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Transports - Baisse des dotations : les transports publics bientôt en panne sèche ?

Le travail d'audition de la commission d'enquête parlementaire visant à "évaluer les conséquences de la baisse des dotations de l'Etat aux communes et aux EPCI sur l'investissement public et les services publics de proximité" a débuté. Le 6 octobre, le service public questionné a été celui des transports publics. Côté autorités organisatrices et opérateurs, on redoute des conséquences sur l'offre, avec une remise en cause de certains projets.

Guy Le Bras, directeur général du Groupement des autorités responsables de transports (Gart), est intervenu pour évoquer les incidences de la baisse des dotations de l'Etat sur les autorités organisatrices. "Elle impacte forcément leur capacité d'autofinancement des transports publics et, mécaniquement, leurs investissements à hauteur de 32% en moins", a-t-il estimé. Et Jean-Pierre Farandou, président de l'Union des transports publics et ferroviaires (UTP), auditionné dans la foulée, d'ajouter : "Nous ne sommes bien évidemment pas la seule compétence du service public pénalisée. Mais comme cela arrive après ces trois autres mauvaises nouvelles pour le secteur que sont la hausse de la TVA, le relèvement du seuil de perception du versement transport de 9 à 11 salariés et l'abandon de l'écotaxe, les conséquences deviennent de plus en plus visibles."

Rogner sur l'offre

Les mauvais signaux en effet s'accumulent. Nicolas Sansu, député du Cher et rapporteur de cette commission d'enquête, a relevé l'exemple de Valenciennes Métropole, une communauté d'agglomération qui rencontrerait d'importantes difficultés pour équilibrer son budget transports. Pour Alain Fauré, le député de l'Ariège qui préside cette commission, "cette baisse des dotations va pousser à de nouveaux arbitrages et ces contraintes budgétaires vont inciter à des réflexions sur l'optimisation des matériels et sur la tarification". "D'autant que ce n'est qu'un début, puisque cette baisse n'en est qu'au premier tiers, imaginez donc la suite !", renchérit le député du Bas-Rhin Laurent Furst. Président d'une communauté de communes (celle de la région de Molsheim-Mutzig), il se demande si cela va aller jusqu'à remettre en cause des équipements et projets.

Pente descendante

Guy Le Bras a répondu que les projets pour l'heure abandonnés l'ont plutôt été faute de concertation politique et surtout à la suite des dernières élections municipales. "C'est typiquement le cas du projet de tramway à Avignon, porté par l'agglomération mais auquel la municipalité s'est opposée." D'autres collectivités tournent le dos au tramway, par exemple Amiens-Métropole, qui se contentera de lignes de bus à haut niveau de service (BHNS). A Caen, le projet de remise à plat des lignes de tramway fer doit être revu à la baisse. De même pour l'agglomération niortaise. "Aix-Les-Bains et Nîmes ont baissé de 10% leur offre. Ce qui est loin d'être anodin. Cette pente descendante nous préoccupe. Car non seulement elle réduit l'activité des entreprises et opérateurs, mais risque aussi d'engendrer des répercussions sur l'emploi", complète Jean-Pierre Farandou.

Moins d'offre, moins de trafic

Selon lui, "le trafic se tasse globalement au premier semestre et les recettes aussi se réduisent". Des grandes villes comme Strasbourg et Nantes maintiennent un certain niveau de recettes. Mais dans d'autres, ce niveau est "si faible que se pose à nouveau la question de la gratuité, à laquelle nous sommes vivement opposés". Et de conclure : "Le transport public étant l'un des rares secteurs où, parmi les cinq premières entreprises mondiales, trois sont françaises - Transdev, Keolis, RATP - le fragiliser n'est pas un bon calcul. Car si on exporte si bien, c'est en s'appuyant sur ces spécificités, cette vitrine française".

Morgan Boëdec / Victoires-Editions

L'UTP juge alarmante la baisse de la recette par voyage depuis 10 ans

Dans une note publiée le 6 octobre, l'Union des transports publics et ferroviaires (UTP) dresse un constat alarmiste sur la dégradation de la recette par voyage dans le transport public urbain. Depuis 10 ans, cet indicateur économique clé pour le secteur s'est contracté de 1,5% par an en moyenne, passant de 54 centimes d'euros en 2004 à 47 centimes d'euros en 2014. "Quels que soient la taille des agglomérations et le niveau de service proposé aux voyageurs, aucune classe de réseaux ne parvient à redresser ce ratio", souligne l'UTP. Au cours de la même période, pointe-t-elle, les autres services publics marchands (distribution d'eau, services postaux, gaz, électricité, enlèvement des ordures ménagères, restauration scolaire…) ont vu leurs prix augmenter entre 21% et 60%. L'UTP estime que le recul de la recette s'explique par "un décalage structurel entre des recettes commerciales qui progressent toujours moins vite que le trafic". En 2014, le mouvement de repli s'est encore accéléré pour trois raisons, juge l'UTP : les échéances électorales (les municipales, en l'occurrence), rarement propices aux évolutions tarifaires, la persistance de la crise économique qui a orienté une partie de la clientèle vers des tarifications sociales spécifiques auxquelles elles ne pouvaient pas prétendre jusqu'alors, et la seconde hausse de la TVA de 5,5% à 10% sur les titres de transport qui n'a pratiquement jamais été répercutée sur les tarifs. L'UTP voit dans la baisse de la recette par voyage "une menace pour la pérennité de l'offre de service public de transport urbain, en quantité et en qualité". "Avec des recettes commerciales qui couvrent à ce jour moins de 31% des coûts d'exploitation (soit plus de 10 points de moins en 10 ans), c'est la fiscalité locale, via les impôts locaux et le versement transport, qui est mise à contribution pour assurer une offre de plus en plus large", poursuit-elle. Mais les budgets des collectivités locales étant de plus en plus contraints, l'UTP juge qu'il faut revenir à des politiques tarifaires adaptées au développement de l'offre. "Il a été démontré que la fréquence de passage des véhicules et l'information voyageurs sont des leviers d'attractivité du transport public bien plus puissants que des tarifs bas, fait-elle valoir. La montée en gamme des services, quand elle correspond aux attentes des clientèles, leur fait admettre une hausse des prix. D'autant que les grilles tarifaires telles qu'elles sont proposées actuellement offrent à tout un chacun la possibilité de voyager selon ses besoins et ses moyens".  Anne Lenormand