Inclusion numérique : un rapport et une proposition de feuille de route 2023-2027
Cinq ans après le lancement de la première stratégie nationale pour un numérique inclusif et quatre mois après le lancement du CNR numérique en novembre 2022, l'instance vient de publier son rapport. Dans la foulée, l'État publie sa "proposition" de feuille de route 2023-2027 qui doit encore être "discutée et enrichie" afin d'aboutir d'ici la fin du mois de mai 2023. Objectif : permettre à 80% de la population de disposer des compétences numériques de base alors qu'aujourd'hui 31,5% des 18 ans et plus sont plus ou moins éloignés du numérique.
Quatre mois après le lancement du Conseil national de la Refondation (CNR), volet numérique, en novembre 2022, Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications, a publié le 21 avril 2023 sa proposition de feuille de route pour la période 2023-2027 qui doit être adoptée d'ici fin mai 2023. L'objectif, a-t-il précisé dans l'édito du rapport du CNR publié le même jour, est "celui que nous nous sommes fixé au sein de l’Union européenne", à savoir "permettre à 80% de la population de disposer des compétences numériques de base", sans préciser à quelle échéance. Autant dire que la marche est haute si l'on rapproche ce pourcentage de celui révélé par la récente étude conjointe du Credoc-Cread que cite le gouvernement : 31,5% des 18 ans et plus sont "plus ou moins éloignés du numérique, faute de maîtriser les compétences numériques élémentaires".
Pour y parvenir, deux documents devraient baliser l'action du gouvernement. Un rapport de 68 pages, "fruit de la concertation nationale sur le volet inclusion numérique", porté par un travail conjoint de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) et de la Mednum. Et la proposition de feuille de route 2023- 2027 du gouvernement qui doit encore être "discutée et enrichie" d'ici la fin mai avant d'être adoptée.
"Territorialiser la politique d'inclusion numérique"
Dans la proposition de feuille de route, une série de 15 engagements sont listés, inspirés des 19 propositions du rapport. On notera que les trois premiers s'inscrivent sous la bannière "territorialiser la politique d'inclusion numérique". Ainsi, la première proposition soutient qu'il faudrait "engager dans chaque territoire une collectivité pilote de la politique d'inclusion numérique". Il est précisé que "l'État et les collectivités s'engagent à ce que, sous l'égide des préfets de département et en copilotage avec les collectivités pilotes de référence, des feuilles de routes territoriales 2023-2027 […] soient rapidement formalisées". La proposition numéro 2 prévoit de "concentrer les moyens publics et privés dédiés à la pérennisation des dispositifs d'inclusion numérique". Il est précisé que "l'Etat s'engage à structurer un fonds d'ingénierie dédié augmenté" et coordonné par l'ANCT. On retiendra également l'engagement numéro 5 : encourager des solutions de diagnostics et d'accompagnements "harmonisées" accessibles à tous les acteurs de la médiation numérique, en capitalisant notamment sur les outils ABC Pix et ABC diag. L'engagement numéro 6 entend "promouvoir collectivement le référentiel européen de compétence DigComp et sa traduction française via Pix". Le numéro 8 prévoit que l'État s'engage à "accompagner les acteurs privés et publics dans leur don de matériel informatique" (notre article du 19 janvier 2022). Le dixième engagement propose de labelliser gratuitement les lieux d'accueil à destination des publics éloignés du numérique et le douzième "d'améliorer le statut d'aidant professionnel". Enfin, les trois derniers engagements (13, 14 et 15) sont relatifs au traitement par les données : ils proposent de déployer une plateforme de données dédiée à l'inclusion numérique, de lancer l'Observatoire des compétences numériques via Pix - le service public en ligne pour évaluer et certifier ses compétences numériques - , et de former les acteurs territoriaux via l'ANCT, avec l'appui des Hubs territoriaux, au pilotage par la donnée.
Besoin de coordination dans le cadre de gouvernances locales
Toutes ces propositions trouvent leur source dans le rapport du CNR volet numérique, dans lequel les participants se sont "appliqués à analyser" les effets de la première stratégie nationale pour un numérique inclusif.
Ainsi, concernant la gouvernance et le financement du secteur, les participants ont salué "le foisonnement d’initiatives territoriales" tout en soulignant "le besoin de coordination des acteurs et structures dans le cadre de gouvernances locales clairement identifiées". "Malgré les annonces gouvernementales de la fin d’année 2022 actant la prolongation et les modalités de financement du dispositif conseillers numériques, la question des modèles économiques pour les structures privées et de la soutenabilité financière pour les acteurs publics intervenant dans le champ de l’inclusion numérique a été soulevée", peut-on lire dans le rapport ; les participants mettant notamment en exergue "la problématique de la multiplicité des sources de financement" (notre article du 28 septembre 2022).
L'impératif "d’aller-vers"
Pour ce qui est de l’accompagnement des publics, les participants ont souligné "la persistance d’une relative méconnaissance, par les usagers cibles, des actions d’inclusion numérique". Alors que cet impératif "d’aller-vers [...] a été pointé comme prioritaire, et ce d’autant que les alternatives au tout numérique sont de plus en plus faibles". Surmonter cette difficulté suppose, selon les participants, de renforcer l’outillage et la formation des professionnels.
Les participants ont également pointé "la nécessité de définir plus finement les différents métiers et leurs missions, afin de permettre la structuration d’une filière".
Enfin, concernant les modalités d’utilisation de la donnée et les besoins d’évaluation des politiques d’inclusion numérique, les participants ont salué les initiatives portées dans le cadre de la première stratégie (rapport d’activité des conseillers numériques, cartographie, indice de fragilité numérique, outils développés par Pix). Ils regrettent toutefois "leur multiplicité, la diversité des canaux de remontés et l’absence de référentiels de données standardisées" qui "limitent encore les possibilités offertes en termes d’exploitation et d’ajustement des politiques publiques".
Ces différents constats ont conduit les participants du CNR à formuler 19 propositions "opérationnelles", qui ont largement inspiré la proposition de feuille de route du gouvernement.