Baromètre du numérique 2023 : une appropriation très hétérogène

Chaque année le baromètre du numérique réalisé par le Credoc décortique l'équipement, les usages et pratiques numériques des Français. L'édition 2023 confirme que la part de la population disposant d’ordinateurs ou de smartphones se stabilise à un niveau élevé (87 %), que les usages se transforment, notamment du fait de l'accès démocratisé à la fibre optique, y compris dans les communes rurales. Cependant "à mesure que la société se numérise les freins matériels mais aussi les difficultés de maitrise restent toujours aussi prépondérantes". 

Tandis que la part de la population disposant d'ordinateurs ou de smartphones se stabilise à un niveau élevé (87%), les usages continuent de transformer : 80 % de la population utilisent désormais des services de messagerie instantanée (+1 point en un an), et 60 % lisent régulièrement la presse au format numérique, selon l'étude annuelle réalisée par l'Arcep, avec le Conseil général de l'économie (CGE) et l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), en partenariat avec le Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (Credoc), publiée mardi 14 mai 2024. La tendance de lecture de la presse au format numérique concerne aussi les plus âgés : près de 60 % des plus de 70 ans naviguent sur internet à partir de leurs mobiles, contre moins de 20 % en 2017.

Cette diffusion des services numériques est à mettre en regard de l’accès de plus en plus courant à la fibre optique, souligne l'étude. Ainsi 67 % des abonnés à internet fixe disposent d’un abonnement en fibre optique. "Cette part augmente en particulier dans les communes rurales, où, désormais, près d’un abonné internet sur deux dispose de cette technologie (48 %, +14 points en un an)".  

Le manque de maîtrise des outils informatiques... 

Toutefois "à mesure que la société se numérise les freins matériels mais aussi les difficultés de maitrise restent toujours aussi prépondérantes", souligne l'étude. Ainsi 25 % des répondants considèrent ne pas maîtriser suffisamment les outils informatiques pour pouvoir les utiliser pleinement. Alors que cette proportion est stable par rapport à 2022, elle reste 7 points au-dessus du taux enregistré en 2020. 13 % (+1 point par rapport à 2022) se heurtent à des difficultés pour faire fonctionner leur matériel convenablement du fait d'un équipement dépassé ou trop vieux pour bien fonctionner. 9 % (+1 point) n'a pas ou difficilement accès à internet. Enfin, 10 % (-1 point) ne possède pas d'équipement approprié. 
Le niveau de diplôme joue directement sur la perception des freins rencontrés : les non diplômés sont particulièrement concernés par la maîtrise insuffisante des outils (33 %, +1 point par rapport à 2022), le manque d’équipement (23 %, -3 points), et l'accès difficile à internet (16 %, sans changement).

...des plus âgés et des plus jeunes

Comme toujours, le sentiment de ne pas maîtriser suffisamment les outils pour les utiliser pleinement est toujours davantage cité par les personnes plus âgées : 35 % des sexagénaires (sans changement par rapport à 2022, mais +10 points par rapport à 2020) et 38 % des 70 ans et plus (+2 points par rapport à 2022). Mais cette difficulté n'épargne pas les plus jeunes qui "sont encore de phase d'apprentissage et de familiarisation avec l'univers numérique" : 25 % des 12-17 ans estiment mal maîtriser les outils numériques.

A noter qu'un 1/5 des répondants cite le manque de protection des données personnelles comme principal frein à l'usage d’internet. "La proportion de personnes inquiètes de la sécurité de leurs données personnelles reflue pour la deuxième fois consécutive depuis 2018" mais "force est de constater que le niveau d’inquiétude à cet égard est à son plus bas niveau depuis 2010", constate l'étude qui fait le lien avec l'entrée en vigueur en 2018 du règlement général sur la protection des données (RGPD). 

Mairie, intercommunalité, médiathèque identifiées pour l'accompagnement 

Interrogés sur les lieux qui proposent un accompagnement numérique, 33 % des répondants citent la mairie ou l'intercommunalité. Une proportion quasiment identique (32 %) évoque les médiathèques et les bibliothèques. À distance notable, suivent les espaces de France Services (19 %) et les associations de proximité (17 %). Un espace public numérique est cité par 15 % des répondants, suivi par les cybercafés/taxiphones (12 %) et des lieux tels qu'un fablab, une ressourcerie etc (10 %). 
La taille d'agglomération influe sur la propension à citer les espaces France Services ou les Espaces public numérique. Alors que les ruraux évoquent plus souvent les espaces France Services, les habitants de l'agglomération semblent davantage tournés vers les Espaces publics numériques.

70 millions d’appareils susceptibles d'être reconditionnés ou recyclés

Le Baromètre du numérique révèle aussi que chaque foyer dispose en 2023 en moyenne de 10 équipements numériques avec écrans, utilisés ou non utilisés, soit environ 300 millions d’équipements numériques en France métropolitaine. Sur l’ensemble des terminaux présents au sein d’un foyer, un quart sont conservés sans être utilisés : environ 70 millions d’appareils seraient donc susceptibles d’être reconditionnés ou recyclés. Or l’impact environnemental du numérique provient essentiellement des terminaux (1) et notamment de leur fabrication. 
80% des personnes interrogées en ligne disent accomplir au moins une action pour réduire leur empreinte environnementale numérique. Ainsi, 75% des Français interrogés cherchent à réduire l'impact en augmentant la durée de vie de leurs équipements numériques ou en limitant leur nombre, tandis que 77% limitent la consommation électrique liée à l'utilisation de leurs équipements. Mais est-ce suffisant pour être considéré comme une prise de conscience écologique liée au numérique ? 

Le smartphone reconditionné n'est pas encore un réflexe

Car l'achat de smartphones reconditionnés n'est pas cité comme une pratique majeure pour réduire l'empreinte environnementale, avec seulement 13% des personnes interrogées jugeant utile de privilégier l'achat de terminaux reconditionnés. "Paradoxalement, s'il y a bien un geste prioritaire en matière environnementale dans le domaine du numérique, c'est le reconditionnement et l'achat de terminaux recyclés car ce sont les terminaux qui sont la source majeure de l'impact environnemental du numérique", a souligné un représentant de l'Arcep lors d'une conférence de presse du 14 mai. 

Cette étude a été réalisée auprès d'un échantillon représentatif de la population française de 4.267 personnes de 12 ans et plus, interrogées par téléphone et en ligne.

(1) Terminal, autre terme utilisé pour désigner les équipements qui servent d'interface entre nous et nos usages numériques : smartphones, téléviseurs, enceintes connectées, ordinateurs, etc.