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Habitat - Bien dans son quartier, bien dans son logement ?

Les Français sont globalement satisfaits de leur cadre de vie : leur quartier, leur logement... avec, évidemment, de fortes nuances en fonction de leur lieu de résidence et de leur situation personnelle (âge, famille, emploi, etc.). Une étude du CGDD s'est penchée sur ces perceptions subjectives, qui s'éloignent parfois des discours sur la "ville désirable". Notamment s'agissant du "bien-être" dont témoignent les habitants des zones périurbaines.

Le commissariat général au Développement durable (CGDD) publie dans ses cahiers Etudes et documents un travail original et stimulant intitulé "Type d'habitat et bien-être des ménages". S'appuyant sur les résultats de l'enquête logement 2006 de l'Insee, l'étude entend identifier "les principaux facteurs qui favorisent le sentiment de bien-être dans son quartier" et - de façon plus ambitieuse encore - "brosser un portrait de la ville désirable selon les ménages". L'originalité de ce travail est de recourir à une variable éminemment subjective - une note de 1 à 10 donnée à leur quartier par les ménages interrogés -, puis de rapprocher ces résultats qualitatifs d'un certain nombre de données objectives à caractère géographique ou sociodémographique.
Premier enseignement : les Français sont globalement satisfaits de leur quartier, avec une note moyenne de 7,67 sur 10. Près des deux tiers d'entre eux (65%) décernent même une note supérieure à 8. Mais ce bon résultat d'ensemble recouvre des différences significatives. Ainsi, les maisons dispersées ou en lotissement reçoivent une note moyenne de 8 sur 10, contre 7,4 pour l'habitat mixte ou les immeubles en ville (avec une exception pour Paris, qui recueille une meilleure note que sa périphérie) et seulement 6,6 pour les cités ou les grands ensembles, voire 5,89 pour les logements situés en zone urbaine sensible (ZUS). Certes, mobiliser l'Insee et les experts du CGDD pour constater que les Français préfèrent un pavillon dans un quartier tranquille à un logement collectif dans une cité difficile pourrait facilement passer pour un mésusage des deniers publics...
Mais l'étude ne s'arrête heureusement pas là. Elle montre, par exemple, que l'âge est également un facteur discriminant : "Plus les ménages progressent en âge, plus ils apprécient leur quartier et leur logement." La note moyenne donnée aux quartiers va ainsi de 7,2/10 chez les moins de 25 ans à 8,1 chez les 80 ans et plus. On peut bien sûr penser que l'amélioration - en principe - des revenus au fil de l'âge permet aux ménages d'accéder progressivement à des logements plus conformes à leurs souhaits. Mais la réalité est parfois plus complexe. Ainsi, la progression de la note en fonction de l'âge est nettement plus rapide chez les personnes vivant dans des cités ou des grands ensembles. Comme si le fait de vivre dans ce type de quartier était une réponse à la crainte de l'isolement qui saisit nombre de personnes âgées fragilisées.

Plus je suis loin, mieux je vis

La présence d'enfants au sein du ménage influe aussi sur la perception du quartier et du logement. Les ménages concernés se montrent favorables à la maison individuelle, mais dans des proportions proches de celles du reste de la population. En revanche, ils rejettent très nettement - et de façon beaucoup plus prononcée que le reste de l'échantillon - les cités et les grands ensembles. Le critère géographique discrimine, lui aussi, les perceptions. Ainsi, "pour toutes les aires urbaines à l'exception de Paris, plus les ménages s'éloignent du centre, plus ils semblent satisfaits de leur cadre de vie, avec un écart moyen entre ville-centre et périurbain de 0,6". Un résultat qui tranche nettement avec le mal de vivre supposé et les difficultés de transports - bien réelles - des habitants des zones périurbaines. Au contraire, quelle que soit la catégorie socioprofessionnelle (CSP), le périurbain est toujours préféré à la banlieue, elle-même préférée à la ville-centre. L'appréciation de cette dernière apparaît très liée aux revenus et, par conséquent, aux conditions de logement auxquels ils permettent d'accéder. Cadres et artisans attribuent ainsi à la ville-centre une note moyenne de 7,6/10, alors que cette note n'est que de 6,8 pour les ménages les moins favorisés, les personnes sans activité professionnelle et les ouvriers. Enfin, les résultats de l'étude contredisent la perception commune qui voudrait que l'étalement urbain et l'habitat individuel contribuent à l'appauvrissement des relations sociales. Le CGDD montre au contraire que, dans toutes les CSP, la satisfaction exprimée sur les relations de voisinage est la plus élevée dans le périurbain.
Dans la seconde partie de l'étude, le CGDD se livre à une approche plus économétrique, afin d'identifier les variables environnementales influant sur la perception des ménages. Deux d'entre elles ont "un fort pouvoir explicatif" : la sécurité et la qualité des relations sociales. Certaines variables ont également une influence sur les perceptions : la qualité de l'environnement proche, la présence d'espaces verts, la qualité de l'air et l'entretien des espaces publics. Enfin, certaines - que l'on se serait attendu à trouver en plus haut rang - sont "significatives mais d'une plus faible magnitude", comme la présence de commerces ou l'accessibilité en transport en commun. La présence et le rôle croissants de la voiture au fur et à mesure que l'on s'éloigne de la ville-centre expliquent sans doute pour partie ce résultat.