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Bars-restaurants : comment intégrer les terrasses dans l'après-Covid ?

Les terrasses se sont multipliées de manière parfois anarchique et non esthétique lors de la crise sanitaire, dans le contexte de fermetures des intérieurs de bars et restaurants. Lors d'une webconférence organisée le 15 novembre 2022, l'association Centre-ville en mouvement a donné la parole aux acteurs locaux qui tentent de réguler le phénomène. Objectif : intégrer les terrasses dans l'espace public, tout en préservant l'outil d'exploitation, ces lieux participant largement au chiffre d'affaires des établissements.

 

Les périodes de confinement et de fermetures de restaurants et de bars en intérieur durant la crise sanitaire ont contribué à la multiplication des terrasses. Ces fameuses "terrasses Covid" ont permis aux restaurateurs de compenser un peu les pertes liées à la crise sanitaire, et elles continuent à jouer un rôle majeur dans les chiffres du secteur. D'après le dernier baromètre du centre-ville et des commerces, neuf Français sur dix considèrent que les terrasses sont un lieu de convivialité et contribuent à l'économie du centre-ville (voir notre article du 3 novembre 2021). Mais comment mieux encadrer leur emprise sur la ville, leur intégration au patrimoine et comment éviter les nuisances, notamment sonores, qu'elles peuvent provoquer ? C'est à ces questions que s'est intéressé Centre-ville en mouvement lors d'une webconférence organisée le 15 novembre 2022 sur le thème "Terrasses, éléments essentiels de nos centres-villes !".

"On est sur un sujet qui est vaste, qui est fonction de la géographie. Une terrasse à Paris, ce n'est pas la même chose qu'une terrasse à Aix-en-Provence, et une terrasse dans une grande ville ce n'est pas la même chose qu'une terrasse dans un petit village, a expliqué Hervé Caranobe, manager de centre-ville au Plessis Robinson. Au fil du temps on a essayé d'avoir dans le nord les mêmes terrasses qu'au sud, notamment avec les chauffages qui sont interdits maintenant mais qui fonctionnent parfois encore dans certains endroits ! La terrasse est devenue obligatoire pour faire du chiffre, comme un prolongement de l'établissement ; on a un peu dénaturé la chose."

Des terrasses pas totalement exploitées

Autres problèmes : leur intégration à l'espace public pour respecter le style et ne pas dénaturer la ville (on se souvient des terrasses bricolées durant le Covid), l'espace occupé par rapport aux autres usages du centre-ville (place pour les piétons, pour les voitures, les livraisons…) et les nuisances sonores, les clients des terrasses s'attardant souvent le soir, même une fois le bar fermé. "Il ne faut pas que la terrasse soit un élément de décor mais un élément constitutif de l'espace public, selon Hervé Caranobe. Certaines terrasses ne sont pas totalement bien exploitées."

D'après les chiffres produits récemment à Aix-en-Provence concernant l'occupation des terrasses sur plusieurs semaines en juillet le midi, sur les 201 terrasses étudiées, presque 20% sont vides (et presque toujours les mêmes), 30% sont remplies à un tiers, 37% sont remplies aux deux tiers, 7% seulement sont remplies totalement et 6% sont fermées. "Est-ce que le commerçant a absolument besoin d'avoir une terrasse pareille ? Est-ce qu'il ne serait pas mieux de la réduire un peu ? Ce sont des paramètres à prendre en compte dans les demandes de terrasses, il est intéressant de questionner le commerçant, de savoir pourquoi il veut une terrasse et ce qu'il veut en faire."

Des chartes pour coordonner les terrasses aux espaces publics

Pour essayer de réguler ce domaine, des villes se sont lancées dans l'élaboration de chartes. Exemple avec la ville de Rennes qui dispose d'une telle charte depuis 2019. Parmi les mesures prises : l'interdiction des chauffages en terrasse depuis le 1er janvier 2020, soit avant l'interdiction nationale (voir notre article du 31 mars 2022) et l'interdiction des barnums à partir du 1er janvier 2022. Ils doivent être remplacés par du mobilier esthétique comme des parasols, des stores, ou des paravents souples, transparents. "Nous avons été la première ville à interdire tout chauffage dans les terrasses et cela s'est très bien passé, nous avons aussi demandé la suppression des barnums inesthétiques, on a voulu libérer le patrimoine, a indiqué Émilie Michaud, chargée de mission commerce centre-ville de Rennes. Il y a eu un bras de fer avec les architectes des Bâtiments de France pour notamment obtenir d'avoir un ancrage au sol plus solide." Le guide permet de coordonner les différents espaces publics. "Nous n'imposons pas les couleurs mais le choix du matériel pour coordonner les places, a expliqué la chargée de mission. Il s'agit de s'appuyer sur les forces de chaque place, et de voir comment la terrasse peut se décliner, en conciliant l'esthétique et l'outil d'exploitation." La charte a été élaborée en mettant toutes les parties prenantes autour de la table dans une grande phase de concertation.

Des médiateurs pour les clients nocturnes

Pour les clients de la nuit, la ville a mis en place des médiateurs qui font la fermeture des bars et incitent les clients à ne plus stationner devant les entrées. "Ce n'est pas facile mais il y a une amélioration de ce côté. L'idée n'étant pas de rendre la ville déserte (c'est une ville étudiante) pour éviter les gros développements en périphérie", a insisté Didier Le Bougeant, adjoint à la mairie de Rennes, délégué au commerce et à l'artisanat. Dans ce domaine, la ville a fait retirer les tonneaux et mange-debout, qui étaient source de nuisances, pour des tables et chaises.

Et comment faire respecter ces chartes ? "La ponction au portefeuille, a indiqué Didier Le Bougeant. Nous avons négocié une graduation des sanctions avec l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (Umih), avant la fermeture de quinze jours qui est un délai très long. Il y a une première mise en demeure et s'il y a une nouvelle effraction, il y a une suspension d'activité de trois jours du jeudi au samedi, les trois jours les plus rentables de la semaine." Depuis le 1er septembre 2022, la ville de Rennes a ainsi suspendu une douzaine de terrasses dont une durant une semaine entière. "Les sanctions sont de toute façon demandées par la profession dans un principe d'équité, a souligné le maire adjoint. Les commerçants sont intransigeants là-dessus."