Objectifs ZAN : des documents d’urbanisme à la planification long terme, comment les collectivités peuvent-elles se préparer ?

Les objectifs de la démarche Zéro Artificialisation Nette (ZAN) devraient porter un sérieux coup d’arrêt à la bétonisation et aux changements d’usage des sols sur le territoire français. Alors que le parlement a approuvé le 13 juillet dernier la proposition de loi visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs ZAN, les trajectoires de réduction, courant jusqu’à 2050, sont déjà connues. Quel impact auront ces décisions sur les collectivités ? De la modification des documents de planification à l’élaboration d’une stratégie long terme de sobriété foncière, comment peuvent-elles s’y préparer ?

Pourquoi la lutte contre l’artificialisation des sols devient une priorité

L’artificialisation des sols, c’est-à-dire l’aménagement faisant perdre au sol naturel, agricole ou forestier certaines de ses fonctions (sur le cycle naturel de l'eau, de l'air et des substances organiques et minérales), représente en moyenne 20 000 hectares par an en France. Selon Eurostat, un Français occupe en moyenne 443 m2 de terres artificialisées… des chiffres dont la progression ne se corrèle pourtant pas à l’évolution démographique de l’Hexagone. D’autant que les impacts négatifs de cette artificialisation sont bien réels : érosion de la biodiversité, aggravation du risque de ruissellement et de sinistre naturel, limitation du stockage carbone… Conscientes de ces conséquences, les instances gouvernementales imposent un nouveau cadre juridique à cette artificialisation. Cette volonté ne date pas d’hier : dès 2000, la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (« SRU ») a réformé les documents d'urbanisme, en mettant l'accent sur l'élaboration d'un diagnostic et d’un véritable projet foncier à l’échelle des territoires.  

Les objectifs ZAN doivent maintenant permettre à ces territoires de franchir un nouveau palier avec pour socle la loi « Climat et Résilience » du 22 août 2021. Celle-ci fixe une trajectoire et des échéances au niveau national, comme l’objectif de réduction de moitié de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers entre 2021 et 2031, puis l’atteinte du « zéro artificialisation nette des sols » d’ici 2050 (en compensant notamment par de la renaturation). La loi du 20 juillet 2023 sur l’artificialisation des sols fixe quant à elle les modalités pratiques pour faciliter la mise en œuvre des objectifs ZAN. Cela passe notamment par la création d’instances de pilotage (les « Conférences régionales de gouvernance ») associant collectivités territoriales, départements et représentants de l’état. Les trois décrets d’application n°2023-1096, 1097 et 1098 précisent également les modalités de calcul de l’artificialisation dans les régions : ces dernières incluent par exemple les opérations de renaturation qui seront menées par les collectivités d’ici 2031, tandis que les grands projets nationaux (ligne ferroviaire, centrale nucléaire…) seront comptabilisés à l'échelle nationale dans une enveloppe forfaitaire.

 

Le cadrage législatif lié au ZAN reste relativement récent ; nous (acteurs de l’aménagement public comme privés) « apprenons tous en marchant ». Chacun prend progressivement conscience que le foncier naturel constitue une ressource rare qu’il faut protéger, surtout s’il est fertile et riche en biodiversité. Les collectivités ont encore besoin de développer une vision long terme sur l’usage de cette ressource.

Céline Lains, Expert sobriété foncière et aménagement durable

Un important travail de planification dans les territoires 

La trajectoire de réduction proposée par les objectifs ZAN impacte fortement la gestion des territoires, et en premier lieu leurs documents d’urbanisme. 

  • les schémas régionaux (SRADDET, SDRIF, SAR, PADDUC) doivent intégrer et territorialiser ces objectifs d’ici novembre 2024. 
  • les schémas de cohérence territoriale (SCoT) devront appliquer la trajectoire ZAN en répartissant les objectifs sur chaque PLU d’ici février 2027. 
  • les PLU et cartes communales doivent être adaptés avant le 22 février 2028, en redéfinissant par exemple le coefficient d’occupation des sols, sur quelles zones réaliser ou non des opérations de création de logement, de zones commerciales, le tout en fonction des caractéristiques des sols. 

Ce travail de planification pose une grande question : celle de l’organisation de la gouvernance du ZAN qui impose un cadre coopératif particulier via les conférences régionales. Il oblige par ailleurs à développer une vision prospective et stratégique des territoires (basées sur les modèles démographiques et économiques à long terme). Les communes se trouvent aujourd’hui au cœur des objectifs ZAN, car elles détiennent la compétence en matière de délivrance des permis de construire et d’évolution du plan local d'urbanisme (PLU). Elles ont donc pour tâche d’identifier les fonciers artificialisés et leurs propriétaires, les besoins en construction à horizon 10 ou 20 ans… mais aussi les zones particulièrement exposées au dérèglement climatique (sols argileux, fronts de mer, etc.).

