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"Continuum de sécurité" : les maires fourbissent leurs armes

Alors que le gouvernement a promis une "concertation approfondie" avant de prendre ses décisions à la fin de l’année sur le "continuum de sécurité" entre forces nationales, polices municipales et sécurité privée, les maires posent d’ores et déjà leurs marques. L’Association des maires de France (AMF)estime ainsi ne pas pouvoir "souscrire" au principe de "sécurité globale" tel que défini dans le rapport des députés LaREM Alice Thourot et Jean-Michel Fauvergue remis le 11 septembre au Premier ministre. Ce principe consisterait "à confier à l’Etat seul", le soin de définir "les objectifs à atteindre ensemble et les modalités à mettre en œuvre pour y parvenir". Le renforcement de la collaboration entre polices municipales et forces nationales "doit respecter le principe de libre administration des communes qui place les polices municipales sous la seule autorité des maires", estime ainsi l’association dans un communiqué du 13 septembre. Selon elle, "la création d’une police municipale, la détermination de sa doctrine d’emploi, le choix d’une dotation en armement et la gestion des effectifs doivent continuer de relever du choix des maires et des conseils municipaux". En matière d’armement, le rapport a le mérite de la clarté en proposant de le rendre obligatoire, "sauf décision motivée du maire". Ce qui va à l’encontre de ce que l’AMF a toujours défendu. Le rapport relève qu’en 2016, 84% des effectifs étaient dotés d’une arme et 44% d’une arme à feu. Proportion qui a connu une forte augmentation à la faveur des incitations mises en place par le précédent gouvernement dans le contexte des attentats.
L’Association des maires d’Ile-de-France (Amif) se montre plus favorable à l’armement. "Aujourd’hui, si le maire souhaite armer sa police, c’est un parcours du combattant et la décision dépend de la seule autorisation des préfets de département", fait ainsi valoir Stéphane Beaudet, président de l’Association des maires d’Ile-de-France (Amif) et maire de Courcouronnes (Essonne), dans un communiqué du 13 septembre. Dans un livre blanc de 2017 publié au moment de la campagne présidentielle, l’association avait proposé "une prise en charge totale" de l’armement de la police municipale par l’Etat, par souci d’égalité. Un nouveau livre blanc est en préparation pour 2019.

L’AMF s’interroge par ailleurs sur la notion de "bassin de vie", échelle à la laquelle police et gendarmerie devraient inscrire leur action et sur le développement des polices intercommunales recommandé dans le rapport. Elle refuse "tout transfert automatique de la police municipale à l’intercommunalité" et s’oppose au transfert de pouvoir de police générale du maire au président d’EPCI (les parlementaires ne vont pas jusque-là mails ils conseillent de confier au président d’EPCI la capacité de création et de recrutement d’une police municipale intercommunale ; ils suggèrent en outre un encouragement financier pour éviter les blocages des maires récalcitrants). L’AMF dit privilégier "la mutualisation volontaire des effectifs et des matériels "et "défend la liberté des maires de s’organiser au sein de leur intercommunalité".

Ecole unique ou centres du CNFPT ?

Au-delà des aspects opérationnels, c’est la question de la formation qui taraude les maires. Dans ce domaine, les propositions des parlementaires ne sont pas moins iconoclastes. Alors qu’aujourd’hui une formation est obligatoire, avant tout agrément, dans un des centres de formation du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), le rapport propose de créer une école nationale de formation des policiers municipaux. Et ce, dans un souci d’homogénéisation (cette idée figurait déjà dans le livre blanc de l’Amif en 2017). Cette école aurait la responsabilité de la formation initiale comme de la formation continue des policiers municipaux. Pour l’association France urbaine, qui regroupe les agglomérations et les grandes villes, la création d’une école unique fait partie des points à mettre à l’actif du rapport. Mais pour l’AMF, "la formation initiale et continue des policiers municipaux doit continuer à relever des organismes nationaux en charge de la formation des fonctionnaires territoriaux". La proposition des députés a en tout cas fait bondir François Deluga, maire du Teich (Gironde) et président du CNFPT, qui dénonce dans un communiqué du 13 septembre une "méconnaissance totale du dispositif actuel". Il rappelle notamment que "les durées et les contenus de ces formations sont fixés par des textes réglementaires sur la base desquels sont élaborés les référentiels nationaux communs à l’ensemble des formations quels que soient les lieux où elles sont réalisées". La création d’une école unique ferait de surcroît "exploser les frais de déplacement à la charge des collectivités".

Des prérogatives à délimiter

Dans le cadre de cette concertation, "il conviendra de tracer avec précision les compétences, les missions et les modalités d’intervention de chaque force de sécurité pour que le principe de 'sécurité globale' ne soit pas un pêle-mêle sécuritaire qui ne distinguerait plus les sécurités nationale ou locale, publique ou privée", prévient l’AMF, tout en jugeant indispensable "une clarification par l’Etat de ses compétences et de ses prérogatives".

Le CNFPT va même plus loin en dénonçant "une tentative d’appropriation par le ministère de l’Intérieur des moyens dédiés par les collectivités territoriales à la sécurité et à la tranquillité de leurs administrés". "En effet, le rapport propose de faire de la police municipale une force supplétive de la police nationale au détriment des missions qui sont les siennes", estime François Deluga.

France urbaine est plus nuancée. Elle reconnaît, dans un communiqué du 13 septembre, "quelques motifs de satisfaction", dont la possibilité de "permettre aux policiers municipaux de se doter de moyens techniques comparables à ceux utilisés par l’Etat". Toutefois, le rapport nourrit "la confusion" dans les prérogatives entre forces nationales et polices municipales selon l’association qui se dit "profondément attachée à la distinction entre d’une part, la notion de sécurité publique et d’autre part, celle de tranquillité publique". Elle regrette également que le rapport "n’apporte pas d’éclaircissements tangibles quant à l’articulation entre la future police de sécurité du quotidien et les forces de police municipale".

 

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