurs QRR sont situés en zone de police et quatre en zone gendarmerie.
Rappelons que la PSQ ne se résume pas à ces quartiers difficiles et qu’elle repose plus généralement sur une meilleure coordination des acteurs de la sécurité : policiers, gendarmes, policiers municipaux, sécurité privée... "La police de sécurité du quotidien, c’est l’adaptation à chaque territoire, c’est le sur-mesure", a appuyé l'ancien maire de Forcalquier, disant s'imposer "un devoir d'humilité". "La route est encore longue, mais nous sommes tous très déterminés", a-t-il assuré. Mercredi, à l'issue du conseil des ministres, au cours duquel une communication sur la PSQ a été présentée, le ministre avait indiqué que cette réforme s’est déjà traduite par "davantage de présence policière", dans des lieux inhabituels, comme les centres commerciaux. 750 procédures ont été engagées depuis la promulgation de la loi contre les "rodéos motorisés" en août 2018, avait-il aussi indiqué, assurant qu'aujourd'hui "chaque maire de France a un référent identifié qu’il rencontre régulièrement pour parler de la sécurité sur son territoire".
Continuum de sécurité
Le ministère dresse un bilan de cette première année, avec le recrutement de "10 à 30 effectifs supplémentaires" dans les quinze premiers QRR, la fourniture de "80.000 tablettes et smartphones NEO" et de "9.400 caméras-piétons", la création d’une brigade numérique en février 2018… Les efforts doivent se poursuivre cette année avec 2.500 effectifs supplémentaires et 22.000 tablettes et smartphone de plus. Pour le ministère, le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice en cours d’examen "sera une étape majeure de la police de sécurité du quotidien", avec des mesures de simplification de la procédure pénale. Ce qui devrait libérer les policiers de certaines tâches administratives. Christophe Castaner a aussi promis de nouveaux indicateurs pour une évaluation en continu. Plusieurs fois reporté, ce chantier baptisé "Lab’PSQ" devrait voir le jour en 2019. Il est présenté place Beauvau comme une démarche "globale" qui associe "citoyens, associations, forces de l’ordre, élus locaux, préfets, universitaires et chercheurs, syndicats et le tissu économique"…
"Nous devons, en 2019, continuer à nous engager, plus encore, pour une sécurité globale, pour établir un véritable continuum de sécurité. (...) Nous n’allons économiser aucun effort pour raffermir la coopération entre l’État, les collectivités locales, les polices municipales, les associations et les acteurs de la sécurité privé", a insisté Christophe Castaner, vendredi. Un rapport des députés Jean-Michel Fauvergue et Alice Thourot sur le "continuum de sécurité" - préconisant une meilleure "coproduction" entre les différentes composantes de la sécurité - avait été remis au Premier ministre le 11 septembre, peu avant la démission de Gérard Collomb. Mais la consultation promise se fait toujours attendre. Le début de la crise des gilets jaunes en novembre n’a pas aidé à son démarrage. Outre une généralisation de l’armement des policiers municipaux, ce rapport suscite en tout cas beaucoup d’interrogations chez les élus et les agents. Il propose de fondre toutes les instances de dialogues actuelles en un "contrat local unique" à l’échelle du bassin de vie, placé sous la responsabilité de l’État. "C’est aux cadres dirigeants de l’État dans les territoires qu’il appartient de s’emparer du pilotage de ces conseils, en choisissant qui y inclure, à quel rythme se réunir, et comment y organiser le travail", est-il en effet écrit noir sur blanc. Ce qui renforce le sentiment que les polices municipales sont de plus en plus amenées à suppléer les défaillances de l'État.
"Coquille vide"
"C’est un bond en arrière de vingt ans", s’insurge Cédric Renaud, président de l’ANCTS, qui organisait son deuxième congrès national à Romans-sur-Isère, dans la Drôme, le 7?février. Selon lui, la PSQ s’apparente toujours à une "coquille vide". "Là où ça marchait, les bonnes relations perdurent, c’est déjà un bon début car on a parfois l’exemple de politiques qui viennent empiéter sur ce qui fonctionnait très bien. Mais ailleurs, ça n’a rien changé. Les effectifs annoncés ne sont pas là, ou très peu. On n’a pas de réunions spécifiques (…) On pédale dans la choucroute", développe le syndicaliste, par ailleurs directeur de la police municipale de Saint-Etienne. S’il se félicite du lancement fin novembre, dans 11 villes, d’une expérimentation de l’accès aux fichiers de la police fichiers des permis de conduire (SNPC) et des immatriculations de véhicules (SIV), Cédric Renaud se plaint des conditions de mise en œuvre. "On nous dit qu’on n’est pas capables de faire un accès à distance et qu’il faut passer par un poste fixe. Alors qu’on nous parle de distribution de tablettes, de police connectée, la communication du ministère manque de cohérence", tance-t-il.
Dans Le Parisien, Christophe Castaner dit avoir "conscience que la population n’a pas encore le sentiment d’une transformation de la police". "Il faut du temps. Je ne veux pas d’une police brutale qui inspire la peur, mais d’une police forte qui inspire la confiance et le respect", souligne-t-il, alors que le bilan des manifestations de gilets jaunes est très lourd.
* Zone police : Argenteuil (centre-ville) ; Saint-Denis (quartiers nord)
Aubervillers (Villette et Quatre-Chemins) ; Les Mureaux (gare, Cité-Renault, Beaugimont, Vigne-Blance, les Musiciens, Bechville) ; Grigny (La Grande-Borne, Grigny 2) ; Maubeuge ; Rouen (les Hauts-de-Rouen) ; Rennes (Maurepas) ; Dreux, Vernouillet (les Oriels, les Bates, Kennedy-Dunant, la Tabellionne) ; Tours, Saint-Pierre-des-Corps, Joué-les-Tours (la Rabière, la Rabaterie, Sanitas, Saint-Pierre-des-Corps) ; Grenoble, Échirolles, Saint-Martin-d’Hères (la Villeneuve, Renaudie-Champbreton) ; Angoulême (en cours de définition) ; La Seyne-sur-Mer, Toulon (Berthe, Beaucaire, Pontcarrel, Sainte-Musse). Zone gendarmerie : Fosses-Louvres (zone de sécurité prioritaire) ; L’Isle-d’Abeau, Villefontaine, La Verpillière (zone de sécurité prioritaire) ; Lunel, Mauguio (zone de sécurité prioritaire) ; Pamandzi (zone de sécurité prioritaire).