Baromètre "Les Français et l'eau" 2023 : les craintes de pénurie à l'avenir atteignent un nouveau record
L'édition 2023 du baromètre "Les Français et l'eau" réalisé par Kantar pour le Centre d'information sur l'eau (Cieau) traduit le pessimisme des consommateurs vis-à-vis de la quantité d'eau disponible dans les prochaines années, du fait du dérèglement climatique. Les personnes qui ont répondu à l'enquête se montrent en outre moins enclines à soutenir les efforts de sobriété mais comptent sur les solutions technologiques ou sur l'évolution de la réglementation pour faire face aux risques de pénurie. Elles anticipent en outre une augmentation du prix du service de l'eau, qu'elles jugent déjà "plutôt cher".
Depuis le lancement du baromètre annuel Kantar / Centre d'information sur l'eau (Cieau) sur "Les Française et l'eau", en 1996, jamais la crainte de manquer d'eau dans sa région ne s'était manifestée de manière aussi aiguë que dans l'édition 2023* de cette enquête d'opinion, dont les résultats ont été présentés ce 12 décembre. Alors que moins d'un tiers des consommateurs redoutait une pénurie en 1996, ce sont maintenant 71% des Français qui expriment cette crainte contre 69% en 2022 et 64% en 2021. La grande majorité estime que la ressource en eau est limitée au niveau mondial (81%) mais aussi en France (78%) et dans sa commune (65%). La faute au dérèglement climatique, pour 92% des personnes interrogées.
Les conséquences du changement climatique sont clairement identifiées par la majorité des personnes interrogées dans leur quotidien, qu'il s'agisse de l'accélération des sécheresses (58% contre 49% en 2022), de la baisse des cours d'eau (52% contre 42% en 2022), de l'augmentation des températures, même en hiver (51%) ou de la conviction qu'il y a de plus en plus de restrictions de l'usage de l'eau (31% contre 22% en 2022). Seule une petite minorité (11%) dit n'identifier aucun effet du dérèglement climatique contre 27% en 2022.
Préoccupations croissantes sur la qualité de l'eau
Si l'eau apparaît comme une ressource de plus en plus rare, sa qualité préoccupe aussi le plus grand nombre. Le taux de confiance dans l'eau du robinet est ainsi passée de 85% en 2022 à 78% en 2023. 78% jugent les normes suffisamment strictes (-3 points par rapport à 2022) et 66% considèrent que les contrôles sont suffisants (- 4 points). À cette légère érosion de la confiance dans les aspects réglementaires s'ajoute la perception accrue d'une pollution des ressources naturelles (73% contre 70% en 2022) et de l'impact de cette pollution sur la qualité de l'eau du robinet (70% contre 67%). 68% des personnes interrogées se disent convaincues que le dérèglement climatique peut avoir un effet sur la dégradation de l'eau du robinet. Les motifs d'insatisfaction liés au calcaire (68%) et à l'odeur et au goût de chlore (57%) tendent en outre à augmenter. L'impression que la qualité de l'eau s'est dégradée au cours des dix dernières années réunit désormais 23% des Français soit un bond de sept points par rapport à 2022. Mais plus des trois quarts restent confiants dans son évolution, jugeant que la qualité est restée stable ou s'est même améliorée.
La sobriété moins tendance
Autre nouveauté de l'édition 2023 : les personnes interrogées se disent moins enclines à poursuivre l'effort de sobriété et plus que jamais dans l'attente de solutions techniques. 77% estiment qu'il conviendra de modifier ses habitudes d’usage de l’eau pour s’adapter, soit 12 points de moins qu’en 2022. De même, plusieurs indicateurs relatifs aux comportements écoresponsables se tassent cette année, comme le fait de veiller aux fuites d’eau (78% contre 88% en 2022), prendre une douche courte au lieu d’un bain (78% contre 84%) ou encore utiliser des réducteurs de pression (41% contre 47%).
70% (contre 67% en 2022) attendent, dans le même temps, que l’on investisse dans des technologies qui permettraient de conserver le même confort d’usage de l’eau. La réutilisation des eaux usées traitées (REUT) apparaît notamment comme une solution largement admise. 80% des Français se disent ainsi prêts à consommer des fruits et légumes irrigués grâce à la REUT. L’installation de "compteurs intelligents" permettant de suivre sa consommation d’eau recueille aussi 76% d'opinions favorables.
Les réponses réglementaires sont envisagées par 51% lorsqu’il s’agit de réduire la consommation des particuliers, 70% pour limiter les usages professionnels (industriels ou agricoles) et, seulement, 40% pour faire payer plus cher les consommations les plus élevées. Enfin, 33% estiment qu’ils ne changeront rien à leurs habitudes, soit une progression de 6 points par rapport à 2022.
Concernant les habitudes de boisson, les ratios de consommation quotidienne sont toujours stabilisés en faveur de l’eau du robinet (66% des personnes interrogées déclarent boire quotidiennement de l’eau du robinet contre 48% pour l’eau en bouteille). Mais les Français restent des "buveurs mixtes", 72% buvant indifféremment de l’eau du robinet et de l’eau en bouteille.
Le spectre de la hausse des prix
85% des Français se disent attentifs à leurs consommations d’eau, d'abord pour des raisons financières (45% des réponses), devant les éléments tenant plus de l’engagement collectif (préserver les ressources naturelles en France, sauvegarder la planète, s’engager sur la voie de la sobriété). Seuls 4% disent faire attention à leurs consommations d’eau parce qu’ils "n’ont pas le choix".
La satisfaction envers les services reste stable d'année en année. Ce taux est de 87% en 2023. Les deux vertus particulièrement appréciées sont la disponibilité, 24h sur 24 (87%) et le caractère "écologiquement responsable" (75%). Mais cette nouvelle édition du baromètre montre, dans un contexte inflationniste, une hausse de la perception d'un prix du service de l'eau "plutôt cher" (63% contre 59% en 2022). Une tendance qui risque de s'amplifier à l'avenir, 88% des Français estimant que l'eau sera plus chère dans les prochaines années. Ce pronostic repose largement sur l’identification des enjeux d’adaptation des services d’eau. Il est, ainsi, d’abord associé à la crainte de manquer d’eau (58%), à l’inflation (54%) et à l’augmentation du prix des traitements (48%), consécutifs à la pollution des ressources. 45% des Français évoquent des éléments ayant trait à la rénovation des canalisations et 40% au développement de la REUT.
Interrogés sur leur disposition à payer le service de l’eau plus cher, 63% des Français assurent qu'ils y seraient prêts pour préserver les ressources, 62% pour éliminer les pesticides, 58% pour maîtriser les pollutions, 57% pour financer la REUT et 53% pour financer des technologies permettant de limiter les fuites.
Enfin, plus de la moitié des Français (53%) s’estiment bien informés sur les sujets liés à l’eau. Cet indicateur a grandement augmenté depuis l’origine du baromètre (19% en 1996). Les sujets d’interrogations sont toujours liés à la qualité et tout particulièrement à la santé.
*Enquête menée par interviews auprès de 3.573 individus âgés de 18 ans et plus, issus d’un échantillon national représentatif de la population française métropolitaine constitué d’un échantillon principal sur quotas (sexe, âge, profession et catégorie socioprofessionnelle du chef de ménage) et après stratification géographique (régions UDA 13, catégorie d’agglomération). Un sur-échantillonnage permet d'atteindre un minimum de 30 répondants par département. Redressement des données a posteriori pour avoir des résultats représentatifs de la population française métropolitaine.