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Projet de loi Mobilité - Baptiste Talbot (CGT) : "Une mobilité contrainte vouée à s'appliquer à la territoriale !"

Les parlementaires devaient adopter définitivement ce 23 juillet le projet de loi relatif à la mobilité dans la fonction publique. Premier syndicat de la FPT, la fédération CGT des services publics considère que ce texte porte dangereusement atteinte à la garantie de l'emploi dans la fonction publique. Baptiste Talbot, son secrétaire général, explique à Localtis pourquoi selon lui les territoriaux sont en particulier menacés.


Localtis : Selon le ministre de la Fonction publique, moins de 5% des fonctionnaires serviraient aujourd'hui "hors de leur corps d'appartenance". Ne fallait-il pas faire quelque chose ?

Baptiste Talbot: Le gouvernement prétend encourager la mobilité dans la fonction publique sous couvert que celle-ci est très réduite. En fait, les chiffres qu'il avance sont partiels. Une étude de l'Insee publiée en septembre 2003 montre que chaque année un salarié de l'Etat et des collectivités locales sur dix quitte l'établissement dans lequel il était employé un an auparavant. Dans les deux tiers des cas, la mobilité s'effectue vers un autre établissement de la fonction publique. On est de fait sur un rythme de mobilité qui n'est pas inférieur à celui du secteur privé. En s'appuyant sur le mythe du fonctionnaire immobile, le gouvernement met en place un texte qui vise en fait à lui donner les moyens de tailler dans les effectifs.

 

Pourquoi les mécanismes de "réorientation professionnelle" mis en place par le projet de loi constituent-ils selon vous une menace pour les fonctionnaires ?

Un agent dont le poste est supprimé sera mis "en disponibilité" sans salaire, ou à la retraite, s'il refuse trois propositions de mutation de suite. Dans les faits, l'administration n'aura aucune difficulté à proposer trois postes que le fonctionnaire ne sera pas en capacité d'accepter - que ce soit pour des raisons de proximité géographique ou à cause de contraintes familiales, etc. Certes, quelques garde-fous ont été mis en place, mais pas suffisamment. Le problème est que l'objectif du gouvernement demeure la réduction du périmètre de la fonction publique, y compris en poussant les fonctionnaires dehors ou en les forçant à changer d'affectation. Cela, la CGT le rejette. Pour autant, nous ne sommes pas opposés à des mécanismes permettant à un fonctionnaire d'évoluer dans sa carrière dans le cadre d'une mobilité choisie tenant compte des nécessités liées à un bon fonctionnement des services publics. C'est pourquoi nous sommes favorables à la création d'un statut unique de la fonction publique. A la place des trois versants de la fonction publique, il y aurait des règles identiques à tous les agents, notamment en matière de mutation. Il serait ainsi beaucoup plus facile de passer d'une collectivité locale à l'Etat ou de l'Etat à l'hospitalière, etc.

 

Le projet de loi concerne avant tout les fonctionnaires de l'Etat. Etes-vous inquiet aussi pour les territoriaux ?

Pour le gouvernement, il est évident que les mécanismes coercitifs mis en place aujourd'hui dans la fonction publique d'Etat ont vocation à s'étendre aux autres fonctions publiques. Demain, des collectivités locales vont certainement utiliser les mécanismes qui seront en place pour, de fait, supprimer des postes. En particulier, il y a des chances pour que les départs en retraite ne soient remplacés que partiellement. Nous sommes d'autant plus inquiets pour les territoriaux que l'état des finances locales est en voie de se dégrader.

 

Vous critiquez la possibilité renforcée par le texte de cumuler des emplois à temps non-complet. Cette mesure ne répond-elle pas pourtant à un besoin de souplesse ?

Ce mécanisme favorise la précarisation des agents. Le fait qu'une entité de travail n'ait pas besoin d'un agent à temps complet n'empêche pas que les agents puissent être titulaires à temps complet et affectés à plusieurs postes. Pour cela, il faut réfléchir en termes de mutualisation, soit dans chaque fonction publique, soit entre les fonctions publiques. Il faut par exemple développer les équipes mobiles employées par les centres de gestion.

 

Le recours à l'intérim ne sera autorisé que si le centre de gestion n'a pas pu apporter de solution à la collectivité. Est-ce une sécurité selon vous ?

Oui, mais cela suppose que les responsables des centres de gestion aient réellement la volonté politique de mettre à la disposition des collectivités des agents publics destinés à répondre à leurs besoins, y compris de manière ponctuelle.

 

Propos recueillis par Thomas Beurey