Les objectifs ZAN, qui limitent de facto les sols à artificialiser, vont très certainement pousser les collectivités à adapter leurs pratiques d’investissement. Tandis que les acteurs privés acquièrent de la réserve foncière pour poursuivre leurs activités, le secteur public doit lui aussi investir et « sanctuariser » du foncier pour le bien commun : construction de logements abordables, aménagement d’espaces d’activité économique, etc.

Céline Lains, Expert sobriété foncière et aménagement durable

La Banque des Territoires accompagne les collectivités dans leurs trajectoires de sobriété foncière 

Depuis plusieurs années déjà, la Banque des Territoires s’engage auprès des collectivités souhaitant faire émerger sur leur territoire des projets en lien avec les objectifs ZAN. Cet accompagnement se base sur quatre piliers : 

  • Des actions de sensibilisation et de formation 

Le travail de sensibilisation est effectué auprès des acteurs publics via des guides, documents et rencontres, notamment sur le sujet crucial de la réserve foncière. Certaines actions de formation sont par de plus cofinancées pour les EPL ou les EPCI. 

  • Une aide au pilotage de la ressource

La Banque des Territoires aide les collectivités à élaborer leur planification et à optimiser la qualité de leurs ressources pour servir l’intérêt général. Des études de planification sont par exemple menées avec des établissements publics fonciers (en association avec les collectivités) dans les Hauts-de-France, en Vendée ou Nouvelle-Aquitaine afin d’identifier le foncier disponible et développer une stratégie foncière de long terme.  

Outre son offre sécurisée de consignation pour les collectivités locales (préemption, expropriation…), la Banque des Territoires travaille aussi au déploiement du portail foncier @zae qui cartographie les zones d’activité économique des collectivités. Le portail, en développement continu, évoluera pour apporter une connaissance globale du foncier à travers la France. 

Aujourd’hui, la Banque des Territoires souhaite financer à la fois les projets déjà prêts à être mis en œuvre, et l’acquisition de terrains pour des opérations de long terme via des prêts à maturité plus longues, comme le SFIL, qui préservent l’équilibre économique des territoires.  

Le Prêt Gaïa permet quant à lui de financer les acquisitions foncières et les opérations de viabilisation dédiées à la réalisation de logements sociaux. 

  • Un soutien au développement urbain durable

Les collectivités peuvent avoir besoin de soutien lors de la réalisation de leurs opérations foncières : avec ses crédits d’ingénierie, la Banque des Territoires encourage les projets de bâti incluant une approche durable. Accompagner les collectivités signifie aussi s’ouvrir à de nouveaux modes de financement, comme l’investissement dans des structures de portage foncier à moyen et long terme. La Banque des Territoires a par ailleurs rejoint la foncière de compensation Herman, et mène plusieurs réflexions pour intervenir en tant qu’investisseur dans des foncières consacrée au réaménagement des entrées de ville, à la reconversion de friches ou encore à la recomposition de certains territoires (notamment sur les littoraux impactés par le retrait du trait de côte).  

  • Une participation à la renaturation / désartificialisation du foncier   

Pour de nombreuses collectivités, les objectifs ZAN pourront être atteints en renaturant certaines zones qui viendront compenser l’artificialisation d’autres espaces. La Banque des Territoires cherche donc à favoriser cet équilibre en participant à des études de compensation et à des expérimentations visant à accélérer le développement d’opérations de renaturation de sites artificialisés.

Céline Lains

Expert sobriété foncière et aménagement durable

Après un parcours mixte dans le secteur privé et dans le secteur public de l'immobilier et de l’aménagement, Céline Lains est entrée à la Caisse des Dépôts en 2021 en tant que Directrice de projet Village des athlètes JOP 2024. Elle est aujourd’hui chargée de la mise en œuvre de la mesure sobriété foncière au sein de la Banque des Territoires. Céline accompagne ainsi des partenaires de la banque dans leur trajectoire de sobriété foncière : ingénierie, définition des modèles juridiques et financiers de portage foncier, mais aussi recherche pour la création et le financement d'outils innovants d'aménagement durable. Elle est titulaire d’un Master en droit immobilier et de la Construction de l’Université Paris II Panthéon Assas. 

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