Septième Baromètre du centre-ville : le pouvoir d’achat s’impose comme la priorité des Français
53% des Français sont inquiets pour leur pouvoir d'achat. C'est même leur premier sujet de préoccupation, selon le septième Baromètre du centre-ville et du commerce publié à l'occasion des Assises européennes du centre-ville. Au moment où l'inflation atteint des records, leur souci pour la vitalité des centres-villes s'étiole, même s'ils restent très majoritaires à considérer le soutien aux commerce de proximité comme un acte citoyen.
La vitalité de leur centre-ville devient moins un sujet de préoccupation pour les Français qui se soucient surtout de leur pouvoir d’achat et de la situation en Ukraine. C’est l’un des principaux enseignements du septième Baromètre du centre-ville et des commerces réalisé par l’institut CSA pour l’association Centre-ville en mouvement, à l’occasion des Assises européennes du centre-ville, les 28 et 29 juin, à Strasbourg. Cette enquête a été réalisée en mai 2022 à partir d’un échantillon national représentatif de 2.511 individus âgés de 18 ans et plus, auquel s’ajoute, comme chaque année, un "suréchantillon" de 745 habitants des communes d’Action cœur de ville (ACV), de manière à évaluer l’impact de ce programme de revitalisation des villes moyennes. Il en ressort que 53% des Français sont inquiets pour leur pouvoir d’achat. Pour un tiers d’entre eux, c’est même le principal sujet de préoccupation, devant la guerre en Ukraine (16%), la santé (12%), l’environnement (11%), l’insécurité (9%), les inégalités sociales (5%), l’emploi (4%)… L’inflation galopante qui touche le pays depuis des mois est bien ancrée dans les esprits. L’inquiétude est encore plus marquée chez les habitants des villes ACV (57% contre 53% au niveau national). "On a une situation d’extrême inflation avec un décalage sur l’évolution des salaires, tout cela est arrivé brutalement, sur fond de tensions géopolitiques. Le centre-ville est important, mais il faut d’abord pouvoir remplir son caddie", analyse le préfet Rollon Mouchel-Blaisot, directeur du programme ACV. Il faut dire aussi que la catastrophe annoncée n’a pas eu lieu : le commerce de centre-ville a plutôt tenu la barre grâce au "quoi qu’il en coûte" et à la forte mobilisation de l’État et des collectivités (exonérations de loyers, de taxes, prise en charge des livraison, bons d’achat, animation…). "On sent que le centre-ville résiste, les efforts déployés ont fait qu’il continue de se développer", considère Pierre Creuzet, le directeur de Centre-ville en mouvement.
"Les comportements ne sont pas linéaires"
La sensibilité des habitants pour la vitalité du centre-ville s’étiole et perd 4%, à 58% (c’est chez les cadres et les moins de 35 ans que le niveau reste le plus élevé). Et depuis 2019, la part des habitants pour qui la vitalité du centre n’est pas un sujet prioritaire a pris dix points, passant de 32 à 42%... D’ailleurs, c’est de moins en moins un sujet central dans les conversations. À noter que c’est dans la strate des villes de 50.000 à 100.000 habitants (grosso modo celle des villes ACV) que le sujet revient le plus souvent, ainsi qu’à Paris. L’attachement des Français à leur centre reste élevé (61%) mais s’effrite (-3%). Au cours des dix dernières années, ils ont plutôt le sentiment que leur centre-ville est en déclin (41%, +1%), soit une progression de 11% depuis 2016. À cette date, ils étaient au contraire 44% à considérer que leur centre-ville était dynamique (plus que 25% aujourd’hui).
Ces sentiments se traduisent aussi dans les comportements. La part des Français se rendant au moins une fois par semaine dans le centre-ville diminue légèrement (69% contre 73%). Plus d’un tiers des Français (36%) disent fréquenter moins souvent leur centre-ville, seuls 17% déclarent l’inverse. Le constat de l’an dernier se confirme : on vient en centre-ville pour trouver du lien social, mais pour ce qui est des achats courants, on préfère se rendre dans les centres commerciaux de périphérie (60%, +1). "Les comportements ne sont pas linéaires, souvent on fait les deux. D’ailleurs, la périphérie est souvent très importante en termes démographiques, la population peut y être plus nombreuse qu’en centre-ville, aller au supermarché c’est donc une facilité", commente Rollon Mouchel-Blaisot. Et puis ces résultats ont "un côté un peu paradoxal", estime-t-il, car "les élus témoignent d’un regain d’activité de leur centre, les marchés en ville ont repris de la vigueur". Ce que confirment les données de la start-up Mytraffic qui montrent depuis un an une augmentation de la fréquentation des centres-villes du programme ACV.
