PLF 2015 / Education - Avenir du fonds d'amorçage pour les rythmes scolaires : la balle est au Parlement
Les maires "découvrent" avec "consternation" et "inquiétude" - et peut-être une dose de mauvaise foi - que le fonds d'amorçage pour les rythmes scolaires ne sera pas pérennisé. Quatre associations d'élus ont publié coup sur coup des communiqués dans ce sens : l'Association des maires de France (AMF), l'Association des maires de grandes villes de France (AMGVF), l'Association des petites villes de France (APVF) et l'association Villes de France.
Une communication de Benoît Hamon, alors ministre de l'Education nationale, en conseil des ministres du 7 mai dernier, avait pourtant prévenu, sous une formulation, il est vrai, valorisant le verre à moitié plein. "Afin de garantir la pleine réussite de la réforme, (le) fonds d'amorçage sera poursuivi pour l'année scolaire 2015-2016. Son montant permettra de répondre plus particulièrement aux besoins des communes les plus en difficulté", disait la communication. Aucun montant n'était alors précisé, ni son calcul, ni même la nature des "difficultés" des communes (difficultés financières ou difficultés de mise en place de la réforme des rythmes ?) "On a un peu de temps pour affiner tout cela", disait-on alors au ministère de l'Education nationale (voir notre article ci-contre du 7 mai 2014). Voilà qui est fait : dans le PLF 2015, les "communes les plus en difficulté" sont celles qui ont "le plus de difficultés" financières et, à ce titre, qui bénéficient de la DSU cible ou de la DSR cible. Elles percevront 40 euros par an et par élève (voir notre article du 8 octobre dernier).
"Cette réforme demande aux communes en moyenne 200 euros par élève"
"Les maires de France sont consternés", ont-ils fait savoir dans un communiqué de presse de l'AMF. "Cette réforme, dont on sait mieux apprécier le coût maintenant qu'elle est généralisée, demande aux communes en moyenne 200 euros par élève, ce montant ne comprenant pas les investissements qui devront être engagés dans de nombreuses communes confrontées à des problèmes de locaux", ajoute l'association d'élus présidée par Jacques Pélissard, député-maire (UMP) de Lons-le-Saunier. Elle rappelle également que les financements de la CAF sont réservés aux seules communes ayant la capacité de mettre en place des accueils de loisirs déclarés - "nécessairement plus coûteux que les ateliers ou les garderies" - et ne pourront en aucun cas "pallier l'absence de l'aide de l'Etat" (l'Etat mettant régulièrement en avant ce financement complémentaire). Et l'AMF de menacer : "La gratuité des activités proposées sera remise en cause comme l'ambition de proposer des activités de qualité."
André Laignel, premier vice-président délégué de l'AMF, maire (PS) d'Issoudun et président du Comité des finances locales, témoigne dans Maire Info, le quotidien en ligne de l'AMF, que "lors de la présentation du PLF devant le Comité des finances locales, aucun des trois ministres présents n'a fait mention de cette mesure".
"Réfléchir à un mécanisme d'aide pérenne"
L'AMF demande au gouvernement et aux parlementaires d'amender l'article 55 du PLF "pour donner au fonds d'amorçage un caractère durable et général et pour lui affecter des crédits permettant de l'adapter au coût de la réforme". Elle demande aussi à être reçue "sans délai" par la ministre de l'Education nationale.
L'Association des maires de grandes villes de France, présidée par Jean-Luc Moudenc, maire (UMP) de Toulouse, président de Toulouse Métropole, évoque quant à elle une "possible remise en cause de la gratuité des activités périscolaires", précisant que 71% des maires de grandes villes avaient jusqu'à présent fait le choix de "ne pas pénaliser les familles", selon une enquête interne. Cette même enquête aurait montré que le reste à charge s'est élevé, pour les grandes villes, en 2013 (date de la mise en application des nouveaux rythmes), à 2,2 millions d'euros en moyenne par commune. L'AMGVF demande "solennellement" au gouvernement et aux parlementaires d'amender le projet de budget 2015 "de sorte à prolonger le fonds d'amorçage comme les deux dernières années" et de "réfléchir d'ores et déjà à un mécanisme d'aide pérenne afin d'éviter de nouveaux surcoûts".
Un nouvel accroc dans les relations financières entre l'Etat et les collectivités"
L'association Villes de France (ex-Fédération nationale des villes moyennes), présidée par Caroline Cayeux, sénateur-maire (UMP) de Beauvais, accuse l'Etat de "revenir insidieusement sur ses promesses". Elle "déplore vivement ce retournement soudain de l'Etat alors que celui-ci s'était engagé, par la voix de ses ministres de l'Education nationale successifs, à compenser la mise en place de cette réforme les deux premières années", souligne-t-elle. "Sur la forme, Villes de France estime qu'il s'agit d'un nouvel accroc dans les relations financières entre l'Etat et les collectivités locales, le gouvernement n'ayant même pas pris la peine d'informer le Comité des finances locales ou les présidents d'associations d'élus locaux, de cette évolution. Sur le fond, Villes de France estime que cette mesure est discriminante, et va à l'encontre du principe d'universalité de l'éducation, qui est une politique de droit commun au même titre que la justice ou la sécurité", insiste le communiqué. Pour Villes de France, "l'Etat essaye de faire passer une nouvelle mesure d'économie sous couvert de générosité avec les communes les plus modestes, ce qui est inacceptable".
L'Association des petites villes de France, présidé par Olivier Dussopt, député (PS) de l'Ardèche et maire d'Annonay, est également fort mécontent que la décision ait été "prise en l'absence de toute concertation avec les associations d'élus". Une décision qu'elle juge "particulièrement inquiétante dans un contexte où les collectivités locales voient leurs dotations diminuer de 11 milliards d'euros pour les trois prochaines années". L'APVF fait savoir qu'elle a saisi la ministre actuelle, Najat Vallaud-Belkacem, pour lui faire part de la "vive inquiétude" de ses élus.