Très haut débit - Bilan d'étape positif aux Etats généraux des RIP
"Nous ne pouvons que saluer le retour de l'Etat stratège !" Appelé à s'exprimer dans le cadre des deuxièmes Etats généraux des RIP (réseaux d'initiative publique), le 25 mars dernier, à Deauville, le président de l'Avicca (Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel), Yves Rome, par ailleurs sénateur et président du conseil général de l'Oise, n'a pas caché sa satisfaction au sujet de la feuille de route du gouvernement sur le numérique et du plan national Très Haut Débit annoncés en février. Et d'en profiter pour évoquer les lourds investissements déjà consentis par les collectivités membres de l'Avicca pour créer des RIP : 3,5 milliards d'euros !
Un bon début, mais un début seulement au regard des enjeux. Puisque ces RIP doivent à terme - d'ici dix ans - offrir l'accès au très haut débit (THD) à quelque 43% de la population qui vit là où la dispersion de l'habitat rend les investissements particulièrement onéreux. Les 57% restant, zones dites "très denses" et zones "Amii" (1), devant être équipés grâce aux investissements des opérateurs privés. Or, pour l'heure, "les 33 territoires desservis par les RIP concentrent une population de 19,9 millions d'habitants, répartis sur 9.300 communes", selon Karen Le Chenadec, directrice du département Développement numérique des territoires à la Caisse des Dépôts, actionnaire de l'ensemble de ces réseaux et "partie prenante du plan national" qui débute.
Accompagnement financier
Insuffisant donc. Mais le déploiement du THD sur l'ensemble du territoire devrait s'accélérer. C'est ce qu'a rappelé, devant l'assistance de ces Etats généraux, le directeur de la mission Très Haut Débit, Antoine Darodes : "Le gouvernement a fixé trois objectifs clairs, que sont l'équipement de 100% du territoire en FTTH (Fiber to the home) à très long terme(2), la couverture intégrale du territoire en très haut débit d'ici à 2022 et, enfin, la vigilance quant au risque d'accroissement de la fracture numérique entre les territoires THD et les autres, pas toujours éligibles au haut débit simple."
Et de repréciser le calendrier et les dispositifs destinés à accompagner ces objectifs ambitieux, comme une enveloppe de prêts "au taux probablement à peine supérieur à 3% et peut-être assortis de différés de remboursement", une enveloppe de subventions de 3 milliards d'euros pour financer les projets aux côtés des collectivités "à 50% en moyenne", une structure de pilotage qui prendra la forme d'un établissement public à l'horizon 2014, une mission d'évaluation pour l'expérimentation de l'extinction des réseau en cuivre menée à Palaiseau, la réouverture du guichet d'instruction des dossiers de subventions déposés par les collectivités territoriales, "à la fin du mois d'avril"...
Des industriels impatients
De quoi rassurer et encourager même grandement les collectivités, qui en ont parfois profité pour avancer elles-mêmes quelques pistes, comme "des subventions territoriales aux opérateurs sous la forme d'avances remboursables, pour pouvoir réinvestir ensuite", dixit André Friedenberg, conseiller régional de Rhône-Alpes. Mais ces annonces montrent encore des effets limités sur les industriels et opérateurs, plus sensibles, eux, au calendrier d'extinction des réseaux cuivre (entre autres), dont l'imprécision actuelle pénaliserait "les investissements, étrangers notamment". L'enjeu économique semble pourtant de taille. La nouvelle Fédération des industriels des RIP, créée fin 2012, annonce qu'elle rassemble à elle seule "36 membres et 12.000 personnes, dont 3.000 créations d'emploi dédiées". SFR parle déjà de près de 200 millions d'euros de chiffre d'affaires réalisés en tant que fournisseur d'accès via les RIP existants. Et l'ensemble des acteurs évoquent les immenses possibilités de services à la portée des utilisateurs lorsque la fibre sera généralisée, de l'e-santé à l'e-éducation en passant par l'e-administration, la domotique, etc.
D'ailleurs, comme l'a souligné le maire de Deauville, Philippe Augier, hôte de ces Etats généraux, "nous ne connaissons pas encore tous les usages qui seront, demain, ceux d'une population pour laquelle les échanges de données et de flux symétriques seront beaucoup plus élevés qu'aujourd'hui". Des usages au cœur d'un prochain rendez-vous, le forum national Printemps numérique, à Compiègne, les 15 et 16 mai prochains.
Laurent Brémond
(1) Zones exclusivement réservées à l'initiative privée, définies dans le cadre règlementaire du très haut débit élaboré en juin 2010.
(2) 2 millions de logements seraient actuellement éligibles à la fibre optique jusqu'à l'abonné (FTTH), pour 250.000 foyers abonnés.