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Chèque énergie : bilan de son expérimentation avant sa généralisation en 2018

Le ministère de la Transition écologique et solidaire vient de publier son rapport d’évaluation du chèque énergie, créé par la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour remplacer les tarifs sociaux de l’électricité et du gaz. La loi ayant prévu une mise en œuvre progressive du dispositif, le rapport, qui devait être remis au Parlement avant la généralisation prévue en 2018, tire le bilan de l’expérimentation menée depuis 2016 dans quatre départements (Ardèche, Aveyron, Côtes-d'Armor et Pas-de-Calais). En deux ans, 170.000 chèques ont été distribués dans ces quatre départements, soit une augmentation d’environ 3% par rapport au nombre de bénéficiaires de tarifs sociaux.
Le chèque énergie est attribué sous condition de ressources. Il permet de payer des factures pour tout type d’énergie, alors que les tarifs sociaux étaient limités au gaz et l’électricité. Il peut aussi être utilisé pour payer des travaux de rénovation énergétique. 4 millions de ménages en situation de précarité énergétique devraient en bénéficier.
Selon le bilan gouvernemental, le dispositif a été globalement bien compris par les bénéficiaires dès la première année d’expérimentation. Le critère d’éligibilité, jugé plus simple, permet d’optimiser le ciblage des premier et deuxième déciles de revenu, et d’éviter les effets d’aubaine. Le rapport fait état de "résultats encourageants, qui peuvent encore être améliorés" concernant le taux d’utilisation et le non-recours et note "un axe de progrès" dans la mise en œuvre des dispositions protectrices associées au chèque énergie.

Bilan jugé "lacunaire et imprécis" par l'Unccas

Dans un communiqué diffusé le 7 décembre, l’Union nationale des centres communaux et intercommunaux d’action sociale (Unccas) porte un jugement sévère sur ce bilan dont elle dit regretter "le caractère lacunaire et imprécis". Associée à l’expérimentation du chèque énergie en raison de la forte implication des CCAS dans la lutte contre la précarité énergétique, elle avait rendu au ministère en août dernier sa propre évaluation du dispositif. Selon elle, les données mises en avant par le ministère "ne permettent pas une généralisation dans de bonnes conditions du dispositif". Elle met trois arguments en avant. "Le taux de recours au chèque énergie, bien qu’en augmentation en 2017, reste très insatisfaisant, souligne-t-elle. En effet, plus d'un bénéficiaire potentiel sur cinq n'a pas effectué les démarches pour en bénéficier. Il y a donc lieu de craindre que le dispositif soit un nouveau facteur de précarisation." Deuxième faiblesse du dispositif, à ses yeux, "le ciblage de cette aide par le seul critère du revenu fiscal contribue à l’exclusion du dispositif d’une partie des personnes souffrant de précarité énergétique, notamment celles n’ayant pas réalisé de déclaration d’imposition ou ayant vu leur situation changer au cours des deux dernières années". Enfin, pointe-t-elle, "le nombre d’attestations de droits connexes reçues par les fournisseurs d’énergie est dérisoire : les protections associées à cette aide ne sont donc aujourd’hui plus garanties, ce qui constitue un recul par rapport aux tarifs sociaux".
Pour l’Unccas, qui estime que la précarité énergétique touche 12 millions de personnes en France, l’impact du dispositif "n’est pas à la hauteur des besoins". "Outre le montant insuffisant du chèque (150 euros par an en moyenne pour une facture énergétique moyenne de 1.500 euros par logement), ce dispositif ne résout ni la question de la solvabilisation des ménages, ni celle de la prévention des impayés d’énergie", souligne-t-elle. D’après son enquête sur la précarité énergétique, ces derniers sont en effet plus fréquemment compris entre 150 et 450 euros et dépassent souvent 600 euros par an.