Acte citoyen
D'ailleurs, le fait de soutenir les commerces de proximité reste perçu comme un acte citoyen par 87% des Français (-2%) et ce quelle que soit la taille de l’agglomération. Les attentes envers les maires restent très fortes dans ce domaine. 88% des sondés estiment que la modernisation du centre-ville doit rester un objectif prioritaire ou important pour le maire (-1%). Ils sont presque aussi nombreux (80%) à considérer que le gouvernement doit aussi se saisir du sujet. L’acteur le plus légitime pour cette modernisation est bien le maire ou la municipalité (71%, -2%) suivi des commerces de proximité eux-mêmes (48%, +1). Viennent ensuite les citoyens, les associations, les entreprises, les conseils régionaux, les intercommunalités les départements et même les journalistes. La question de la redynamisation du commerce de proximité doit dicter l’avenir du centre-ville pour 39% des sondés, devant la sécurité, le stationnement, le cadre de vie, la propreté, l’accès à la santé, les conditions de circulation… Dans le contexte d’après-crise sanitaire, au-delà d’une offre de commerces (en particulier boulangerie, pharmacie et boucherie), les Français manifestent une réelle envie de profiter des espaces verts, des terrasses de restaurants et cafés. Ils sont d’ailleurs une majorité (53%) à dire préférer vivre dans une petite ville dans un futur proche. Les centres-villes paraissent de plus en plus connectés aux yeux des Français (40% contre 31% en 2018) dont les attentes restent fortes. Ils sont ainsi 44% à vouloir plus de wifi dans la rue.
Dans ce tableau brossé à grands traits, les 234 villes Action cœur de villes présentent des spécificités. Les habitants s’y sentent bien : ils sont 52% à se voir y vivre dans un avenir proche, contre 36% pour l’ensemble des villes moyennes. Ils sont plus sensibles que les autres à la vitalité du commerce de proximité (45% contre 39%). C’est chez eux que le sentiment du déclin du centre est le plus vivace (50% contre 41% au niveau national), un sentiment partagé également dans les villes de moins de 50.000 habitants. Ils sont également plus attachés que les autres à leur centre-ville et ce sentiment se renforce nettement (+6% à 70%, contre 61% au plan national). De plus, la notoriété du programme Action cœur de ville, lancé il y a près de cinq ans, progresse légèrement - 41% des Français en ont entendu parler (+1%) -, en particulier chez les habitants des villes du programme (51%, +2%). 79% de ceux qui le connaissent le juge utile (-4%). "Beaucoup de travail reste à faire, concède Rollon Mouchel-Blaisot. Nous ne prétendons pas avoir mis un terme à plusieurs décennies d’abandon. Ce sont aussi des habitants plus concernés par les difficultés des centres-villes, plus sensibles à la vacance commerciale, aux fermetures, à la démographique médicale…" Un défi pour la deuxième phase du programme qui s'ouvre cette année pour durer jusqu'en 2026.
Le préfet Rollon Mouchel-Blaisot remettra son rapport sur la poursuite du programme Action cœur de ville au gouvernement "mi-juillet". Chargé parallèlement par l’ex-ministre de la Cohésion des territoires de réfléchir à la requalification des entrées de villes, il rendra ses recommandations fin juillet. Deux missions complémentaires puisque le traitement des entrées de gares et des entrées de villes devraient figurer au rang des priorités de la deuxième phase du programme, comme l’avait demandé le président de la République lors de la rencontre nationale ACV du 7 septembre 2021. "Les entrées de villes sont des zones très complexes à traiter. On y trouve des zones périphériques en déshérence, des zones pavillonnaires diffuses, des friches, des boîtes à chaussure… Tous les symptômes de cette mauvaise organisation qui contribue à la 'France moche', souligne le directeur du programme. La requalification de ces zones est un sujet très important pour les communes." |