Inclusion numérique : "L'esprit de territorialisation" de la nouvelle feuille de route
Comment se décline la feuille de route "France Numérique Ensemble", publiée en avril dernier et qui dessine pour les cinq prochaines années le déploiement de politiques publiques d’inclusion numérique sur les territoires ? Quels sont les impacts pour les collectivités et quelles articulations sur les territoires ? Autant de questions auxquelles l'évènement "Parlons inclusion numérique", organisé au Hub de la Banque des Territoires mardi 26 septembre, s'est proposé de répondre.
"Tout l'esprit de la nouvelle feuille de route, c'est un esprit de territorialisation", a résumé Pierre-Louis Rolle, qui estime que le déploiement de politiques publiques d’inclusion numérique - dont la Banque des Territoires est opérateur - doit se faire selon une "approche d'éducation populaire et de diffusion de la culture du numérique". Le directeur Stratégie et Innovation au sein de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) intervenait aux côtés d'Églantine Dewitte, directrice générale de la coopérative "Les Assembleurs", de Jacques Oberti, président du Sicoval et maire d'Ayguesvives, et de Céline Colucci, directrice générale des Interconnectés, à l'occasion d'une rencontre au Hub de la Banque des Territoires, à Paris, mardi 26 septembre 2023. Objectif : saisir comment sera déclinée localement la prochaine feuille de route 2023-2027 "France Numérique Ensemble" (voir notre article du 27 avril 2023). Car voilà tout l'enjeu des mois à venir : comment vont se dessiner, aux côtés des préfectures dans les collectivités ou leurs groupements, les feuilles de route territoriales d'inclusion numérique.
Ce débat a été l'occasion de rappeler le calendrier fixé par la circulaire de juillet 2023 pour rédiger les feuilles de routes locales (voir notre article du 4 septembre 2023). Ainsi, jusqu'au 15 octobre 2023, les préfectures font remonter les différentes gouvernances territoriales départementales pressenties via une plateforme en ligne. Au 31 décembre 2023, le périmètre territorial de la ou des feuilles de route locales et des structures impliquées dans leur mise en œuvre et dans la gouvernance doit être formalisé. C'est aussi à cette échéance que les besoins en ingénierie financière pourront être exprimés pour la première fois. Et d'ici le mois de juin 2024, les documents devront être finalisés et approuvés par toutes les parties de la gouvernance territoriale.
Le rôle des préfets de départements
"La question du territoire est pertinente", assure le président du Sicoval, Jacques Oberti, car "tous les territoires ne sont pas également motivés". Selon lui, "la mobilisation des préfets de départements par le biais de la circulaire" doit "permettre de garantir une homogénéité entre les territoires". Reste qu'il faut, témoigne cet acteur de terrain, développer l'"aller vers" et "améliorer l'ancrage territorial des services sur l'ensemble du territoire". Intervenant par webcam, il a également estimé que l'arrivée des "conseillers numériques, la mise en place d'accueils au sein des mairies et des intercos ont permis d'avancer considérablement", tout en posant la question de la formation et de la montée en compétence de ces agents. Le rendez-vous "Numériques en Commun[s]" qui se tient les 19 et 20 octobre 2023, en présence du ministre Jean-Noël Barrot, sera l'occasion de traiter la question de la formation des aidants et des conseillers numériques, et de leur montée en compétence, a-t-il été mentionné ce mardi.
"Poursuivre le travail de définition"
"Au début, on a souvent évoqué les 13 millions de personnes éloignées du numérique", a rappelé Pierre-Louis Rolle. C'était avant qu'une récente étude conjointe du Credoc-Cread ne revoit ce chiffre à la hausse et avance que 31,5% des 18 ans et plus sont "plus ou moins éloignés du numérique, faute de maîtriser les compétences numériques élémentaires", ce qui porterait plutôt à 16 millions le nombre de personnes éloignées du numérique… soit plus d'un Français de plus de 18 ans sur trois. "Qui sont ces personnes ?", interroge Pierre-Louis Rolle, estimant qu'il faut "poursuivre le travail de définition".
"S'appuyer sur un diagnostic"
S'est aussi posée la question des partenariats public-privé. "La question de l'inclusion numérique, c'est un problème d'accès au droit. On est face à un sujet transversal", a rappelé "Les Assembleurs" par la voix de sa directrice générale, Églantine Dewitte, avant de souligner que "cela nécessite des partenariats" et "la mobilisation de tous les acteurs qui font l'inclusion numérique". Et de citer le "tissu associatif, collectivités, etc." "Le maillage d'acteurs à l'échelle d'un territoire est une question essentielle", insiste-t-elle. Une nécessité également mise en avant par Céline Colucci, des Interconnectés : il faut "rassembler les acteurs à l'échelle d'un territoire autour de cette dynamique" mais il faut également pouvoir "s'appuyer sur un diagnostic : quels sont les besoins, où sont les personnes ?", détaille-t-elle.
À la question des moyens alloués à cette politique publique, Pierre-Louis Rolle se félicite que désormais il y ait "une ligne au budget de l'État et une enveloppe dédiée au financement des conseillers numériques". Le dispositif est donc renouvelé, la "trajectoire financière" fixée "autour des 50 millions par an" et il existe désormais "un fonds dédié au recrutement de coordinateurs nationaux des conseillers numériques". Pour autant ces moyens sont-ils suffisants ? Pour Églantine Dewitte, le "soutien de l'État est essentiel et ne peut être qu'incitatif". "Il existe beaucoup de problèmes de cofinancements", pointe-t-elle. Jacques Oberti quant à lui, appelle de ses vœux "un financement structurel de la lutte contre l'illectronisme".
Pilotage par la donnée
"L'application de la circulaire va nous permettre de regarder de nouveaux domaines et notamment celui de la santé", a souligné à plusieurs reprises le président du Sicoval. Un nouvel élan pourrait également venir du pilotage par la donnée, ont souhaité plusieurs intervenants, estimant cependant que "dans bon nombre de collectivités, on en est encore très loin". "Si certains services reviennent en permanence en termes de difficultés d'accès, c'est qu'il faut réagir et faire en sorte que les citoyens puissent mieux y accéder", conclut Céline Colucci. L'occasion pour elle de rappeler qu'il serait certainement intéressant de repenser les parcours en "parcours d'accès aux droits" et de faire appel aux logiques de design de service, tout en considérant que "tout citoyen qui en exprime le besoin, devrait toujours pouvoir avoir un contact humain pour régler un problème". C'est d'ailleurs le sens du renforcement de la coordination opérationnelle entre les dispositifs "conseillers numériques" et France services, inscrit dans la circulaire de juillet 2023.