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Financement des PME - BPI : "un partenariat étroit Etat et régions"

Le projet de loi sur la future Banque publique d'investissement a été présenté en Conseil des ministres, le 17 octobre. La banque ouvrira ses portes en janvier 2013 avec une force de frappe d'environ 42 milliards d'euros. Comme prévu, les régions y seront étroitement associées : 90% des décisions devraient être prises en région, assure le gouvernement.

C'est le triomphe du modèle allemand que le président de l'Association des régions de France (ARF), Alain Rousset, porte en étendard depuis des mois. Du Premier ministre Jean-Marc Ayrault au ministre de l'Economie Pierre Moscovici, c'est bien lui qui doit inspirer la Banque publique d'investissement (BPI) dont le projet de loi a été présenté en Conseil des ministres, mercredi 17 octobre. "Six mois après sa prise de fonction, l'engagement présidentiel de créer une Banque publique d'investissement est tenu, s'est félicité Jean-Marc Ayrault, lors du conseil. Il en existe ailleurs, je pense en particulier à l'Allemagne, qu'on prend souvent comme référence en ce qui concerne la compétitivité, le dynamisme économique et en particulier dans l'industrie." Un modèle qui aurait permis l'émergence du "Mittelstand", ce réseau d'entreprises de tailles intermédiaires (ETI) qui fait défaut en France. Selon Pierre Moscovici, d'autres pays comme la Grande Bretagne souhaiteraient s'engager dans la même voie pour financer leurs entreprises…

90% des décisions en région

En Allemagne, les länder sont actionnaires des Caisses d'Epargne et peuvent imposer des clauses de territorialité dans l'octroi des fonds aux entreprises. Il y a quelques mois encore, les régions auraient voulu, elles aussi, pouvoir entrer au capital des entreprises, comme le font leurs homologues allemands. Mais elles ont préféré rassembler leur force pour s'imposer dans le projet de BPI, reconnaissant aujourd'hui avoir connu des négociations difficiles avec Bercy. Mais le résultat est là :"90% des décisions financières de la BPI seront prises en régions", a assuré Pierre Moscovici, lors d'une conférence de presse à l'issue du Conseil des ministres. "La BPI n'est pas un machin parisien lointain et lourdement étatique, mais une structure qui associe en un partenariat étroit l'Etat et les régions", a-t-il ajouté.
Cette présence des régions va se manifester à plusieurs niveaux. C'est confirmé : Alain Rousset présidera le conseil national d'orientation de la BPI. Ce conseil participera à la définition des choix stratégiques de la banque ; il associera les partenaires sociaux. Deux représentants des régions siégeront à son conseil d'administration qui, lui, sera présidé par le directeur général de la Caisse des Dépôts Jean-Pierre Jouyet. Au niveau local, les régions seront à la tête de comités régionaux d'orientation qui s'aligneront sur les prescriptions des schémas régionaux de développement économique. En revanche, le nom du futur directeur de la BPI n'est pas encore arrêté, mais un candidat s'impose : Nicolas Dufourcq, actuel directeur général adjoint de Capgemini, a été nommé "préfigurateur" de la future direction. "Je dis bien préfiguration parce qu'on n'en est pas au stade de la nomination, puisque cette nomination ne pourra intervenir qu'après l'avis des commissions parlementaires", a insisté Jean-Marc Ayrault.
La BPI ne sera pas créée ex nihilo : elle sera constituée en holding ayant le statut de compagnie financière dont l'Etat et la Caisse des Dépôts seront actionnaires à parité. Elle regroupera Oséo, CDC Entreprises et le FSI… Quant à la banque de l'industrie créée en début d'année, elle sera absorbée automatiquement par la nouvelle structure.

Une force de frappe de 42 milliards d'euros

La BPI disposera d'une force de frappe d'environ 42 milliards d'euros : une capacité de 20 milliards de prêts et de 12 milliards d'euros de garanties, ainsi que dix milliards d'intervention en fonds propres en cinq ans. A cela s'ajoute un soutien à l'innovation de l'ordre de 600 millions d'euros, sans compter les moyens propres aux régions lorsqu'elles le souhaiteront. La BPI pourra aussi se refinancer avec une ligne de crédit de 10 milliards d'euros sur les fonds d'épargne, grâce au doublement du plafond du livret de développement durable cet été.
Le gouvernement compte ainsi combler les défaillances du financement des entreprises, qu'elles soient "financières" (resserrement du crédit), "institutionnelles" (empilement des outils actuels) ou "stratégiques" (éparpillement des forces). La BPI sera un "outil de croissance offensif au service des PME, des PME industrielles et des établissements de taille intermédiaire", a déclaré Pierre Moscovici. Elle aura les "pieds dans les territoires" autour de guichets uniques régionaux proposant toute la gamme d'outils de financement : prêts, garanties, interventions en fonds propres, aide à l'innovation… Elle intègrera aussi les instruments de soutien à l'export. "Il eut été paradoxal que la BPI récupère l'innovation et ne dispose pas du volet international", a souligné Nicole Bricq, la ministre du Commerce extérieur. Elle s'inscrira dans une logique de filières. On savait qu'un compartiment de 500 millions d'euros serait réservé à l'Economie sociale et Solidaire, mais la BPI devrait en fait être organisée en fonds sectoriels : conversion numérique, transition écologique, entreprises des quartiers... Pour Arnaud Montebourg, "le redressement productif se fera secteur par secteur par la mise en commun des intelligences". "Les fonds filières vont réensemencer le tissu d'entreprises petites et moyennes sur le territoire", a déclaré le ministre du Redressement productif.
Le projet de loi sera présenté au Parlement avant la fin de l'année. La banque tiendra son premier conseil d'administration dans la foulée, dès le mois de janvier, "dans une capitale régionale" a suggéré Pierre Moscovici. Les premiers guichets régionaux seront expérimentés à cette date.