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Habitat - Les difficultés liées au logement contribuent au sentiment de déclassement social

Le Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (Credoc) publie les résultats d'une étude intitulée "La crise du logement entretient le sentiment de déclassement social". Celle-ci s'efforce de mesurer l'impact du renchérissement et de la crise du logement sur la perception qu'en ont les Français.

Côté objectif : un certain nombre de faits qui attestent le poids croissant du logement. Le prix de logements a ainsi été multiplié par 2,5 depuis quinze ans alors que le montant des revenus n'était multiplié que par 1,6. Cet écart se retrouve également en matière de loyers, contribuant à l'accroissement de la part des dépenses de logements dans les dépenses des ménages. En cinquante ans, le prix des loyers a été multiplié par 18, celui des charges par 26 et ceux de l'immobilier par 55, alors que les prix à la consommation n'étaient multipliés que par 10. Ces écarts sont d'autant plus mal ressentis que la qualité des logements n'a pas progressé au même rythme. Près d'un tiers des Français (32%) déclarent ainsi que leur logement souffre d'un "défaut majeur de qualité" (toit percé, humidité dans le logement, installation de plomberie ou électrique défectueuse, voire absence de sanitaires). Ce chiffre est supérieur à la moyenne européenne de 26%.

Côté subjectif, ce décalage croissant crée, chez les Français, une perception du logement comme un facteur de déclassement social : la perspective de devenir propriétaire semble s'éloigner, le champ des logements accessibles se restreint, la consommation de logement (location ou acquisition) se fait au détriment d'autres consommations, les jeunes peinent à quitter le domicile parental...

Si elles sont assez largement partagées, ces perceptions restent toutefois très corrélées au niveau de revenus. Les plus sensibles à ce sentiment sont les catégories modestes (de 780 à 1120 euros par mois et par personne au foyer). Elles ont en effet 61% à déclarer que leurs dépenses de logement constituent une "lourde charge", une "très lourde charge" ou "une charge à laquelle ils ne peuvent faire face". Cette proportion n'a cessé de croître depuis trente ans, passant de 44% en 1980 à 49% en 1990 et 51% en 2000. Egalement très forte chez les catégories pauvres (51%), les classes moyennes inférieures (50%) et supérieures (43%), elle n'est en revanche que de 31% chez les catégories aisées (en légère diminution depuis trente ans) et de 21% chez les hauts revenus (plus de 3.100 euros par mois et par personne au foyer), au sein desquels elle a fortement et régulièrement diminué en trente ans (28% en 1990).
L'étude du Credoc montre également une forte corrélation entre la situation personnelle par rapport au logement et l'existence d'un sentiment de déclassement social. Plusieurs éléments accroissent ainsi ce sentiment : ainsi, toutes choses égales par ailleurs (et notamment à revenus équivalents), une personne locataire a deux fois plus souvent un sentiment de déclassement qu'un propriétaire (que celui-ci soit accédant ou sans emprunt). De même, augmentent la probabilité d'avoir un sentiment de déclassement le fait d'habiter dans un appartement (probabilité de 1,4 contre 1 en maison individuelle), ou celui de disposer de moins de deux pièces par personne (1,5 contre 1).

Cette perception très négative du logement comme facteur de déclassement social est d'autant plus à souligner qu'une part importante de la population (37,5%) est épargnée par la crise du logement, car pleinement propriétaire de son logement, sans emprunt à rembourser. Le Credoc explique ce décalage par le blocage des parcours résidentiels. Ainsi, même si l'on possède pleinement son logement, on risque néanmoins de devoir renoncer à un autre plus adapté à sa situation (par exemple plus grand après avoir eu des enfants), en raison de la hausse des prix et des loyers.

 

Jean-Noël Escudié / PCA