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Finances locales - Budgets : les départements s'attendent à passer des mois très difficiles

Plus que jamais, la préparation des budgets est, en cette fin d'année, un véritable casse-tête pour les départements. L'Assemblée des départements de France (ADF) a tiré la sonnette d'alarme, ce 9 octobre, lors d'une conférence de presse.

L'origine du problème est bien connue : le coût des allocations sociales distribuées par les départements (APA, PCH, RSA) ne cesse de croître. En 2012, il va s'établir à presque 15 milliards d'euros (+4,4% par rapport à 2011), selon les estimations de l'Assemblée des départements de France (ADF). Entre 2004 et 2011, les dépenses liées à ces trois allocations ont progressé de 59%. Or, les compensations accordées par l'Etat n'ont jamais été suffisantes. L'année prochaine, elles dépasseront à peine 55% (8,6 milliards d'euros). Les départements devront prendre en charge la différence, alors que leurs marges de manœuvres fiscales sont amoindries. Amoindries, d'abord, parce que depuis la réforme de la fiscalité locale, les départements ne peuvent voter les taux que de la taxe sur le foncier bâti. Ensuite, parce que leurs recettes de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et le produit des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), qui constituent 30% en moyenne de leurs recettes de fonctionnement, marquent le pas lorsque, comme actuellement, la conjoncture économique est difficile. Si en 2011, les départements avaient bénéficié d'une bouffée d'oxygène grâce à la croissance des DMTO (+1,6 milliard d'euros), il n'en sera pas de même en 2012. D'après l'ADF, le produit des DMTO n'a progressé au cours du premier semestre 2012 que de 1,38% par rapport au premier semestre 2011.

Aide d'urgence

Pour l'ADF, une trentaine de départements auront besoin de l'aide d'urgence promise en juillet dernier par le Premier ministre (lire notre article du 19 juillet 2012). "L'idée est de repartir sur le fonds de solidarité mis en place [fin 2010] par le gouvernement de François Fillon, qui atteignait 150 millions d'euros", affirme Claudy Lebreton, le président de l'ADF. Mais les présidents de conseils généraux souhaitent une enveloppe qui soit cette année plus proche de 300 millions d'euros. Pour financer cette aide d'urgence, l'ADF a une solution qui ne coûterait pas un sou à l'Etat. Il s'agirait de réaffecter 340 millions d'euros de crédits non consommés par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). Les discussions vont avancer rapidement. Le président de l'ADF doit rencontrer prochainement Philippe Yvin, conseiller du Premier ministre. Avec la direction générale des collectivités locales, l'ancien directeur général des services du département de Seine-Saint-Denis travaillerait sur une piste privilégiant des "recettes pérennes".

Nouveaux transferts en vue

Pour les départements, seule la réforme du financement de la dépendance et de la prise en charge de la solidarité que le gouvernement doit conduire l'année prochaine constituera la véritable bouffée d'oxygène. De cette réforme, il sera certainement question lors du rendez-vous qu'une délégation de l'ADF aura, le 22 octobre prochain, à l'Elysée, avec le président de la République. Lors de cette entrevue avec François Hollande, il sera aussi question de la prochaine étape de la décentralisation. Un sujet placé sous le signe de la prudence pour les présidents de conseils généraux. Face à un président de la République qui veut confier à leurs collectivités, "l'ensemble des politiques du handicap et de la dépendance, hors du champ de l'assurance maladie" (lire nos articles du 5 octobre et du 8 octobre 2012), ils essaieront d'abord de savoir ce que recouvre exactement ce périmètre. "Si l'on nous propose de nous transférer l'AAH, une allocation d'un montant total de 8 milliards d'euros, nous sommes extrêmement réservés. S'il est question de transférer les ESAT, ça se discute", prévient Claudy Lebreton.
En attendant ces prochains rendez-vous, l'ADF reste pessimiste sur l'évolution des dépenses réelles d'investissement des départements (hors remboursements d'emprunts). En 2012, elles devraient diminuer de 3%, pour la deuxième année consécutive (-4,2% en 2011).

La réforme du potentiel financier n'arrange pas les affaires des départements les plus défavorisés
Certains départements vont voir leurs difficultés budgétaires renforcées si le nouveau mode de calcul du potentiel fiscal et du potentiel financier s'applique à compter de 2013, comme le prévoit le projet de loi de finances qui sera débattu dans les semaines à venir au Parlement. Le sujet est très technique, mais ses conséquences financières sont tout à fait significatives.
"Le potentiel financier ne doit plus être mesuré à partir du potentiel de richesse du département (calculé par rapport à un taux moyen national). Il doit être calculé à partir du produit de fiscalité effectivement perçu par le département. La logique n'est donc plus du tout la même", explique Sandy Freret, responsable du service des finances de l'ADF. Résultat : les départements qui, avant la réforme de la fiscalité locale, avaient des taux faibles – souvent les départements qui sont les plus riches – se retrouvent favorisés. A l'inverse, les départements qui avaient, avant la réforme, des taux supérieurs à la moyenne (le plus souvent, ces départements étaient les plus pauvres) sont pénalisés. Le classement des départements selon leur richesse se trouve, donc, bouleversé. "Les Côtes d'Armor qui étaient à la 96e place se trouvent tout d'un coup propulsés à la 74e place en termes de richesse".
L'effet de la réforme n'est pas neutre, sachant que le potentiel fiscal et le potentiel financier entrent en compte dans le calcul de la compensation des allocations individuelles de solidarité et des contributions ou reversements au titre des fonds de péréquation (DMTO, CVAE). "Mon département doit perdre 3 millions d'euros au titre de l'APA et de la CVAE", annonce Claudy Lebreton. A l'inverse, des départements comme Paris ou les Hauts-de-Seine doivent voir leurs ressources significativement augmenter.
L'ADF plaide pour un moratoire d'un an, qui laisserait le temps de trouver une solution neutralisant l'effet généré par le nouveau mode de calcul. Elle prépare un amendement pour l'examen du projet de loi de finances par l'Assemblée nationale, qui commencera en séance publique le 16 octobre.