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PLF 2011 - Budget : les députés priés de revoir leur copie

C'est dans une atmosphère très tendue que l'Assemblée nationale a adopté le 17 novembre dans la soirée l'ensemble du projet de loi de finances (PLF) 2011 par 169 voix pour (UMP-Nouveau Centre) contre 68 (PS-PCF-Verts). Le vote a eu lieu dans la douleur, suscitant de vives protestations à gauche mais aussi dans la majorité. Le ministre du Budget, François Baroin, a en effet demandé une seconde délibération sur 39 amendements adoptés pendant les longues heures de discussion à l'Assemblée, estimant qu'ils compromettaient la politique de réduction des déficits du gouvernement. "Je suis rapporteur du budget depuis 2002. C'est la première fois que nous avons une seconde délibération remettant en cause autant de votes de notre assemblée", s'est ému Gilles Carrez (UMP), soutenu par François Sauvadet (Nouveau Centre). "Nous avons consacré des heures et des heures à débattre de sujets importants. Que fait le gouvernement ? Il remet tout en cause. C'est un mépris du Parlement", a protesté le député PS Pierre-Alain Muet.

"Complexité supplémentaire pour les entreprises"

De nombreux amendements annulés concernent les collectivités.  Le gouvernement a ainsi demandé l'annulation de plusieurs amendements du rapporteur général du budget relatifs à la réforme de la taxe professionnelle, adoptés deux jours plus tôt par les députés. Ces amendements, qui entendaient revenir sur certaines dispositions fiscales concernant la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), avaient pour partie été votés contre l'avis du gouvernement (lire ci-contre notre article du 16 novembre). Il s'agit notamment de l'amendement qui proposait de calculer le taux de la CVAE au niveau du groupe fiscal et non plus de chaque filiale d'un groupe. Argumentaire de François Baroin : la mesure proposée par les députés "introduit une complexité supplémentaire pour les entreprises" et "pénaliserait tout particulièrement les groupes intégrés de taille moyenne ou petite, alors qu’elle serait sans effet pour les groupes de taille importante dont les filiales seraient déjà toutes imposées au taux maximum de 1,5%". Même sort pour l’amendement qui prévoyait de répartir la CVAE entre les collectivités et leurs EPCI en se plaçant au niveau du groupe : "Aucun élément ne permet aujourd’hui d’affirmer que la structure économique d’un groupe intégré fiscalement favorise certains territoires ou en pénalise d’autres. La plupart des opérations intragroupe n’ont pas d’effet sur la répartition territoriale de la valeur ajoutée", a assuré le ministre.
Les députés avaient en outre modifié les règles de répartition de la CVAE entre les collectivités, aujourd’hui défavorables aux territoires industriels, en prévoyant une répartition pour deux tiers sur la base des effectifs et pour un tiers sur la base des valeurs locatives des immeubles industriels. François Baroin a là encore fait annuler cette nouvelle répartition, estimant que cela aurait "abouti à déplacer territorialement de la valeur ajoutée, ce qui est en contradiction avec l’objectif recherché de renforcer le lien entre les entreprises et le territoire où elles sont implantées".

"Péché contre l’esprit"

La réduction de 8% à 4% des frais de gestion perçus par l'Etat sur la taxe d'enlèvement des ordures ménagères a aussi été annulée. Cela entraînerait "une perte de recettes d'environ 200 millions d'euros pour l'Etat, inenvisageable dans le contexte actuel", a justifié François Baroin. A la trappe également l'amendement qui autorisait les communes et EPCI de 50.000 à 100.000 habitants réalisant une infrastructure de transport collectif à relever le taux plafond du versement transport de 0,55% à 0,85%. "Pour encourager le développement des réseaux de transports et périurbains en province, le gouvernement préfère soutenir directement les projets de transports collectifs en site propre, plutôt qu'alourdir la fiscalité", a souligné le ministre. 
François Baroin a également demandé de revenir sur l'augmentation de 27 millions d'euros des crédits du Fisac (fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce) demandée par la députée d'Eure-et-Loir, Laure de La Raudière. Une ponction qui devait être effectuée "essentiellement sur les crédits de la Banque de France", a expliqué le ministre, estimant qu'il s'agissait là d'une "monnaie de singe". Il a assuré qu'en contrepartie, les crédits seraient mieux ciblés sur les zones rurales. Pour le même motif, François Baroin a souhaité que les députés reviennent sur un amendement du député de l'Aveyron Yves Censi, proposant d'augmenter de 3 millions d'euros les subventions allouées aux centres techniques industriels.
En revanche, le ministre a renoncé à demander la suppression des exonérations prévues pour les organismes d'intérêt général de plus de dix salariés installés en ZRR (zone de revitalisation rurale). Une mesure dont le gouvernement espérait une économie de 110 millions d'euros. De fait, le dispositif mis en place en 2005 pour soutenir le tissu associatif en milieu rural avait loupé sa cible puisqu'il bénéficie en réalité surtout aux grosses structures, de type hôpitaux et maisons de retraite. Mais de nombreux députés avaient mis en avant le manque à gagner qu'il en résulterait pour ces structures en milieu rural. "Je maintiens que c’est peut-être un péché contre l’esprit, dans un contexte singulier, de subventionner à hauteur de 60.000 euros des emplois déjà existants, a déclaré le ministre. Nous avons toutefois entendu le message fort, porté par une grande majorité d’entre vous, et plus particulièrement les élus des territoires ruraux – très nombreux – et de la montagne."

 

A.L, C.M. et M.T.